PCS. Monnaie invisible des barreaux.

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Paloma n’avait pas dormi de la nuit.
Son téléphone vibrait encore sur la table de chevet, envahi par des messages incessants.

Elle connaissait la routine : Ugo trouvait toujours un moyen de la joindre, même enfermé entre quatre murs.

Le téléphone vibra à nouveau.
Elle soupira et décrocha, sa voix lasse.

Paloma  : Allô ?

La voix d’Ugo résonna, étouffée mais reconnaissable.

Ugo : Enfin ! T’es où, là ? Ça fait deux heures que je t’écris !

Paloma : Ugo, il est cinq heures du matin. T’attends quoi, sérieusement ? Que je saute hors du lit pour répondre à toutes tes conneries ?

Ugo : Eh, calme-toi ! J’ai besoin d’un truc. T’es ma seule solution, P.
Je te demande pas la lune.
Juste une ou deux PCS, ça va pas te tuer. 50 et 100 euros.

Paloma fronça les sourcils, sa mâchoire serrée.

Paloma : Encore des PCS ?! Tu crois que j’ai un arbre magique qui en fait pousser dans mon jardin ? Pourquoi faire ?
Dis moi pourquoi faire? Tu dois de l'argent ? Encore!!!!!!

La prison avait ses propres règles du jeu. Tout avait un prix : la paix, le respect, les petits privilèges qui rendaient l’enfermement un peu plus supportable. 

Et Ugo, comme tant d’autres, s’était retrouvé pris dans la spirale des dettes.

La clope qu’il avait taxée à un codétenu pour calmer ses nerfs, le morceau de shit partagé pour oublier l’angoisse des nuits sans fin, ou même les petits services rendus par des gars plus puissants.

Tout ça avait un coût.
Et ce coût s’accumulait.

Les cartes PCS étaient devenues sa seule issue.
Ces cartes prépayées, achetées dans les bureaux de tabac, avaient une valeur inestimable entre ces murs.

Un simple code à gratter devenait une monnaie d’échange, un moyen de rembourser les dettes sans laisser de trace.

Les dealers, les intermédiaires, même certains surveillants fermaient les yeux tant que l’argent circulait.

Mais Ugo n’avait rien.
Aucun moyen de se procurer ces fichus codes depuis sa cellule.
Ses parents ? Il ne pouvait pas leur demander.
Ses potes ? Ils étaient plus préoccupés par leur propre galère que par les siennes.
Il ne restait que Paloma.
Paloma, c’était une lumière dans son chaos.
Elle était sa dernière chance.
Il n’avait pas le choix de la solliciter.



Ugo : Paloma, sois pas relou. T’imagines pas comme c’est dur ici. Tu crois que je fais ça pour m’amuser ?

Paloma : Ugo, j’ai déjà dépensé tout ce que j’avais pour toi. Tu veux quoi, que je finisse à découvert ?

Ugo : T’abuses. Tu sais ce que je risque si je rends pas les comptes ici ? Je vais me faire démonter, P.

Le silence s’installa. Paloma savait qu’il jouait sur sa culpabilité, comme toujours. C’était son arme favorite, et elle tombait dedans chaque fois. Mais cette fois, elle voulait résister.

Paloma : Non, Ugo. Je peux pas. J’en ai marre de me plier à tes demandes. Si tu veux de l’aide, trouve une autre solution.

Ugo souffla bruyamment, agacé :
T’as pas compris, hein ?! Ici, c’est pas un camp de vacances ! Si t’envoies rien, ils vont s’en prendre à moi. Tu veux ça sur la conscience ?

Elle ferma les yeux, essayant de calmer la colère qui montait en elle.

Paloma : Je veux juste qu’on arrête de me prendre pour un distributeur.

 Paloma - Cry me a riverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant