JupiterJ'assiste au cours le plus barbant de l'histoire – la biologie cellulaire animale. Monsieur Evans a beau être investit, passionné et cultivé à souhait – et son accent anglais des plus charmants. Je n'arrive pas à plonger dans ses récits. Pire que ça : je saute et fait un vilain plat à chaque fois que j'essaie de comprendre ce que sont les néphridiés et les cordés.
Dans l'amphithéâtre, sa voix résonne entre les murs craquelés de la vieille bâtisse. Une soixantaine de paires de yeux fixent le professeur aux cheveux sel et poivre qui, du haut de sa petite taille, parle dans un micro pour se faire entendre jusque dans les dernières rangées, tout là-haut.
⸻ Est-ce que quelqu'un peut me dire ce qu'est le liquide cœlomique ?
Un raclement de gorge est émis quelques rangées plus bas, puis une voix s'exclame :
⸻ C'est l'alcool que vous allez nous servir pour nous aider à faire passer le cours plus vite ?
Un déferlement de rire éclate dans la grande salle. Monsieur Evans pince ses lèvres, puis inspire d'exaspération avant de taper du plat de la main contre son micro pour récupérer l'attention dissipée de ses élèves. Irina est à ma gauche. Tandis que notre professeur tente de reprendre la main sur son cours, nos regards se croisent et nous nous mettons à pouffer. Il a certainement dit tout haut, ce que tout le monde pense tout bas. Mais quand je vois qu'il peine à rétablir le calme dans l'amphithéâtre, j'ai de la peine pour lui. Rien de bien méchant c'est sûr, mais le voir en position de faiblesse sous les rires qui le noient, me renvoient à mes propres démons.
Mon sourire s'affaiblit. Alors que mes pensées dévient, mes iris se posent sur la feuille immaculée sous mon nez. Je saisis mon stylo et entreprends de la noircir. Quelques mots s'inscrivent dessus, mais maintenant que le cours ressemblent plus à un auditoire de débats et de moqueries, j'ai encore plus de mal à me concentrer sur les définitions qu'il a noté sur la partie ardoise du tableau. Mes doigts jouent distraitement avec le bâtonnet en plastique. Puis finalement la pointe s'approche du papier et j'esquisse l'ébauche du soleil. D'abord, je trace un rond. Puis je gribouille autour pour noircir le décor, qui est l'espace. Ensuite, avec mon marqueur rouge, j'agrémente la sphère de pointillés minuscules et rapprochés qui feront office de feu. Sans oublier de dessiner, en violet, des éruptions. Pour finir, j'attrape le correcteur blanc et rajoute ses consœurs, un peu partout autour d'elle.
Mes yeux lorgnent la feuille entre mes mains. Mon truc à moi, c'est les étoiles. Mes iris glissent ensuite sur les quelques mots inscrits juste au dessus du soleil – l'étoile la plus grosse vue à l'œil nu – celle qui se trouve la plus proche de la terre. Et pour espérer devenir astronome, je n'ai pas le choix que de passer par là. Comme mes parents l'ont fait avant moi.
Je soupire. Les anciens n'avaient pas besoin de se farcir des années de cours insignifiants pour les comprendre. Ils avaient une connaissance approfondie de la répartition des étoiles dans le ciel. Par leur capacité à naviguer grâce à elles, à se repérer en fonction de leur placement. Ils les ont nommés grâce à leur brillance et aux dessins qu'elles forment entres elles. Moi, je dois continuer à écouter monsieur Evans nous parler du système digestif d'un poisson, pour entrevoir les méandres que nous offrent notre galaxie. Mes parents sont formelles : pas de passe droit, pas de faveurs. Mon diplôme, je l'aurais au mérite. Mais je dois avouer que le défie me plaît.
Tandis que l'heure touche à sa fin, j'analyse le papier noirci par l'esquisse de constellations, ici et là. Irina jette un œil à ma feuille d'un air amusé. Au même moment, la sonnerie retentit, annonçant la libération d'une soixantaine d'otages.
Je penche mon buste sur le côté pour attraper mon sac à mes pieds et le dresser sur ma table.
⸻ T'es sûr de vouloir endosser ce rôle ? me questionne ma blonde, hilare. Porter le nom d'une planète ne te suffit pas ?
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RIDE OR DIE - - 2 chapitres par semaine ✨
RomancePour Jupiter, la moto et les livres sont toute sa vie. Quand un beau jour elle s'en va seule en road trip, elle croise la route d'Izano. Leur entente est immédiate, légère et le bel Izano ne va pas laisser indifférente celle qui ne veut pas entendre...