Chapitre 30 : Poussière du Temps

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Les jours qui suivirent furent marqués par une tension croissante pour Cley et Jonas. Leur découverte commune avait ouvert une porte vers des souvenirs incertains, comme des images brouillées par la poussière du temps. Chaque conversation entre eux semblait révéler de nouveaux fragments, de vagues sensations ou des mots oubliés qui les ramenaient tous deux à cet hôpital, à une époque plus ancienne.

Une nuit, alors que tout était silencieux, Cley entendit une voix intérieure qui semblait différente de celles de leurs alters habituels, comme un murmure provenant d'un souvenir lointain et enfoui. La voix chuchotait des mots indistincts, les guidant, les attirant vers les profondeurs de l'hôpital. Cley se leva, l'esprit comme envoûté, et sortit de leur chambre sans un bruit.

Dans le couloir, une ombre les attendait : Jonas. Il se tenait là, les yeux brillants d'une étrange détermination, comme s'il avait lui aussi entendu cet appel mystérieux.

"Toi aussi, tu l'as entendu ?" murmura-t-il.

Cley hocha la tête. Ensemble, ils se dirigèrent vers le sous-sol, là où se trouvait ce couloir des mémoires. Cette fois, au lieu de se contenter de l'explorer, ils décidèrent de chercher une porte qu'ils n'avaient pas encore ouverte, une porte qui pourrait révéler ce qu'ils avaient manqué jusqu'ici.

Ils arrivèrent devant une vieille porte de bois, gravée du chiffre "0" — une numérotation inhabituelle qui les laissa perplexes. Ce chiffre semblait porter un poids particulier, comme s'il marquait le début de tout, ou la racine des secrets de cet endroit. Jonas tourna la poignée. À leur grande surprise, la porte s'ouvrit en silence, révélant une petite pièce faiblement éclairée.

À l'intérieur, des murs couverts de vieilles photographies et de notes manuscrites donnaient à la pièce un aspect de sanctuaire délabré. Cley et Jonas observèrent chaque détail avec fascination et horreur : des photos d'eux-mêmes, mais beaucoup plus jeunes, souriants et inconscients, dans les couloirs de l'hôpital.

"Cley, regarde ça," chuchota Jonas en montrant une photo de groupe. Au centre de l'image, les deux jeunes enfants qu'ils étaient se tenaient la main, entourés d'autres enfants qu'ils ne reconnaissaient pas, mais qui semblaient eux aussi marqués par une tristesse silencieuse. Derrière eux, plusieurs adultes en blouses blanches affichaient des sourires d'une froideur effrayante.

Cley sentit des souvenirs s'entrechoquer en eux, des sensations oubliées refaisant surface. Une odeur d'antiseptique, le bruit des serrures métalliques, et cette lumière blafarde omniprésente. Ils se souvenaient vaguement d'avoir été amenés ici dans leur enfance, mais tout était flou, fragmenté.

Sur un mur, ils trouvèrent un document couvert de notes, signé par... le Dr. Mercier. Le titre du dossier attira leur attention : "Projet Mémoire". Les phrases étaient décousues, les notes comme écrites à la hâte, mais une idée se dessinait.

"Essai sur la réorganisation des mémoires traumatiques."

"Influence des altérations identitaires sur la dissociation."

"Destruction volontaire de certaines mémoires pour réassigner les identités."

En lisant ces mots, Cley sentit un vertige les envahir. Ils comprenaient soudain que le "Projet Mémoire" avait été conçu pour manipuler et restructurer les souvenirs de ses patients les plus vulnérables. Cley et Jonas avaient fait partie de ce projet. Leurs troubles dissociatifs n'étaient pas seulement le résultat de traumatismes personnels ; ils avaient été étudiés, renforcés, et peut-être même façonnés par l'hôpital lui-même.

"Nous avons été... des cobayes," murmura Cley, la voix cassée par l'incrédulité et la colère.

Jonas acquiesça, les poings serrés. "Ils nous ont pris nos souvenirs, nos identités. Ils ont délibérément créé cette confusion en nous."

Ils se regardèrent, l'éclat dans leurs yeux révélant la même détermination : découvrir toute la vérité et confronter ceux qui avaient façonné leurs existences de cette manière impitoyable. Ils n'étaient plus des enfants perdus dans les couloirs de l'hôpital ; ils étaient des survivants qui allaient se battre pour retrouver ce qu'on leur avait volé.

Alors qu'ils s'apprêtaient à quitter la pièce, une voix résonna dans l'ombre du couloir.

"Vous avez découvert plus que ce que vous ne devriez."

Le docteur Lefèvre se tenait là, son visage dans la pénombre.

Dans les ombres de soiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant