Réincarnée

Chapitre 12

Devant nous s'étend un impressionnant escalier de pierre, taillé avec une précision ancestrale dans le flanc de la montagne. Ils s'élèvent comme une colonne vertébrale géante, tordue et noueuse. Des racines sinueuses et des plantes grimpantes s'accrochent aux parois. L'atmosphère est imprégnée de l'odeur âcre de la terre humide et de la mousse qui recouvre chaque centimètre carré.

Chaque marche semble porter les stigmates du temps, des fissures parcourant leur surface lisse, témoins de siècles d'usure. La lumière faible qui émane des veines lumineuses de la montagne peine à éclairer chaque marche, laissant certaines plongées dans l'obscurité.

Les pierres sont imprégnées de cette humidité persistante qui les rend glissantes, défiant quiconque ose les gravir sans une extrême prudence. L'absence totale de rampe ou de mains courantes ne me rassure pas du tout. Chaque pas semble cirer « Attention, glissant ! ».

La plateforme, perchée à plusieurs mètres au-dessus de nous, semble hors d'atteinte et l'idée de poser le pied sur la première marche me remplit d'une angoisse sourde, une peur irrationnelle qui me paralyse.

Pourtant, malgré la tension qui étreint mon être, Cassien reste immuable, ses traits calmes et détendus. On dirait qu'il défie l'escalier de pierre du regard.

J'aimerais vraiment être aussi sereine que lui en cet instant.

Je m'applique à mettre un pied devant l'autre, restant près du mur pour me rassurer un peu. Mes yeux restent fixés sur Cassien, qui mène la marche avec confiance, comme s'il avait fait ce chemin mille fois auparavant. Derrière lui, je ne cesse de parler, laissant mes mots s'écouler comme une cascade. Mes paroles sont un rempart contre le stress, une bouée de sauvetage dans cet océan tumultueux qu'est notre ascension.

Par moments, le bruit des roches qui dégringolent me fait tellement sursauter que je me retrouve collé à Cassien comme une moule à son rocher. Ouais, je sais, mon courage s'est évaporé à la vitesse de l'éclair. Mais sérieusement, quand on est face à sa plus grande terreur, garder son sang-froid relève carrément de l'exploit, non ? Je vous assure ce n'est pas une mince affaire.

Bien évidemment, dans sa grande magnanimité, il se détache de moi, un léger grognement s'échappant de ses lèvres. Ses yeux trahissent son amusement face à ma réaction excessive et je peux presque sentir la chaleur de son corps s'éloigner du mien, tandis qu'il reprend sa marche avec une aisance déconcertante. Et moi, je reste là, légèrement embarrassé par mon accès de panique.

J'ignore depuis combien de temps nous marchons, mais mes jambes sont en feu. Je ne suis pas habitué à ce genre d'activité, et franchement, ça fait un mal de chien. En pensant à ces filles qui affrontent le « climber » à la salle de sport, grimpant pendant une heure avec un sourire radieux et sans la moindre trace d'essoufflement, je leur dis respect. Personnellement, je suis au bord de la crampe.

— Est-ce que je peux te poser une question ?

Cassien émet un grognement, un son rauque qui semble presque indistinct. C'est certainement son côté bestial qui ressort.

— Je vais prendre ça pour un oui. Mais comment diable m'as-tu retrouvée dans la forêt ? Les chances que tu me trouves sont aussi mince que la probabilité de trouver une aiguille dans une botte de foin.

J'ai beau réfléchir, mais cette nuit-là, quand je l''ai vue dans mon rêve, je suis sûre que quelque chose nous a connectés, lui permettant de me retrouver. J'ignore de quoi il s'agit mais il y a forcément un lien. Je ne crois pas aux coïncidences, et pour le coup, je sais que ce n'en est pas une.

— Comme tu viens de le dire, un coup de chance.

Ses paroles me frappent comme un éclair dans un ciel serein. Il se moque de moi ouvertement, l'enfoiré. Je jure de l'assaillir de questions jusqu'à ce qu'on arrive au sommet de cette fichue montagne.