49. Les murmures des anciens

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pdv Korzan

Des clochettes accrochées à un trousseau tremblent à notre arrivée. Usées par le temps, le tintement résonne tandis que j'observe la salle. Des rideaux accrochés sur chaque coin empêchent d'apercevoir les recoins.  La lumière du jour s'immisce entre les planches du plafond et filtre à travers les tissus colorés.

Non loin, une silhouette se lève et tire sur une corde. De ce geste, les rideaux s'enroulent et se soulèvent. Trane, debout près de la corde, nous observe avec un mélange de mépris et de curiosité. Son visage, marqué par le temps et la rancune, trahit son exaspération.

— Tiens, qui me rend visite, lance-t-il, une pointe de sarcasme dans la voix. Est-ce que la famille s'est enfin décidée à me tirer de ma retraite forcée ?

— Trane, répond calmement Miéllie, un éclat de tristesse dans la voix, presque imperceptible. Nous ne sommes pas venus ici pour te libérer.

Un sourire fugace passe sur le visage de Trane, mais ses yeux restent froids, presque morts.

— Évidemment, ironise-t-il. On ne m'appelle que lorsque vous avez besoin de quelque chose.

Il marque une pause, jetant un regard méfiant vers Freus.

— Alors, qu'est-ce que vous attendez de moi cette fois ? Une bénédiction ? Un conseil ? Ou peut-être que vous êtes juste là pour m'observer dans ma cage comme des oiseaux curieux.

Ses mots résonnent dans la pièce, chaque syllabe empoisonnée d'un ressentiment qu'il n'essaie même pas de dissimuler.

— Nous sommes au courant que tu es retenu ici depuis quelques minutes, avoue Freus. Sinon, je serais venu plus tôt.

Trane gratte sa longue moustache qu'il n'a pas pu s'occuper depuis quelques mois. Celle-ci dépasse son menton barbu. Je remarque les chaînes autour de ses poignets. Les mêmes qu'il avait mis à sa fille... Les yeux de Trane se tournent vers moi d'un air haineux.

— Je rêve de te tuer, dit-il d'un ton monotone.

Cette menace me fait rire. Je croise les bras et m'adosse au mur de pierre.
Mon dos est tout de suite rafraîchi.
Je ne lui réponds pas. Je n'ai rien à dire après tous.

— Pourquoi es-tu là ?

Il le sait. Pourquoi poser la question.

— Tu dois passer le flambeau à Freus, commence Miéllie d'une petite voix.

— Ce gamin, chef ? siffle Trane. Vous le chargez de responsabilités pour apaiser vos propres faiblesses.

Ce dernier reste immobile, son regard rivé sur Trane, déterminé et froid. Il ne bronche pas, même sous la provocation. Miéllie, elle, prend une grande inspiration, son visage empreint d'une fatigue visible.

— Le clan s'est fracturé, et à force de guerre et de luttes internes, seuls les plus dévoués sont restés. Mais même eux... même eux ont fini par t'abandonner. Parce qu'au final, tu n'as jamais compris que le chef n'est pas un tyran qui écrase ceux qui le suivent, dit d'une voix sèche Freus.

— Crois-tu pouvoir mener ce clan sans perdre ton âme ?

Trane reste silencieux un instant, son regard sombre fixe son neveu.

— Tu ne m'as jamais offert le choix, alors aujourd'hui, c'est toi qui n'as plus le luxe d'en avoir un. Tu passes le flambeau, que tu le veuilles ou non, parce que ce clan a besoin d'un chef.

— La loyauté, Trane, ce n'est pas un droit qu'on impose, reprend Miéllie, sa voix empreinte d'une douleur contenue. Elle est gagnée. Freus a gagné cette loyauté que toi, tu as perdue. C'est pour cela qu'il est ici aujourd'hui, et que nous voulons que tu acceptes sa position, pour la survie même du clan.

Sanvisage ~ Le DétenteurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant