Chapitre 1

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Le cimetière de Mont-Royal.


L'automne est là, les arbres changent et se parent de couleur dorée, orangées et rouges. Les feuilles se détachent des branches et virevoltent jusqu'au sol, qu'elles recouvrent d'un tapis humide et parfumé. En Finlande, on dit que le rougeoiement des feuilles est une sorte de message de l'hiver venant faire ses adieux aux longues journées d'été, il rappelle que la saison froide et la nuit polaire se rapproche à vive allure. Je dois dire que c'est plutôt poétique.

longues années se sont écoulées, depuis la dernière fois que je suis venue. Peu de chose change dans un cimetière, et pourtant je lâche un soupir de désespoir, lorsque je tombe pour la millième fois devant une pancarte verte qui indique « bureau des ventes ». Génial ! Je dois me résoudre à l'idée que l'orientation n'est pas du tout mon point fort.

Heureusement, un fossoyeur entrain d'entretenir une tombe s'avance vers moi. Au bout du cinquième passage il a dû comprendre que je me suis perdu.

— Vous avez besoin d'aide ?

— Oui, enfaite je cherche la zone B.

Tout en lui montrant du doigt la carte froissée du cimetière. Sous sa barbe grisâtre, j'aperçois un léger rictus. Serait-il en train de se moquer de moi ? Comment lui en vouloir.

— Donnez-moi un nom mademoiselle.

— Oh heu, Carter.

D'un geste de la main, il me fait signe de le suivre. Boitant légèrement de la jambe gauche, je m'en veux de devoir le faire marcher autant. Cet homme ne doit plus être tout jeune. Son bras se pose sur le bas de son dos, peut-être pour essayer de soulager la douleur que lui provoque sa scoliose. Vivre avec une telle souffrance sans pouvoir se soigner est un véritable calvaire. Nous arrivons devant la pierre tombale recouverte par des feuilles mortes.

— L'automne n'est pas une saison facile, me dit-il en s'agenouillant.

— Oh non laisser, je vais m'en occuper Franck.

Les lettres de son prénom, légèrement effacées par le temps, se trouve sur son badge métallique usé, lui aussi. Le prenant par le bras, je l'aide à se relever.

— Merci pour votre aide.

— Ce fut un plaisir mademoiselle.

Et maintenant, que suis-je censée faire ? J'ignore comment me comporter, est-ce que je dois rester solennelle ou être simplement moi, Freya ? Je m'accroupis, balayant la tombe pour la débarrasser de tout ce feuillage, pour déposer mon bouquet de roses blanches, les fleurs préférées de maman. Une larme coule le long de ma joue, leur absence m'est douloureuse. Je me dis qu'il me reste encore mon frère qui est de quelques minutes mon ainé, des faux jumeaux, mais depuis plusieurs mois, je suis sans nouvelles, alors je me réconforte en me disant qu'il va bien et que bientôt il reviendra.

La relation que nous entretenions avec nos parents était particulière. Mon père a toujours été très dur avec mon frère, l'entrainant chaque jour au combat, au pistage, à la stratégie à adopter, si demain une guerre devait éclater, faisant de Aren un être froid, durci par les enseignements qu'on lui a transmis. Il est ce que l'on appelle un « », un guerrier dont le seul but est de détruire, ceux dont l'âme est corrompue par les ténèbres. Le monde dans lequel je vis n'a rien à voir avec celui des humains, il est plus violent, plus effrayant et bien plus dangereux, croyez-moi, surtout pour une personne sans pouvoir. Je ne suis ni un être humain ni un être surnaturel. Ma famille est l'un des membres fondateurs de ce sont des . Une chance pour moi. Sans cette notoriété, on m'aurait tuée à la naissance - pas très réjouissant, je dois l'admettre - une anomalie génétique qui aurait dû être éliminée afin de préserver la lignée familiale - une idéologie un peu primitive à mon goût.

RéincarnéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant