L'exécuteur 3

Arya

– Mademoiselle Rochi, j'aimerais vous parler à la fin du cours. J'acquiesce à l'intention de Madame Sarah, la prof de physique-chimie, sans relever la tête de l'exercice que je suis en train de traiter.

Derrière moi, un groupe de filles, dont Monna, parle du dernier match de l'équipe de foot du lycée ; elles critiquent surtout la performance de Michele, qui a été lamentable. Lui qui brillait toujours par son hardiesse ressemblait, selon Monna, à un vieillard boiteux. Elles n'y vont pas de main morte et n'ont aucun égard pour le fait qu'il est dans la classe et les entend.

J'appuie tellement fort sur le stylo que la feuille se troue.

Je me sens coupable. La rupture l'a plus atteint que moi, pour la simple et bonne raison qu'il avait plus de sentiments que je n'en aurais jamais. Non, il a sûrement peur, comme moi, d'avoir ruiné notre amitié ; s'il m'aimait vraiment, il n'aurait pas couché avec cette fille durant plus de trois ans.

Je risque un regard dans sa direction avant de me troubler quand je me rends compte qu'il me fixe, les yeux rougis et cernés.

Je baisse les paupières en priant pour que l'heure passe plus vite, pour que je puisse rentrer chez moi. Ce que je craignais est arrivé : j'ai perdu mon meilleur ami.

Malgré la douleur poignante que je ressens, je suis assez fière de moi, parce que je sais que j'ai pris la bonne décision. Un jour, Michele comprendra et il me pardonnera, j'en suis persuadée.

Je consulte discrètement mon téléphone, sans aucun but – enfin, c'est ce dont j'essaie de me convaincre, mais en réalité, j'attends à chaque instant de recevoir un message de Luca.

Il ne va jamais t'écrire, tu lui as fait peur avec tes sauts d'humeur stupides.

La veille, après la petite altercation avec Ella, je suis retournée à mon poste, et il n'était pas là. Riccardo et Bud non plus. J'ai vraiment été déçue, mais honnêtement, qu'il soit parti était la meilleure chose pour moi.

J'ai dit n'importe quoi pour faire enrager cette Ella, parce que, si je veux être honnête avec moi-même, je suis jalouse d'elle, surtout de sa relation avec Luca. Quand elle me parlait et que je sentais son parfum – le même parfum avec lequel Luca a débarqué chez Anita – j'ai vu rouge.

Cette fille remet en surface toutes mes insécurités ; elle est ce que je ne serai jamais.

Je soupire quand la cloche retentit, je ferme mon cahier et commence à ranger mes affaires.

– Vous ferez les exercices de la page 27 à la maison, on les corrigera la semaine prochaine. Et celui qui ne les fera pas aura affaire à moi.

– Je suis morte de peur, marmonne Monna, ce qui fait rire les autres. La prof lui lance un regard faussement sévère.

***

– Qu'est-ce qu'elle voulait ? Je sursaute, je sors à peine de la classe après mon entretien avec Madame Sarah, que Michele me pose cette question. Il m'attend dans le couloir, les mains enfoncées dans les poches de son pantalon d'uniforme. Contrairement à moi, il se tient avec assurance. D'une voix fluette, je réponds à sa question.

– Elle voulait me féliciter ; mes notes se sont beaucoup améliorées, et elle voulait prendre des nouvelles de mon frère.

D'ailleurs, je n'ai absolument pas su quoi lui dire à son sujet. Son corps se rétablit petit à petit, mais ce qui m'inquiète, c'est son état d'esprit. Il passe des jours enfermé dans sa chambre à fixer le vide. Quelque chose le ronge, mais il ne le dit à personne. Il a peur de la personne qui l'a mis dans cet état. Avec raison sûrement, car si quelqu'un est capable d'un tel acte de barbarie, c'est sûrement un monstre. Mes parents ne le prennent pas au sérieux ; ils parlent d'une phase, comme si son état n'était qu'une période passagère. Ils ne sont jamais là, voyageant beaucoup pour leurs affaires. Mais s'ils ne font rien, un jour, ils reviendront, et Leonard se sera pendu dans sa chambre.