Chapitre 12 - Camille

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Le jour de rentrer à Lille est arrivé. Mon estomac est comprimé par une boule au ventre depuis la discussion de la veille. Lola est encore endormie à côté de moi. J'ai l'impression d'avoir abusé de sa gentillesse en lui demandant de dormir avec elle hier soir, après m'être fait jeter de ma propre chambre par Emma. Je me lève lentement, essayant de faire le moins de bruit possible pour ne pas la réveiller. Je me dirige vers la cuisine pour préparer un café. Emma est déjà là, assise à un bout de la grande table, en train de manger ses tartines. Je m'assois pour ma part à l'autre bout, l'ignorant totalement. Peu à peu, les autres nous rejoignent. D'abord, c'est Louise qui arrive, nous prévenant que nous devons partir dans une heure. Ensuite, c'est au tour de Damien de descendre pour prendre son petit déjeuner. Comme à son habitude, il est captivé par son téléphone sans sembler remarquer notre présence. Clara ne tarde pas à venir elle aussi :

— L'air de la montagne n'est pas propice au romantisme ! dit-elle en remarquant la distance qui me sépare d'Emma.

Avant même que je puisse réfléchir à une réponse convenable, Lola entre dans la pièce :

— Dis donc, Camille, je t'invite dans mon lit et toi, tu te sauves le matin sans me réveiller ?

Dès que Lola plaisante sur notre nuit ensemble, je sens tous les regards se tourner vers moi. Mon cœur s'emballe. Je sais exactement ce qu'ils doivent penser. Ils pensent que j'ai trompé Emma. Toutefois, personne ne s'ose à faire la remarque.

Après le petit-déjeuner, nous rassemblons rapidement nos affaires. Une fois que nous avons fini de ranger, il est temps de quitter le chalet. Emma ne m'adresse pas la parole et le trajet jusqu'à la gare se fait dans une atmosphère lourde entre nous. Lorsque le bus arrive à la gare, je sens une vague de soulagement mêlée à l'angoisse. La dernière chose que je veux, c'est affronter Emma à nouveau, mais il le faut. Nous devons parler. À mesure que nous nous dirigeons vers le quai, j'essaie de rassembler mes pensées, de préparer les mots qui pourront faire surface. Dans le TGV, je m'assois à côté de Lola, qui discute joyeusement, tandis qu'Emma est assise juste en face, les yeux rivés par la fenêtre. Il faut souligner que trois heures de trajet face à une amie qui vous ignore est très long.

Arrivées à Lille, je sens que c'est le moment de parler. Le fait que nous vivions ensemble dans la même colocation rend les choses encore plus pressantes. Je m'approche d'Emma, rassemblant tout mon courage.

— Écoute, Emma, on va bien devoir parler, dis-je, ma voix un peu plus ferme que je ne l'aurais souhaité.

Elle tourne lentement la tête vers moi, et je vois la surprise dans son regard. Après un moment de silence, elle hoche la tête, mais je sens encore la résistance.

— Oui, peut-être, mais... je crois que ça serait mieux qu'on se parle au minimum, parce que ça me met mal à l'aise que tu sois attirée par moi. A vrai dire, ça me dégoûte.

Sa réponse me fait l'effet d'un coup de poignard. Je déglutis, luttant contre l'envie de me renfermer complètement. J'essaie de lui faire face, de ne pas montrer la douleur que je ressens. Je sais que je dois dire quelque chose. Pas pour elle, mais pour moi.

—Emma, dis-je d'une voix tremblante. Je ne t'ai jamais imposé quoi que ce soit, je respecte toujours tes limites. Mais je ne mérite pas d'être traitée comme ça pour ce que je ressens.

Je la regarde, espérant capter une once d'empathie dans son regard. Mais elle se contente de détourner les yeux, comme si elle n'était pas prête à faire face à la situation. Le silence entre nous devient pesant, presque insupportable.

— Je ne veux pas te rendre mal à l'aise, Emma, mais je ne peux pas m'excuser d'être lesbienne, je continue, ma voix plus affirmée cette fois. Si tu veux qu'on en reste là, alors ok, mais ce serait bien qu'on puisse cohabiter avec un minimum de respect.

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