Chapitre 12

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- Les urgences, j'écoute

- Oui bonjour, j'ai absolument besoin d'une ambulance, c'est pour mon père, il a perdu beaucoup de sang et est inconscient ; dis-je d'une voix paniquée.

- Quelle est votre adresse ?

Une fois les coordonnées communiquées, on m'informe qu'une ambulance est en chemin et sera là d'ici peu. Je fixe la pauvre carcasse minable de mon père, lui qui était si bel homme auparavant. On m'a toujours dit que je lui ressemblais, les mêmes cheveux bruns épais, les mêmes grands yeux marrons, même mes petites taches de rousseur viennent de lui. C'est cette ressemblance physique qui me provoque un mal-être chaque fois que je me regarde dans un miroir. J'aurais tellement voulu ressembler à ma mère comme Julian.  Au lieu de cela, je suis le portrait craché de l'homme qui nous a pourrit la vie. J'ai pourtant de merveilleux souvenirs avec lui qui datent de quand j'étais très petite mais un jour il a perdu son travail et s'est mis à boire des quantités astronomiques d'alcool. La violence verbale s'est installée peu à peu à la maison et à ça s'est ajouté une violence physique envers ma mère. L'homme en face de moi n'est plus que l'ombre de ce qu'il a été jadis.

- Isadora ; une petite voix faiblarde émane de sa bouche.

- Oui c'est moi, une ambulance est en chemin

- Je suis désolé

Les larmes me montent aux yeux, je ne sais pas de quoi il s'excuse exactement mais cette phrase me touche en plein cœur. J'aimerais croire qu'il soit véritablement désolé, qu'il s'excuse pour ses années de cris, d'insultes et de violences. Qu'il s'excuse pour avoir brisé notre famille, notre tranquillité et notre innocence. Mais surtout qu'il s'excuse pour avoir failli tuer plusieurs fois la femme qu'il aime et la mère de ses enfants. Malheureusement parmi mes souvenirs, je me rappelle également qu'il répétait plusieurs fois à ma mère qu'il était désolé et que tout irait pour le mieux. Ses promesses, il n'a jamais su les tenir.

Les ambulanciers débarquent rapidement et mettent mon père sur une civière. Ils me proposent de monter dans l'ambulance jusqu'à l'hôpital, ce que j'accepte immédiatement. Il ne le mérite pas mais contrairement à lui je ne veux rien avoir à me reprocher, j'ai des valeurs et des principes et je ne m'en éloignerai jamais.

Une fois à l'hôpital, j'attends des nouvelles de son état dans la grande salle d'attente. Devrais-je en parler à ma mère et à mon frère ? Non je ne veux pas le faire, maman est enfin heureuse avec son nouveau travail et son nouveau copain, je ne veux pas lui rajouter une dose de stress à cause de l'homme qui a pourri sa vie. Quant à Julian, il est encore jeune, je lui dirai peut-être un jour ce qu'il s'est passé mais pas tout de suite, j'aimerais qu'il se concentre sur ses études et ses amis. J'allume mon téléphone et remarque plusieurs messages de Lylia :

« Tu ne viens pas aujourd'hui ? »

« Tout va bien quand même ? »

« Je commence à m'inquiéter que tu ne me répondes pas »

« J'ai été trouver ton frère, il m'a dit que tu étais partie très tôt au lycée ce matin »

En voyant le dernier message, je soupire, je vais devoir tout dévoiler à Julian, pas le choix. La vision de Lylia cherchant mon frère et débarquant devant un groupe de garçons de 15 ans en train de se faire dessus me fait sourire. J'ai envie de lui répondre mais pour dire quoi ? C'est bon, j'ai juste dû aller voir mon père violent, qui a démonté son appart jusqu'à perdre connaissance, d'ailleurs je suis à l'hôpital et j'attends de voir ce qu'on va me dire sur son état mais j'hésite encore à savoir si j'ai envie qu'il meure ou pas. Non je ne peux clairement pas lui dire ça. Je range mon téléphone dans ma poche, remettant ce problème à plus tard.

Petit HérissonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant