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Je prends une grande inspiration, sentant le poids de ce que je m'apprête à dire. Tous les regards sont rivés sur moi, impatients et méfiants à la fois.

  C'est le moment, me dis-je, même si une part de moi a encore du mal à croire ce que j'ai découvert.

« Y a quelque chose de vraiment bizarre dans tout ça, » je commence, cherchant mes mots. « La nuit de la fête... Evannah m'a parlé de sa famille, et c'était pas vraiment l'image parfaite qu'on pourrait imaginer. Elle m'a raconté des trucs sombres. »

Je m'arrête, essayant de retrouver ses mots exacts. Les visages autour de moi s'assombrissent, comme si mes paroles renforçaient l'idée qu'Evannah n'était jamais celle qu'on croyait.

« Elle m'a dit qu'elle vivait dans la peur, » je reprends, ma voix plus basse. « Elle m'a parlé de mercenaires, de mises à prix, de trucs que je pensais réservés aux films. Elle disait que sa famille avait des ennemis et que tout pourrait basculer d'un jour à l'autre. Elle avait vraiment l'air terrifiée. »

Fina fronce les sourcils, visiblement choquée. « Tu veux dire qu'elle était en danger, en vrai ? »

Je hoche la tête, repensant à l'expression d'Evannah cette nuit-là, à l'intensité dans son regard quand elle m'a confié tout ça. « C'est ce qu'elle m'a fait croire, oui. Elle parlait de la menace d'une autre famille qui en voulait à la sienne, d'ennemis cachés dans l'ombre. Elle m'a dit que son père vivait dans la peur constante, qu'elle-même se sentait comme un pion qu'ils pourraient utiliser ou sacrifier à tout moment. »

Une vague de murmures parcourt le groupe, chacun digérant cette révélation. Mais je ne suis pas encore arrivé au plus étrange.

« Sauf que, » je continue en marquant une pause, « quand j'ai lu son carnet... tout ça, toutes ces histoires, c'était... l'inverse complet. »

Je plonge mon regard dans celui de Lorelai, puis de Gabriel, cherchant un soutien silencieux. Je sens leur attention, tendue et accrochée à mes mots.

« Dans son journal, elle ne parlait que d'une famille unie, aimante, protectrice, » je dis, la voix tremblante d'incrédulité. « Elle disait qu'elle se sentait en sécurité chez elle, que ses parents étaient toujours là pour elle. C'était comme si... comme si elle vivait une vie parfaite. Il n'y avait aucune mention de ces histoires de menaces, de familles rivales ou de peur constante. C'était tout le contraire de ce qu'elle m'avait raconté. »

Je laisse mes mots résonner dans le silence. L'angoisse s'installe dans la pièce, palpable. Fred se redresse légèrement, un éclat de colère dans les yeux.

« Attends... Donc, elle a inventé tout ça ? Elle t'a menti, Jack ? »

Je secoue la tête, perdu dans mes propres pensées. « C'est bien ça, le problème, Fred. Je ne sais pas. Soit elle m'a menti, soit... » je prends une grande inspiration, l'idée que je vais prononcer me semblant presque trop absurde, « soit ce carnet n'est pas d'elle. »

Gabriel hoche lentement la tête, absorbant mes paroles. « Tu penses qu'il y a une chance que quelqu'un ait fabriqué ce journal pour dissimuler ce qu'elle vivait vraiment ? »

Je sens une bouffée de nervosité monter en moi, mais je réponds honnêtement. « J'en sais rien. Mais une chose est sûre : il y a deux Evannah. Celle qu'elle m'a montrée et celle que son carnet raconte. Et je ne sais pas laquelle est la vraie. »

Le silence tombe de nouveau, plus lourd que jamais.

Point de vue de Lorelai

Les jours passent, mais le poids des secrets que nous avons découverts me hante de plus en plus. Jack, Fred, Fina... Personne n'a de réponses claires, et plus le temps passe, plus j'ai l'impression que mes propres parents cachent quelque chose. Mon père, en particulier, est devenu de plus en plus distant, comme si le simple fait de se retrouver dans la même pièce que moi le rendait nerveux.

Aujourd'hui, poussée par cette angoisse sourde, je décide de fouiller dans son bureau. Je me glisse discrètement dans son bureau, m'assurant que personne ne traîne dans les couloirs. Le silence règne, et l'odeur du cuir de son fauteuil mélangée à celle de ses papiers me donne la chair de poule.

Les tiroirs sont verrouillés, mais il n'a jamais su cacher ses clés. Je les trouve dans un petit bol en argent posé sur une étagère, et je commence à fouiller, mon cœur battant de plus en plus fort. Des dossiers, des factures... des papiers banals que je repousse les uns après les autres, jusqu'à ce que mes doigts rencontrent un dossier gris, ordinaire, posé tout au fond du tiroir.

Quand je tire le dossier vers moi, mes yeux tombent sur le titre écrit en lettres majuscules en haut de la page : "DEAR DIARY". Mon cœur manque un battement. Dear Diary ? Ce titre est comme une gifle. Mes mains tremblent légèrement alors que je l'ouvre, l'esprit submergé par un flot de questions. Je tourne la première page, et ce que je vois me fige sur place.

À l'intérieur, je trouve des copies de pages de mon propre journal intime. Chaque ligne, chaque secret que j'ai griffonné dans l'intimité de ma chambre est là, comme si quelqu'un avait minutieusement fouillé dans mes pensées les plus profondes. Comment... comment est-ce possible ? Des passages précis de mes moments de doute, des confidences que je n'ai partagées avec personne, mes sentiments pour Fred, mes peurs, tout est là, exposé sur le papier.

Mes mains deviennent moites, et je sens une boule se former dans ma gorge.

  Pourquoi mon père aurait-il ces pages ?

L'idée qu'il ait pu violer mon intimité comme ça me laisse un goût amer. Mais ce n'est pas tout. Au fil des pages, je tombe sur des annotations à la main, écrites dans une écriture familière – celle de mon père.

Les mots griffonnés en marge me glacent le sang : « Sujets de manipulation », « Rumeurs à exploiter », « Liaisons à surveiller ».

Les mains tremblantes, je tourne la page du dossier, mais ce que je découvre ensuite m'étouffe d'un coup, comme si l'air s'était fait plus dense autour de moi. Juste en dessous des pages de mon propre journal intime, je tombe sur un second ensemble de feuilles, encore plus épais, et tout aussi terrifiant.

  Le journal d'Evannah.

Je reste immobile, mon esprit se refusant à assimiler ce que je vois. Des copies des pages intimes d'Evannah, ses pensées les plus profondes. Chaque ligne, chaque confession qu'elle avait gardée pour elle-même est là, entre mes mains, exposée comme un livre ouvert. Je ne comprends plus. Comment mon père aurait-il pu accéder à ça ?

Je continue de lire, mon cœur battant à tout rompre. Ce sont des confidences que personne n'aurait dû lire, des moments de vulnérabilité qui n'appartenaient qu'à elle. Et pourtant... ils sont là, dans le bureau de mon père.

Mais ce n'est pas tout. Au fil des pages, je remarque encore des annotations dans la marge, toujours cette même écriture soignée, celle de mon père. Les mots qu'il a notés me glacent le sang : « Points de pression », « Rumeurs à exploiter », « Relations risquées », « Diviser pour mieux régner ». Il avait non seulement lu nos journaux, mais il les utilisait pour manipuler des aspects de nos vies, et je ne sais même pas pourquoi.

Un frisson parcourt ma colonne vertébrale alors que les implications deviennent claires. Il s'est servi de nos propres pensées pour tirer des ficelles en secret. Mes souvenirs défilent, et je commence à me demander combien de fois il a influencé nos choix, combien de fois il nous a menés là où il le voulait, sans qu'on le sache.

Je referme le dossier d'un coup sec, le cœur lourd, une rage sourde montant en moi. J'ai l'impression de découvrir une trahison d'une profondeur insoupçonnée, non seulement envers moi, mais aussi envers Evannah.

Je prends alors les dossiers avec moi sans me retourner. Je me ruis vers ma chambre et décide de re-réunir le groupe.

Bordel de merde, pourquoi ça va si loin...

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 31 ⏰

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