Partie 3

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Partie 3

Les jours passaient lentement, mais pour Yassine, chaque instant était une torture. Chaque regard échangé avec Ihsene était une bataille silencieuse qu'il savait ne pas pouvoir gagner. Il s'observait dans le miroir tous les matins, mais il ne se reconnaissait plus. Ce n'était pas le Yassine du quartier, celui qui ne laissait rien paraître, celui qui imposait le respect avec son regard froid et son attitude indifférente. Non, ce Yassine-là, celui qui avait décidé de se perdre dans des jeux de regards avec Ihsene, n'était plus celui qu'il voulait être. Mais c'était plus fort que lui.

Chaque fois qu'il la croisait, quelque chose de nouveau naissait en lui. Une énergie, une attraction, un désir silencieux qu'il ne pouvait contrôler. Elle ne le savait pas, mais il avait remarqué chaque détail. La façon dont elle passait ses mains dans ses cheveux quand elle se sentait nerveuse. La manière dont son regard devenait presque absent lorsqu'elle était plongée dans ses pensées. Chaque mouvement, chaque sourire qu'elle offrait à ses amies, Yassine les voyait, les scrutait, comme si son monde en dépendait. Et pourtant, il n'agissait pas. Il restait là, distant, figé dans ce silence imposé par son propre code.

Le quartier était bruyant, animé, comme à son habitude. Les voix des hommes se mêlaient aux bruits de moteurs, mais Yassine ne les entendait pas. Sa concentration était ailleurs. Il observait, encore et toujours, cette silhouette qui déambulait dans les rues, sans même savoir qu'il l'observait. Lui et elle, deux étrangers qui se croisaient sans jamais échanger un mot, mais dont les regards se cherchaient à chaque occasion. Il l'avait remarquée dès le premier jour où il l'avait vue se perdre dans la rue, aussi calme que déterminée. Il savait qui elle était, elle aussi savait qui il était. Mais ils ne se parlaient pas.

Mais les choses étaient en train de changer, lentement mais sûrement. Yassine sentait l'impact de chaque regard qu'il échangeait avec elle. C'était un jeu auquel il n'avait pas l'intention de jouer, et pourtant, il s'y retrouvait. Un jeu de regards furtifs, des gestes, des expressions subtiles, des paroles non dites. Il ne voulait pas se laisser emporter, il ne voulait pas que ce jeu de regards devienne une obsession, mais c'était déjà trop tard. Chaque fois que leurs yeux se croisaient, son cœur battait plus fort. Chaque sourire qu'elle lui adressait, aussi discret soit-il, était un coup de poignard dans sa carapace.

Yassine n'était pas un homme timide. Il avait l'habitude de commander, de diriger les conversations, de se faire respecter. Mais face à Ihsene, il perdait ses moyens. C'était une sensation étrange pour lui. C'était comme s'il ne pouvait pas être celui qu'il était d'habitude, celui qu'il avait été pendant toutes ces années. Il devait rester sur ses gardes, garder son image intacte, mais au fond de lui, il savait que ça ne pouvait pas durer.

Ihsene, de son côté, était tout aussi perturbée par ces échanges de regards. Au début, elle n'y prêtait pas attention. Ce n'était qu'un mec du quartier, comme tous les autres. Mais avec le temps, elle avait remarqué qu'il était différent. Il la regardait d'une manière qu'aucun autre homme ne l'avait jamais regardée. Pas de façon vulgaire ou insistant, mais d'une manière calme, silencieuse, intense. C'était comme si ses yeux lui parlaient. Elle se sentait observée, épiée, mais sans jamais qu'il ne fasse un geste. C'était une attention étrange, perturbante.

Parfois, elle se demandait s'il ne faisait pas cela juste pour la tester, pour voir combien de temps elle tiendrait avant de flancher. Mais elle n'était pas du genre à se laisser manipuler. Elle le savait, lui aussi jouait un jeu. Il n'agissait pas. Et peut-être que c'était ce qui la fascinait le plus chez lui. Il avait ce pouvoir silencieux, ce pouvoir de ne rien dire tout en laissant tout se dire avec ses yeux. Et cela, Ihsene le ressentait. Mais plus elle se disait que ce n'était qu'un jeu, plus elle se sentait attirée. Ce regard, cette intensité, cette complicité qu'il semblait vouloir instaurer sans jamais la franchir... C'était trop pour elle. Elle voulait qu'il fasse le premier pas, qu'il brise cette barrière, mais elle savait qu'il n'allait pas le faire. Il attendait. Il attendait quoi ? Elle ne savait pas. Mais une partie d'elle espérait qu'il le ferait, qu'il lui parlerait, qu'il sortirait de l'ombre.

Le regard de Yassine n'était plus seulement un regard parmi tant d'autres. C'était un regard qui pesait lourd, un regard qui la suivait dans ses déplacements, un regard qui semblait voir au-delà de ce qu'elle était prête à montrer. Cela la gênait, mais en même temps, cela la fascinait. Elle savait qu'il savait. Il savait qu'elle savait. Mais aucun des deux n'était prêt à briser ce silence. Aucun des deux ne voulait être celui qui franchirait la ligne, celui qui dirait les mots qui pourraient tout changer.

Chaque fois qu'elle se retrouvait dans la même pièce que lui, chaque fois qu'il se trouvait à quelques mètres d'elle, il y avait cette tension invisible, une tension qu'ils n'arrivaient plus à ignorer. Yassine avait ses raisons de se retenir. Dans son monde, ce n'était pas comme ça. Il n'avait pas l'habitude de montrer ses faiblesses. Les femmes, dans son environnement, étaient souvent vues comme des trophées, des choses à conquérir, à posséder. Mais Ihsene était différente. Elle ne faisait pas partie de ce monde. Elle n'était pas une conquête comme les autres. Et c'était peut-être pour cela qu'il se retenait, qu'il l'observait sans jamais agir.

Ihsene, elle, se sentait de plus en plus confuse. Elle n'avait jamais ressenti ça pour un homme du quartier. Mais avec Yassine, quelque chose était différent. C'était subtil, mais elle ne pouvait pas l'ignorer. Elle commençait à se demander si ce jeu de regards n'était pas le prélude à quelque chose de plus profond, quelque chose de plus dangereux. Mais elle ne savait pas si elle était prête pour cela. Elle n'était pas sûre de pouvoir se laisser emporter par ce que Yassine représentait.

Il y avait trop de barrières entre eux. Trop d'histoires, trop de rancœurs, trop de règles tacites qui interdisaient toute forme d'attachement. Et pourtant, à chaque croisement de regards, ils brisaient lentement ces règles. Mais ils n'étaient pas prêts à s'avouer ce qu'ils ressentaient, et ils savaient qu'au fond, il serait bien plus facile de laisser ce jeu continuer ainsi. Parce qu'une fois que la vérité serait dite, rien ne pourrait revenir en arrière.

Cœurs enchaînés Où les histoires vivent. Découvrez maintenant