Chapitre 25 : Le Retour à l'Hôpital

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Cley marcha sans but précis pendant des heures, les jambes lourdes, l'esprit encore embrouillé par les récents événements. Chaque pas les rapprochait de l'épuisement total, mais l'idée de retourner à l'hôpital psychiatrique commençait à s'imposer. Ils ne savaient plus vers qui se tourner, ni où aller. Les voix s'étaient calmées, mais elles restaient présentes, comme une menace constante sous la surface.

En atteignant un carrefour, Cley s'arrêta. D'un côté, il y avait la ville, immense et impersonnelle, où ils pourraient se perdre sans que personne ne les remarque. De l'autre, le chemin menait directement vers l'hôpital, un lieu qu'ils redoutaient autant qu'ils en avaient besoin. Cley ferma les yeux et prit une profonde inspiration. Ils devaient admettre qu'ils ne pouvaient plus lutter seul·e.

Sans un mot, Cley se dirigea vers l'hôpital, la démarche plus résolue que quelques instants auparavant. Chaque pas résonnait comme une prise de conscience : ils avaient besoin d'aide, même si cette aide leur faisait peur.

L'entrée de l'hôpital psychiatrique était baignée dans une lumière froide et clinique. Cley se retrouva figé·e devant les portes automatiques, luttant contre une vague de panique. La dernière fois qu'ils étaient ici, c'était après une crise, une perte de contrôle totale. Ils avaient promis de ne pas revenir. Mais la promesse semblait futile maintenant. Elias était de plus en plus puissant, les autres alters se manifestaient de manière imprévisible, et Cley se sentait de plus en plus étranger·ère à eux-mêmes.

Un léger bruit de chariot métallique fit sursauter Cley, les tirant de leur réflexion. Une infirmière passait à quelques mètres d'eux, son visage fatigué par le service de nuit. Ils décidèrent qu'il n'y avait plus de place pour la fuite. Ils devaient franchir cette porte.

Le hall de l'hôpital était vide à cette heure tardive, le silence seulement interrompu par des bruits distants de télévisions dans les chambres des autres patients. Cley se dirigea vers l'accueil, hésitant, la gorge sèche.

"Bonsoir," murmura-t-il. "Je... je crois que j'ai besoin d'aide."

L'infirmière à l'accueil, une femme au visage sévère mais doux, leva les yeux de ses papiers et les observa un instant, reconnaissant peut-être leur visage. "Cley, c'est ça ?" demanda-t-elle doucement.

Cley acquiesça, les yeux baissés. "Oui... je suis déjà venu ici."

L'infirmière hocha la tête, puis se leva calmement. "Attends ici. Je vais chercher quelqu'un."

Cley se retrouva seul·e dans le hall, le cœur battant. Ils se sentaient à la fois soulagé·e et terrifié·e. Était-ce vraiment ce dont ils avaient besoin ? Pouvaient-ils vraiment être aidé·e ? Ou bien allaient-ils être enfermés dans cette spirale interminable de consultations, de traitements et de diagnostics qui ne faisaient que gratter la surface de leur véritable problème ?

Quelques minutes plus tard, une porte s'ouvrit et un médecin qu'ils reconnaissaient entra. Le docteur Lefèvre, une femme d'une quarantaine d'années, avec un regard perçant mais bienveillant, s'approcha.

"Bonsoir, Cley. C'est bien que tu sois revenu," dit-elle calmement, comme si elle s'attendait à les voir un jour ou l'autre. "Qu'est-ce qui se passe ?"

Cley se tortilla sur place, cherchant les mots. "Je ne... je ne sais pas. Les voix, les autres... je perds le contrôle. Elias... il a failli prendre le dessus ce soir. J'ai eu peur qu'il ne me laisse jamais revenir."

Le docteur Lefèvre acquiesça avec compréhension, puis l'invita à s'asseoir. "Ça fait un moment que tu n'es pas venu. Dis-moi ce qui a changé depuis."

Cley raconta, la voix tremblante, leur lutte constante avec les alters, la solitude, la trahison de Jonas, et surtout cette sensation de perdre pied. Plus ils parlaient, plus les émotions enfouies refaisaient surface, un flot incontrôlable de frustration, de peur et de tristesse.

"Je ne sais pas comment vivre avec ça," conclut Cley. "Je ne sais même plus qui je suis."

Le docteur Lefèvre les observa en silence, laissant un moment passer. "Cley, ce que tu vis est extrêmement difficile, mais tu n'es pas seul·e. Nous allons t'aider à reprendre le contrôle, mais tu dois être prêt·e à affronter ce que tu refoules depuis longtemps."

Cley la regarda, incertain·e. "Qu'est-ce que je refoule ?"

"Le TDI est une réponse à un traumatisme," répondit-elle doucement. "Il y a des parts de toi que tu as cachées, des souvenirs ou des événements que tu as peut-être oubliés ou que tu n'as pas voulu affronter. Pour avancer, il va falloir les affronter."

Cley sentit une vague de peur monter. L'idée d'explorer des souvenirs douloureux les terrifiait. Mais au fond d'eux, ils savaient que c'était nécessaire.

"Je suis prêt·e," murmura Cley, même si chaque fibre de leur être voulait fuir à nouveau.

Le docteur Lefèvre hocha la tête. "Nous allons commencer par te réadmettre ici pour quelques jours, pour que tu te reposes et que nous puissions travailler ensemble. Ensuite, nous allons prendre ça étape par étape. D'accord ?"

Cley acquiesça lentement. Ils se sentaient épuisé·e, mais pour la première fois depuis longtemps, ils avaient l'impression de ne pas être complètement seul·e dans cette lutte.

"Merci," murmura-t-il. "Je... je crois que j'ai vraiment besoin de ça."

Le docteur Lefèvre sourit doucement. "Nous allons t'aider, Cley. Tu n'as pas à tout porter seul·e."

Alors que l'infirmière revenait pour les accompagner dans leur nouvelle chambre, Cley sentit un étrange mélange de peur et de soulagement. La bataille était loin d'être terminée, mais ils n'étaient plus dans l'isolement total. Pour la première fois depuis longtemps, il y avait un chemin, aussi incertain soit-il.

Dans les ombres de soiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant