Chapitre 15 : La Chasse

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Cley ne pouvait se défaire de ce sentiment d'urgence. Depuis la conversation avec Jonas, quelque chose s'était enclenché en eux. Chaque son dans les couloirs de l'hôpital, chaque regard des infirmiers, chaque minute qui passait, tout semblait annoncer l'inévitable. Le monstre était là, tapi dans l'ombre de leur esprit, attendant son moment pour éclater au grand jour. Ce soir-là, ce moment arriva.

Il faisait nuit, et l'hôpital était enveloppé dans une étrange tranquillité. Cley se tourna une énième fois dans leur lit, incapable de trouver le sommeil. Leurs pensées se bousculaient, et cette présence, l'alter violent, se faisait de plus en plus palpable. Ils sentaient cette force grandir, comme si elle prenait possession de leur corps peu à peu.

Un bruit sourd dans le couloir fit sursauter Cley. Ils restèrent figé·e un instant, les yeux grands ouverts dans le noir. C'était peut-être juste un patient agité ou une infirmière faisant sa ronde. Pourtant, quelque chose dans ce bruit les mettait mal à l'aise. Une tension s'insinuait sous leur peau, et ce sentiment de menace imminente ne faisait que grandir.

"Sors," murmura la voix dans leur tête, celle du nouvel alter. "C'est le moment. Il est temps de te libérer."

Cley se redressa, les mains tremblantes. Le sol froid sous leurs pieds sembla réveiller leurs sens. Ils n'avaient pas envie de suivre cette voix, mais l'idée d'ignorer cette pulsion leur semblait impossible. Quelque chose de plus puissant qu'eux les poussait à avancer. Ils sortirent de la chambre, se faufilant dans le couloir désert.

L'hôpital, d'habitude si bruyant, paraissait presque fantomatique à cette heure. Chaque pas résonnait, chaque souffle semblait amplifier le silence lourd. Mais Cley n'était pas seul·e. Ils sentaient cette présence en eux, l'alter, qui les guidait. Et au fond, ils savaient qu'ils étaient sur le point de franchir une ligne.

Alors qu'ils avançaient, une silhouette apparut à l'autre bout du couloir. Cley s'arrêta, les yeux plissés dans l'obscurité. C'était Jonas. Lui aussi semblait errer dans l'hôpital, comme si une force similaire l'avait poussé à sortir de sa chambre. Il se tenait là, immobile, mais ses yeux brillaient d'une lueur étrange, presque prédatrice.

« Tu le sens aussi, pas vrai ? » lança Jonas, sa voix basse résonnant dans le couloir.

Cley acquiesça, incapable de répondre. Une tension palpable s'installait entre eux, une sorte de reconnaissance silencieuse. Ils étaient liés, chacun en proie à ses propres démons, et ce lien, bien que non dit, était indéniable.

Jonas s'approcha lentement, un sourire étrange aux lèvres. « Il est temps qu'on montre ce que ces murs ne peuvent pas contenir. »

Avant que Cley ne puisse réagir, Jonas les attrapa par le bras et les entraîna à travers les couloirs, avançant à une vitesse effrayante. Ils couraient maintenant, leurs respirations se mêlant à l'écho de leurs pas. Cley sentait leur cœur battre à tout rompre, non pas à cause de la peur, mais à cause de l'excitation étrange qui montait en eux.

Ils atteignirent une aile de l'hôpital peu fréquentée, là où se trouvaient des chambres rarement occupées, des zones presque oubliées par le personnel. Jonas les guida vers une porte en métal, un endroit où, apparemment, personne ne venait jamais.

« Ici, » dit-il en chuchotant. « Personne ne nous trouvera ici. On peut être nous-mêmes. »

Le regard de Jonas s'était transformé. Ce n'était plus le patient calme et taciturne que Cley avait connu. C'était autre chose, quelqu'un d'autre, comme si lui aussi était possédé par une force qu'il ne pouvait contrôler. Cley sentit une vague de peur les envahir, mais au fond, ils savaient que la même chose se passait en eux.

"Laisse-toi aller," murmura l'alter dans leur tête. "Ne résiste pas. Fais ce que tu dois faire."

Cley recula d'un pas, leur respiration s'accélérant. Ils voulaient fuir, mais leurs jambes refusaient de bouger. Jonas s'avança encore, ses yeux fixés sur eux avec une intensité presque animale.

« Tu sais ce que ça fait, pas vrai ? » dit-il, un sourire déformé par la folie se dessinant sur son visage. « Tu as envie de tout casser, de tout briser, de libérer cette force en toi. »

Cley secoua la tête, luttant contre l'envie de céder à cette pulsion. Mais Jonas n'en avait pas fini. Il s'approcha encore, jusqu'à être à quelques centimètres d'eux.

« Alors fais-le. Libère-toi. C'est la seule manière de survivre ici. » Ses mots résonnaient comme une injonction, un appel à la violence.

Et puis, sans prévenir, Jonas les poussa violemment contre le mur. Le choc réveilla une rage en Cley, une explosion de colère qu'ils ne contrôlaient plus. Tout s'embrouillait, leurs pensées, leurs sensations, tout devenait flou. Ils ne savaient plus qui ils étaient en cet instant précis. L'alter avait pris le contrôle.

Avec une force surprenante, Cley repoussa Jonas, le jetant au sol. Ce dernier éclata de rire, se redressant avec une énergie malsaine. Les deux se firent face, une étincelle de folie dans leurs yeux. Le silence de l'hôpital, d'abord oppressant, se transforma en un champ de bataille invisible.

Cley savait que quelque chose allait se passer, quelque chose d'irréversible. Ce n'était plus eux-mêmes qui se battaient, mais les forces obscures en eux. Et l'hôpital psychiatrique, qui devait être un lieu de répit, devenait soudain le théâtre d'une confrontation bien plus dangereuse qu'ils ne l'auraient jamais imaginé.

Alors qu'ils échangeaient des coups maladroits, chacun luttant pour prendre l'avantage, une alarme retentit soudainement, perçant l'air avec une violence inattendue. Des lumières rouges clignotèrent, et des voix résonnèrent dans les couloirs.

« On nous a trouvés, » murmura Jonas avec un sourire tordu.

Des bruits de pas se rapprochaient. Le personnel de sécurité venait. Mais Cley, toujours sous l'emprise de l'alter, ne ressentait plus de peur. Seulement une énergie brute, une rage incontrôlable. C'était comme si tout ce qu'ils avaient refoulé depuis des années, toutes leurs peurs, toutes leurs frustrations, éclatait enfin au grand jour.

La porte en métal s'ouvrit brusquement, et des infirmiers se ruèrent dans la pièce. Mais avant qu'ils ne puissent intervenir, Cley fit un dernier geste impulsif, balayant tout sur leur passage. Jonas riait toujours, comme un spectateur de sa propre chute.

Dans un éclat de lumière et de bruit, Cley sentit une piqûre dans leur bras. Puis, le silence revint. Leur vision se troubla, et leur corps devint lourd. La rage s'évanouissait, remplacée par une profonde fatigue. Leur esprit sombra peu à peu dans l'obscurité.

Mais au fond d'eux, ils savaient que ce n'était pas fini. Ce n'était que le début.

Dans les ombres de soiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant