Réincarnée

Chapitre 9

Cassien

La nuit dernière, ses traits hantaient mes songes, une vision dont je me serais volontiers passé. Mon esprit, comme à son habitude, tissait une toile cauchemardesque. Elle était là, gisant dans mes bras, immobile et glaciale. Sa peau marquée par d'atroces blessures. Un sentiment de malaise me submergeait, une sensation oubliée depuis bien longtemps. Si seulement j'avais refusé la requête d'Aren.

C'était une erreur monumentale d'avoir accepté.

Je me tiens là, immobile à l'entrée de la cavité, le regard fixé sur l'horizon qui s'étend devant moi.

Les premières lueurs du jour émergent doucement, peignant le ciel d'une palette de teintes délicates. Dans cette aube naissante, le firmament se dévoile sans aucun nuage, offrant une vue limpide sur la lune et ses étoiles, qui scintillent comme des joyaux éparpillés sur un drap de velours sombre. Chaque étoile semble briller de sa propre lumière, ajoutant une touche de magie à ce tableau céleste, alors que la nuit s'efface peu à peu devant l'arrivée du jour, illuminant ses terres figées par le gel.

Cela me rappelle l'endroit d'où je viens, un lieu qui réside désormais uniquement dans les replis de ma mémoire. Je me souviens également de tout ce qui m'a été arraché, tout ce qui a glissé entre mes doigts comme du sable fin. Si seulement je pouvais faire machine arrière, je rectifierais un tas de décisions stupides prises dans le passé.

Mais aujourd'hui, à ce moment précis, je dois reprendre la route pour la retrouver, elle. Cette emmerdeuse qui hante désormais mes nuits. Je me demande même quand remonte la dernière fois où j'ai pu faire une grasse matinée.

Merde, je ne peux même pas m'en rappeler.

Les contours des collines et des reliefs se dessinent peu à peu, révélant une géographie délicate sous le manteau blanc. Les flocons, délicatement posés sur les branches des quelques arbres, scintillent tels des cristaux étincelants à mesure que la lumière les atteint. L'atmosphère est empreinte d'une quiétude presque irréelle, comme si le monde retenait son souffle devant la beauté fragile de ce moment éphémère.

De la buée s'échappe de ma bouche, mais je ne ressens pas le froid qui m'entoure. Les yeux rivés sur les traces dans la neige, je m'avance sans détourner le regard, suivant les empreintes laissées par l'animal qui m'a observé tout au long de la nuit. Ce compagnon nocturne a été l'architecte d'une nuit peu réparatrice.

Je m'accroupis un instant, mes genoux rencontrant la neige avec un froissement léger. Mes yeux parcourent chaque détail, cherchant des indices qui pourraient m'aider à...

Un smilodon.

Voilà qui semble intéressant.

Ces félins ont généralement des pattes rondes et symétriques. La taille peut varier en fonction de l'espèce mais elles sont souvent plus petites que celles laissées par d'autres prédateurs comme les loups ou les ours. Mais les traces qui se dessinent dans la neige dépasse de loin ce à quoi on peut s'attendre pour un félin de taille normale. A en juger par la profondeur des empreintes, il s'agit certainement d'un vieux mal. Les pas sont espacés les uns des autres, disposées en ligne droite et elles sont fraîches ce qui indiquent que l'animal est probablement passé par là, il y a peu.

Qu'est-ce qui a pu le perturber dans sa chasse ou sa traque ?

Je me redresse lentement, mes muscles se contractant sous mes vêtements gelés alors que je prends une profonde inspiration. La tentation est forte, irrésistible même. Tout en adoptant la démarche d'un chasseur, je décide de les suivre. La clarté du paysage offre peu de cachettes, mais cela rend chaque indice d'autant plus précieux.