Cela faisait plusieurs jours déjà que son estomac était noué. Les yeux baissés sur ses Richelieu, Connor s'efforçait de respirer lentement. Il remarqua un pétale de fleur de cérisier collé sous sa semelle, et sourit. Il pensa à elle, à ses pieds nus dans l'herbe du jardin. Il pensa aux griffures sur ses bras lisses, après qu'elle eut récolté les fruits. Il pensa à sa peau caramel. Par la porte ouverte de l'église, le soleil timide de début de printemps s'introduisait parmi les invités. Une foule endimanchée et bruyante pénétrait joyeusement la maison du seigneur, l'envahissait peu à peu, prenant place sur les bancs de bois telle une vague roulant sur le rivage. Il perçut dans la foule les rires d'Oliver et de Daniel, croisa le regard de son cousin Kyle, qui s'était peigné pour l'occasion et lui faisait un signe de la main. Il lui répondit par un sourire crispé. Ses mains étaient moites et une goutte de sueur perlait sur son front. Soucieux qu'une auréole apparaisse sur sa chemise immaculée, il réajusta la veste de son costume. A ses côtés, le père Lawrence quant à lui semblait fin prêt.
Enfin elle apparut sur le seuil. La lumière, pâle jusqu'alors, se fit plus intense et sembla émaner de Sarah elle-même. Connor sentit son coeur s'accélérer, et un sourire irrésistible bien que discret se dessina sur son visage tantôt sérieux et muet. Il la regarda. Un rouge carmin recouvrait ses lèvres, rondes et gourmandes. Ses cheveux noirs et bouclés qui d'ordinaire tombaient sans cesse devant ses yeux avaient été lissés et noués, donnant à voir sa nuque longue et frêle. Il devina le parfum de fleur d'oranger de sa peau brune et brillante, et se prit à imaginer sa chaleur sous ses lèvres, s'il venait à la caresser avec sa bouche. Elle était vêtue d'une robe portefeuille vert menthe qui dévoilait la naissance de sa poitrine, sur laquelle le regard peinait à ne pas choir. Une ceinture nouée marquait sa taille fine, et le tissu cessait au-dessus du genou, recouvrant presque entièrement ses cuisses que Connor savait tendres et charnues. Ses jambes quant à elles étaient tendues, ses mollets nerveux, perchés sur des escarpins luisants.
Sarah leva ses grands yeux noirs vers le marié et lui sourit. Joe se montra à son tour sur le seuil et posa sa main sur son épaule. Sa compagne le suivit et ils allèrent s'installer à leur tour sur l'un des bancs. Le cœur de Connor se serra.
Au premier rang, sa mère qui toute sa vie avait rêvé le mariage de son fils unique, reniflait bruyamment. Son père lui-même, homme froid et pondéré qui d'ordinaire avait l'œil dur, esquissait aujourd'hui un sourire fier.
La marche nuptiale finit par retentir, et Leslie fit son apparition dans l'église au bras de son père. Elle s'efforçait de marcher au rythme de la musique, mais son gigantesque sourire qui dévoilait jusqu'à sa gencive trahissait sa fébrilité. Ses cheveux jaunes, plastifiés par une épaisse couche de laque, étaient remontés en une coiffure compliquée, et son teint communément cireux était rosie par le maquillage et l'émotion. De sa somptueuse robe blanche, Connor ne vit que les pétales de fleurs de cerisier qu'elle balayait sur son passage en traînant sur le sol de la nef.