Les Echos d'Aldaria (Tome 1)

Chapitre 11 : Le murmure de l'Invisible

Elena déglutit difficilement, son esprit tournant à toute allure alors que Seraphina la regardait calmement, flottant à quelques centimètres du sol. C'est maintenant ou jamais. Elle se mordit la lèvre, hésitant à formuler sa demande. Mais elle devait essayer.

— Seraphina, dit-elle, sa voix légèrement tremblante. Est-ce que... est-ce que je pourrais avoir un moment seule ? Juste avant de partir. J'ai besoin de me préparer mentalement, tu comprends ?

Elle tenta un sourire, espérant que Seraphina y verrait la sincérité — ou du moins ce qu'elle tentait de montrer. La fée cligna des yeux, sa tête s'inclinant légèrement sur le côté, comme si elle cherchait à lire quelque chose au-delà des mots d'Elena. Le silence s'étira un instant, et Elena sentit son cœur battre à tout rompre. Elle va refuser...

— Je comprends, répondit finalement Seraphina avec un sourire doux. C'est une transition difficile. Mais ne t'inquiète pas, je ne serai pas loin. Si tu as besoin de moi, appelle simplement.

Elena sentit un soulagement temporaire la traverser, mais elle savait que cela ne durerait pas. Elle remercia rapidement la fée d'un hochement de tête, espérant qu'elle s'éloignerait rapidement. Seraphina sortit en douceur, ses ailes scintillant dans la lumière douce de la chambre.

Une fois seule, Elena laissa échapper un souffle tremblant, les mains crispées sur la couverture du lit. "C'est ma dernière chance", se dit-elle, sentant l'urgence monter en elle. Elle se leva, jetant un dernier coup d'œil autour de la chambre, comme pour graver cet endroit dans sa mémoire. La peur, le doute et une étrange résolution tourbillonnaient en elle, et dans cette dernière demi-heure, elle sut qu'elle ferait tout pour trouver une issue, peu importe le prix.

Elena s'avança alors vers la fenêtre. Elle ouvrit les rideaux et regarda en bas. C'était haut. Beaucoup trop haut. Elle était au deuxième étage, et il n'y avait rien en dessous pour amortir sa chute. Pas de buissons, pas d'arbre. Seulement du pavé. Pas possible. Pas sans ailes. Un frisson la parcourut.

Elle inspira profondément et se détourna, sentant sa panique monter. Il doit y avoir une autre issue. Une autre possibilité. Elle réfléchit frénétiquement. Sortir par la porte était trop risqué — Dimitri ou Seraphina la croiseraient certainement. Ils savaient qu'elle était agitée, qu'elle pourrait vouloir fuir. Ils me surveillent, j'en suis sûre.

Soudain, un murmure glissa dans son esprit. "Saute."

Elle se figea. C'était la même voix qu'elle avait entendue auparavant, celle qui la tourmentait depuis plusieurs jours déjà. Non, pas encore... pensa-t-elle en fermant les yeux, essayant de bloquer le murmure.

"Saute, Elena. Fais-le. Tu as plus de pouvoir que tu ne le penses." La voix était douce mais insistante, tentante, presque envoûtante.

— Non... murmura Elena à elle-même, tentant de garder le contrôle.

"C'est la seule solution. Ils te mentent. Ils te piègent ici. Si tu ne sautes pas, tu ne seras jamais libre." Le murmure devenait plus persistant, plus menaçant.

La voix se glissait dans ses pensées comme un poison glacé, ses paroles envahissantes laissant un goût métallique sur sa langue, un frisson paralysant dans ses os. 

Elena serra les poings, essayant de repousser cette présence de son esprit. "Je ne peux pas te faire confiance." C'était clair pour elle. Cette voix n'avait rien de bienveillant. Elle la poussait à faire quelque chose de dangereux, peut-être même fatal. Elle avait l'impression que la voix se nourrissait de ses doutes, de ses peurs.

— Laisse-moi tranquille, chuchota-t-elle, sentant les larmes lui monter aux yeux.

"Tu sais que j'ai raison. Ils ne te laissent pas de choix. Saute et tu découvriras ce que tu es vraiment. Tu n'as pas besoin de leurs règles, de leurs écoles. Tu es faite pour plus. Pour mieux."

Elena lutta intérieurement. Cette voix, si persuasive, jouait sur ses peurs profondes. Mais quelque chose en elle résistait, une petite flamme de méfiance, de doute envers cette entité qui semblait vouloir la manipuler. Je ne suis pas prête. Je ne peux pas te croire.

Au moment où elle croyait perdre pied dans cette bataille mentale, la porte s'ouvrit brusquement avec fracas. Dimitri entra, le visage grave, ses yeux gris éclatants d'une intensité inhabituelle. Il avait senti ce qui se passait. Il s'avança rapidement vers elle, et sans dire un mot, il posa ses mains sur ses épaules, la ramenant brusquement à la réalité.

— Écoute-moi, Elena, dit-il d'une voix ferme mais calme. Ne l'écoute pas. Cette voix... elle n'est pas ce que tu crois. Elle essaie de te manipuler.

Elena écarquilla les yeux. Comment le savait-il ?

— Tu n'as pas encore les défenses mentales nécessaires pour la repousser, continua-t-il. Mais je peux t'aider.

Elena était prise au piège dans sa propre spirale de panique, la voix la poussant à un acte insensé. La peur et l'urgence la paralysaient, ses pensées étaient confuses, et son corps réagissait avec une tension presque douloureuse.

Il posa une main sur son front, fermant les yeux. Une chaleur douce, bien différente de l'étreinte glaciale de la voix, se répandit depuis son front jusqu'à sa poitrine, apaisant le tumulte de ses pensées comme un bouclier invisible qui la protégeait. Les pensées tourbillonnantes dans son esprit ralentirent, se clarifièrent, comme si Dimitri avait posé un filtre apaisant entre elle et ses peurs. La voix, jusque-là omniprésente, s'affaiblissait, reléguée au second plan. 

Un souffle semblable à une brise douce parcourut son être, dénouant la pression qui alourdissait sa poitrine. Pour la première fois depuis longtemps, elle eut l'impression de pouvoir respirer librement. 

Cette chaleur la submergea, ravivant en elle des souvenirs d'un foyer perdu, d'un lieu où elle se sentait aimée, protégée. Elle sentit les larmes lui monter aux yeux, non plus de peur, mais d'un soulagement dont elle ignorait avoir besoin. 

Quand Dimitri retira sa main, le contraste entre ce qu'elle ressentait et l'emprise de la voix devint évident. La voix était là, certes, mais sa force semblait diminuée, presque impuissante face à ce lien protecteur que Dimitri venait d'instaurer. 

Au même moment, Seraphina arriva précipitamment dans la pièce, son visage pâle et alarmé, rompant toute la douceur du moment. Dimitri détourna son regard.

— Dimitri ? Que se passe-t-il ? demanda-t-elle en se rapprochant d'Elena, son regard inquiet.

— Quelqu'un ou quelque chose tente de prendre le contrôle de son esprit, répondit-il sans ouvrir les yeux, concentré sur la tâche. 

Seraphina hocha la tête et lança un regard appuyé à Dimitri, et bien que leur silence fût bref, il disait tout. Une promesse non formulée les liait tous deux autour du destin incertain d'Elena.

— Nous devons partir maintenant, ajouta-t-elle d'une voix résolue.

Dimitri jeta un regard autour de lui, son visage toujours impassible, mais Elena crut percevoir, l'espace d'une seconde, une ombre d'inquiétude dans ses yeux. Cela la troubla. Pour la première fois, elle comprit que même lui portait ses propres doutes et craintes, dissimulés derrière son masque de calme.

Avant qu'Elena n'ait eu le temps de réagir, elle sentit l'énergie autour d'elle changer, comme si l'air se mettait à vibrer. Dimitri et Seraphina canalisèrent une force qu'elle ne comprenait pas encore, et soudain, le monde autour d'elle sembla se dissoudre, se déformer. Les murs, le sol, tout se brouilla en une fraction de seconde, les contours de la pièce se dissolvaient en un éclat de lumière intense.

Le monde bascula autour d'elle. Elle se sentit flotter, suspendue dans le vide, avant d'être ramenée brusquement sur le sol. La pression dans ses oreilles éclata en un bourdonnement alors qu'une nouvelle réalité s'étirait devant ses yeux. 

Lorsqu'elle retrouva ses sens, ils étaient ailleurs.

Aldaria.

Un paysage nouveau, imposant, s'étendait devant eux. Un vent parfumé de magie et d'anciennes légendes lui frôlait le visage, la plongeant dans un mélange de fascination et de crainte.