Chapitre 13 - Emma

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Je n'arrive pas à comprendre comment tout a pu changer si vite. C'est vrai que Camille était un peu distante, plus réservée que d'habitude, mais je n'avais pas vraiment relevé. J'étais tellement prise dans les conférences, les ateliers, l'euphorie de rencontrer de nouvelles personnes que je n'ai pas fait attention à ce qu'elle pouvait ressentir. Et maintenant, je me demande si j'ai été aveugle à quelque chose d'évident. Est-ce que j'ai dit ou fait quelque chose qui a pu l'amener à croire que je ressentais la même chose ? Je secoue la tête, tentant de chasser cette pensée. C'est ridicule. Je suis hétéro. Je l'ai toujours été. Mes relations, mes attirances... toutes ont toujours été avec des garçons. Camille est mon amie. Ma meilleure amie. Jamais je n'ai envisagé quelque chose de romantique avec elle. Alors pourquoi est-ce que je me sens si troublée ? Je secoue la tête, refusant de me laisser entraîner dans ce tourbillon. Il faut que je reste rationnelle. Je suis hétéro. C'est tout ce qui compte. Camille s'est peut-être trompée. Elle est confuse, elle aussi. C'est normal d'être perdue quand on est aussi proches. Peut-être qu'elle traverse une phase, qu'elle confond l'amitié avec autre chose. Cela arrive, non ?

Mon esprit, désespéré, cherche une confirmation, une preuve que tout cela n'est qu'une erreur, que je suis toujours celle que je pense être. Et, comme un réflexe, mon premier instinct est de penser à Thomas. Mon ex. Thomas, c'était la sécurité et la stabilité. Il m'a aimée je crois, même si je ne suis pas certaine d'en être sûre. Mais à cet instant précis, il représente quelque chose de rassurant, une ancre à laquelle m'accrocher dans cette tempête. J'attrape mon téléphone sur la table de chevet. Je commence à taper un message : « Salut, Thomas. Comment tu vas ? »

Je relis le message plusieurs fois avant de l'envoyer. C'est absurde. Je ne suis même pas sûre de vouloir le revoir, mais au fond, je cherche quelque chose. Une validation, peut-être. Un moyen de me prouver que je suis normale. Que je ne suis pas en train de perdre la tête. Je pose le téléphone sur mon lit et me laisse tomber en arrière, mes bras écartés, le regard fixé sur le plafond. Il ne faut pas plus d'une minute pour que la réponse de Thomas arrive : « Emma ! Ça fait plaisir d'avoir de tes nouvelles. Je vais bien. Et toi ?»

Je tape rapidement une réponse, m'efforçant de sonner naturelle : « Ça va, un peu fatiguée, mais rien de bien nouveau. Est-ce que tu serais partant pour qu'on aille manger à Baratacos un de ces jours ? »

Je me sens ridicule. J'ai tellement critiqué ce restaurant miteux que j'ai honte de lui avoir proposé. Mon téléphone vibre à nouveau : « Bien sûr ! Je suis libre demain soir, si ça te va. »

Un soupir de soulagement m'échappe. Un rendez-vous avec Thomas, c'est exactement ce qu'il me faut. Retourner à la normalité. Je lui réponds rapidement, fixant une heure pour le lendemain. Puis, je laisse retomber mon téléphone sur le lit et ferme les yeux. Mes pensées sont parasitées par Camille. Pourquoi suis-je si perturbée ? Est-ce parce que je sais que ce que je fais est mal ? Ou est-ce parce que, au fond, je ne suis pas aussi sûre de moi que je le prétends ? Je me redresse, incapable de rester allongée plus longtemps. Je commence à faire les cent pas dans ma chambre, essayant de mettre de l'ordre dans mes pensées. Peut-être que j'ai toujours suivi ce que je pensais être la norme, sans jamais me demander ce que je ressentais réellement.

*

Le lendemain, je passe une bonne demi-heure à me préparer, cherchant désespérément à paraître détendue et sûre de moi. Mon reflet dans le miroir ne me convainc pas. J'ajuste ma robe pour la cinquième fois, je refais mon maquillage, mais rien n'y fait, je ne me sens toujours pas confiante. Mes pensées dérivent vers Camille, comme toujours. Elle aurait probablement rigolé en me voyant m'agiter ainsi. Elle m'aurait dit que je suis déjà parfaite, avec ce sourire en coin qui me fait toujours fondre un peu. Une bouffée de tristesse m'envahit, mais je secoue la tête pour chasser ce sentiment. Ce soir, je suis avec Thomas, et il mérite mon attention. Quand il arrive, Thomas est, comme toujours, avenant et souriant. Il m'accueille avec un baiser sur la joue, et je sens son regard s'attarder sur moi. On prend le métro et deux stations plus loin, nous voilà à Baratacos. Thomas me parle de sa journée, de son travail, des jeux vidéo. Il est plein de bonnes intentions, il essaie de me faire rire, et je m'efforce de sourire, mais je sens que mon esprit est ailleurs. Je ne pense qu'à Camille, à ce qu'elle fait en ce moment et à ce qu'elle ressent.

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