CHAPITRE 3

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Izano

1an plus tôt... 01 octobre.


J'observe une dernière fois l'affiche entre mes doigts. « RASSO MOTOS », c'est bien ce qui est inscrit dessus. Pourtant, face aux visages qui m'entourent, j'ai du mal à concevoir que c'est quelque chose de légale.

A Manitou Springs, l'air est frais et je ne regrette pas la combinaison en cuir que je porte. J'ai l'impression de faire tâche au milieu des autres motards, comme si je m'étais égaré. Et à leur façon de me dévisager et de retrousser le nez, je sens que je ferais bien de m'en aller.

Environ deux cents personnes se trouvent là. Des motards de tous les âges venus partager leur passion commune. Enfin c'est ce que je croyais. Là, en les voyant comme ça, j'ai un doute. L'air est devenu glacial et ça ne présage rien de bon.

A califourchon sur ma moto, je balaye des yeux les grandes étendues de terre qui m'entourent. Je décide de ne pas m'attarder. Mes yeux brillent néanmoins d'excitation à la vue de tous ces bolides qui m'entourent. La diversité des motos me coupe le souffle – des sportives, des roadsters, des routières... Toutes plus clinquantes les unes que les autres. Et je profite une dernière fois de ces merveilles avant de quitter définitivement les lieux.

Je tourne la clé et le ronronnement de ma moto surgit. Mon corps fait un mouvement d'avant en arrière pour la rabaisser et remonter la béquille. Mais tandis que je m'apprête à braquer mon guidon pour faire demi tour, des moteurs puissants surgissent d'entre les roches, un peu plus loin. Toutes les têtes présentes convergent à l'unisson vers l'endroit où émettent ces sons. En quelques secondes seulement, uneR1 noire, une R7 jaune et noire et une 1000 RR bleue métallique jaillissent dans un bruit qui résonne à tel point que lorsque les deux premières s'arrêtent, j'ai l'impression qu'elles résonnent encore en moi.

Mon cœur bat plus vite. C'est une course et la 1000 RR les a devancé, et de loin. La R1 s'arrête en dernière, à quelques mètres des deux autres. Son occupant retire brusquement son casque et le balance à terre dans un excès de rage qu'il ne parvient pas à maîtriser.

Mes deux pieds font de petites foulées sur la terre sèche qui s'élève en poussière tandis que je recule, quand une effervescence soudaine me prend de court. Ma tête pivote rapidement, pour tenter de mettre de l'ordre dans tout ce raffut. Des cris en provenance du public qui les acclame, hurle et jette des billets dans tous les sens. Tout à coup, un voyant se met à clignoter dans ma tête. Surtout quand je constate que la plupart de ceux qui ont parier s'envoient à présent leurs poings dans la gueule. Des bagarres éclatent un peu partout dans un brouhaha général qui me hurle de me barrer d'ici sans me faire remarquer. Soudain, une main s'élève et braque une arme. Quand trois coups claquent et résonnent dans un bruit sourd, un nuage d'oiseaux noircie aussitôt le ciel. Je décide qu'il est temps que je m'en aille. Et autant faire ça vite.

⸻ C'est un petit bijou que t'as là, déclare une voix dans mon dos.

Ma tête jette un coup d'œil par dessus mon épaule, mais je choisis de feindre la surdité. J'opère mon demi-tour et m'apprête à quitter le rasso, sauf qu'un homme se trouve à présent sur mon passage. Son ventre proéminent pourrait presque toucher l'avant de ma bécane s'il se décidait à faire un pas de plus. Et il n'est pas seul. Cinq hommes l'entourent comme pour le protéger. Comme si le président se trouvait devant moi et que ses garde du corps l'encerclaient. Sous mon casque, un de mes sourcil se relève.

⸻ Pardon, je m'en allais, annoncé-je en avançant de quelques centimètres.

Sauf qu'il ne bouge pas. Ni lui ni ses accompagnateurs, qui me dévisagent comme si j'étais fou de m'adresser à lui en retour. Je remarque qu'ils portent tous ce même blouson de cuir sur le dos, avec les deux lettres brodés « B.W » sur le devant. Mais des clans de motards ce n'est pas quelque chose d'exceptionnel et encore moins dans un événement comme celui-ci.

L'un des hommes à l'arrière, le plus costaud des cinq, émet un ricanement qui me fait grimacer. Qu'est-ce qu'il a a se marrer comme ça ?

⸻ Je disais, beau bijou, répète-t-il en désignant ma bécane du menton.

J'acquiesce et le remercie brièvement avant de tenter une nouvelle sortie. Sauf que je n'obtiens que des têtes amusées qui semblent se délecter de me voir galérer.

Le plus vieux d'entre eux, le président, contourne à présent ma moto. Marchant lentement autour de moi sans prêter attention aux coups de feu, aux bagarres et à tout ce putain de bordel, comme si tout était parfaitement normal. Quel genre de motards vivent ça quotidiennement pour ne plus y prêter le moindre regard ? Malgré moi, l'adrénaline fait un pic à deux cent kilomètres à l'heure dans mes veines et dans mon cœur, qui bat a un rythme effréné. Tous les voyants clignotent et une sirène d'alarme émet désormais un bruit assourdissant qui me file la migraine.

⸻ T'es rapide ?

Ma pivote vers lui, qui caresse le covering bleu aux écailles vertes irisées de ma R1d'un œil brillant.

⸻ J'arrive à la conduire, c'est déjà ça, menté-je en sentant que ce que je vais dire va être pris au pied de la lettre.

Un léger rire se glisse hors de ses lèvres.

⸻ Je veux voir comment tu l'as conduit.

Il se replace face à moi et me fait signe de relever mon casque, mais mon instinct me cri de ne pas dévoiler mon visage. Je fais glisser la visière vers le haut et révèle mes yeux. Je me félicite intérieurement d'avoir mis une cagoule sous mon casque qui cache en partie mon visage.

Puis, il s'approche de moi comme s'il allait me divulguer un secret de la plus haute importance. Je penche ma tête en avant, quand il déclare tout bas :

⸻ Entre nous, je ne crois pas que tu aies le choix.

Il recule et des rires éclatent parmi ses hommes. Comme pour sceller ses dires, ils dévoilent leurs armes accrochées à la ceinture de leurs pantalons. Je déglutis. Bordel de merde !

⸻ Mais comme je suis fairplay, je te propose un pari. Est-ce que tu es joueur ?

Son sourire de persécuteur sado me glace le sang. Une étincelle rayonne dans ses petits yeux noirs qui me scrutent et je sens que je ne vais pas apprécier la suite.

⸻ Est-ce que j'ai le choix... ajouté-je en lorgnant ses sbires.

Un rire éclate de sa gorge. Il m'envoie une tape sur l'épaule comme si nous étions des amis de longues dates et jette un œil aux hommes à ses côtés qui se marrent à leurs tours.

⸻ Il comprend vite ! Alors petit, tu vas faire la course avec Dario, m'explique-t-il, et à la façon dont il roule le « r »je reconnais tout de suite l'accent italien. Je veux voir ce que t'as dans le ventre. Tu vas voir, les règles sont simples...

Ma respiration s'écourte. Par réflexe, je tire sur le bas de ma cagoule pour la décoller de la peau de mon cou qui se resserre et m'empêche de respirer correctement. Mille et un scénarios passent dans ma tête tandis que j'attends qu'il m'explique en quoi je vais me faire baiser par une bande de motards armés.

⸻ Si je gagne tu me dois une faveur. Et si c'est toi qui gagne, je t'en dois une.

Mon pouls s'emballe. Son pari, c'est une putain d'impasse. Soit je perds et je lui dois une faveur, soit je gagne et il comprend que je suis rapide. Devoir une faveur a des mecs armés ou que des mecs armés me doivent une faveur ? Je pèse le pour et le contre, mais je ne vois qu'une issue à tout ce merdier : gagner. Réclamer ma liberté au prix d'une course. Une seule course, et je m'en vais. Retour à la maison et je ne mettrai plus jamais les pieds ici.

Après quelques secondes, je relève mon visage et plonge mon regard dans le sien.


 ⸻ C'est lequel Dario ? 

RIDE OR DIE  - -  2 chapitres par semaine ✨Où les histoires vivent. Découvrez maintenant