Voleur un jour, volera toujours

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Il était 17h00 passées lorsque Ugo ouvrit enfin les yeux.
Il se redressa doucement sur le lit, le corps encore engourdi. Sa bouche était pâteuse, son crâne lui faisait un mal fou, et son premier réflexe fut de chercher de l'eau.
De l'eau, et une clope.

Il tendit la main vers la table de chevet, tâtonnant à l'aveugle, ses doigts heurtant un paquet de cigarettes vide.
Ses épaules s'affaissèrent de frustration.

Ugo : « Putain, sa mère... plus de clopes... »

Il se leva avec difficulté, traînant des pieds jusqu'à la cuisine. À peine avait-il ouvert le frigo que sa mauvaise humeur s'accentua : plus d'eau non plus.

Sans un sou en poche, il se rappela de la veille.
Tout son argent avait disparu dans le gouffre du Casino et dans la lean, cette boisson à la fois toxique et réconfortante qui le faisait s'évader, mais le laissait somnolent toute une journée.
Le sentiment de vide qu'il traînait avec lui, depuis quelques temps, s'était intensifié.

Il se laissa tomber sur son canapé, soupirant, avant de prendre son téléphone. Peut-être que Paloma pourrait l’aider.
Il laissa quelques secondes s'écouler avant de l'appeler.

Ugo : « Salut, toi ? » lança-t-il d'une voix encore rauque.

Paloma : « Salut. »

Il fixa un instant l’écran, ses pensées brouillées, avant de demander, presque machinalement :

Ugo : « Tu fais quoi ? »

Paloma (concentrée) : « Je fais mes devoirs. Et toi ? »

Ugo (étouffant un bâillement) : « Je viens de me réveiller... »

Il jeta un coup d'œil à la pendule, réalisant qu'il avait dormi toute la journée.
Un moment de silence s'installa, juste interrompu par quelques bruits de fond venant de l'autre côté du téléphone. Puis, par réflexe, il questionna à nouveau :

Ugo : « T’es avec qui ? »

Paloma (un peu surprise) : « Comment ça, avec qui ? » répondit-elle, un brin confuse.

Ugo (fronçant les sourcils) : « Ben... t’es avec qui, là ? » répéta-t-il avec une légère insistance.

Paloma (plus fermement) : « Ben toute seule, pourquoi ? »

Son cœur battait un peu plus vite, mais il essayait de rester calme. Il posa une nouvelle question, comme pour dissimuler son agitation.

Ugo : « Tu révises quoi, en fait ? Montre un peu, vas-y, je t’appelle en FaceTime. »

Il l’appela en visio, guettant l’écran avec impatience.
Lorsqu'elle apparut enfin, il balaya du regard l’arrière-plan de sa chambre, s'assurant qu'il n'y avait personne d'autre. Rassuré, mais toujours sur ses gardes, il se calma légèrement.

Paloma (concentrée sur son travail) : « Je révise les maths... tu peux m’aider ? »

Ugo (se grattant la tête) : « Non, ça va aller. Je te laisse. Appelle-moi quand t’as fini. »

Il raccrocha brusquement et enfila un sweat avant de descendre de son immeuble. En bas, il repéra un groupe de gars qu’il connaissait bien, tous en train de fumer.
Il s’approcha d’un pas nonchalant, les mains dans les poches, le regard las.

Ugo : « Fréro, vas-y, file-moi une clope, s’te plaît ? » demanda-t-il d’une voix traînante.

L’un de ses potes, sans hésiter, lui tendit une cigarette.

Pote : « Tiens, mon frère. »

Ugo attrapa la clope et l’alluma aussitôt, inspirant profondément, comme si ce geste allait apaiser le tourbillon de pensées qui lui brouillait l’esprit.
Mais il savait que ça ne durerait pas longtemps.

Il appela son pote Nanosh.

Nanosh : « Allô. Ça dit quoi ? Ça va ? »

Ugo : « La vérité, Nanosh, c’est la galère. J’ai plus un sou, je suis à sec. Plus de clients, plus rien. »

Nanosh (distrait, écoutant à peine) : « Ouais, ouais… Ça craint, mec. Mais t’inquiète, ça va passer. »

Nanosh connaissait Ugo par cœur.
Il avait l’habitude de l’entendre se plaindre de ses problèmes d’argent.
Il savait que son pote entretenait une relation incendiaire avec le fric.
Dès qu’il en avait dans les poches, il disparaissait dans des paris fous, la lean, l’alcool, les hôtels bon marché, ou dans la fumée du cannabis.
Nanosh ne pouvait que l'écouter et lui offrir des mots de réconfort.

Ugo : « Non, sérieux, cette fois, c’est pire que d’habitude. Y’a plus rien qui rentre, mes clients sont plus là. J’comprends pas, peut-être qu’ils ont trouvé mieux ailleurs… ou qu’ils me lâchent. »

Nanosh (d’un ton calme) : « Ça arrive. Faut juste attendre un peu, ils reviendront. Ils finissent toujours par revenir, non ? »

Nanosh savait que ces mots étaient récurrents, un refrain familier.
Il ne pouvait rien faire de plus que d'essayer de rassurer Ugo.
Ce n'était qu'une question de temps avant que son pote ne retombe dans le même schéma.

Nanosh soupira. Il savait qu’Ugo n’écouterait pas vraiment, et que, dès qu’il remettrait la main sur un peu de cash, il replongerait dans ce cercle vicieux.

Il faut dire aussi qu’Ugo, à chaque fois qu’il jouait la victime, nourrissait secrètement l’espoir de gratter un billet, un prêt, de la compassion.

Il taxa une énième clope quand, d’un coup, quelque chose changea dans son regard.
Ses yeux s’éclaircirent, une lueur vive y dansant comme une étincelle. Une idée venait de naître, une de ces idées malhonnêtes.

Paloma !!!

Ugo se redressa légèrement, revigoré par cette pensée.
Il imaginait déjà leur conversation.
Elle l’écouterait, impassible au début, puis… lentement, un sourire narquois étirerait ses lèvres.

Ugo avait hâte de revoir Paloma pour lui demander un peu d’aide.
Il cherchait, avant tout, à la duper.

Les jours suivants, il s'etait mis à l'élaboration un plan, quelque chose de suffisamment habile pour exploiter sa gentillesse.

Il lui fallait inventer une histoire, un mensonge bien rodé qui jouerait sur ses émotions, sur sa nature généreuse et naïve. Paloma était une fille douce, presque trop aimante, prête à tout pour celui qu'elle aimait. Ugo savait qu’elle ferait n’importe quoi pour lui.

Il comptait donc jouer sur cette corde sensible, lui présenter une situation où elle penserait pouvoir le sauver, où elle s’imaginerait être son héroïne.
Elle ne douterait pas de ses intentions, et il pourrait ainsi lui soutirer une somme d’argent.
Ce n’était pas seulement une question de survie pour Ugo, mais aussi une manière de prouver qu’il pouvait tirer parti de cette confiance aveugle, même chez quelqu’un d’aussi bienveillant que Paloma.

 Paloma - Cry me a riverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant