Ruban Rouge (BKDK)

La veille : partie 4

J'ai trop bu. J'ai définitivement trop bu.

Après que Kacchan soit parti du comptoir je me suis resservi un verre, puis peut-être 2 ou 3 autres parce que j'étais soulé. J'ai discuté avec les hommes autours de moi mais je me suis vite lassé.

_Arrête mec, tu vas regretter demain, me sourit la barmaid alors que j'essayais encore d'attirer son attention pour commander.

Elle a raison. Je suis ridicule. Je me lève alors vers la piste de danse mais même la musique ne me motive pas. Je divague un temps en regardant autour de moi pour savoir quoi faire et j'hésite même à rentrer chez moi.

Mais au fond de moi je sais très bien ce que je veux faire.

Alors j'éteins ma raison au plus profond de ma tête et me dirige sans réfléchir vers le balcon où j'étais plus tôt dans la soirée. Kacchan est là, sur son téléphone avec un air las au visage, ignorant les quelques groupes sortis fumer autour de lui. Il fait l'affront de tourner le dos aux lumières de la ville en contre-plongée derrière lui. Quel est l'intérêt de sortir si ce n'est même pas pour regarder la beauté de Tokyo de nuit ? Il veut simplement ne pas me recroiser visiblement... et me voilà comme un imbécile qui va de mon plein gré le rejoindre dans son havre de paix.

Il ne relève pas la tête quand je me pose à côté de lui, le coccyx contre la rambarde du balcon. Pourtant je sais qu'il m'a remarqué arriver. Je reste un temps en silence, jugeant si c'est réellement une bonne idée d'aller lui parler. Puis je souffle et sors une clope de mon paquet coincé dans ma poche arrière.

_T'en veux une ? je lui propose en lui tendant le paquet.

Il n'y jette même pas un regard.

_C'est ta combientième ce soir ? souffle-t-il.

Je réfléchis à sa question puis hausse les épaules.

_Quatrième je crois...

Du coin de l'œil il m'envoie un regard méprisant avant de regarder à nouveau son téléphone en silence.

_Je fume pas, finit-il par lâcher voyant que je n'avais toujours pas rangé mon paquet.

_Ok, je réponds en le rangeant cette fois-ci.

Je sors mon briquet et couvre le bout du bâtonnet pour protéger la flamme du petit vent de la nuit, mais je sursaute tout à coup quand Kacchan s'empare alors de ma cigarette d'un geste vif et la jette sans scrupule par-dessus son épaule.

_Hey ! je me plains immédiatement en me retournant et suivant désespéramment du regard la chute lamentable de ma cigarette même pas encore allumée dans le vide qui se déporte avec le vent avant de s'écraser à l'autre bout de la rue. Tu sais combien ça coute ça ?!

_Si tu veux faire des économies t'as qu'à arrêter d'en acheter.

Je roule des yeux en boudant, rangeant d'un geste enfantin mon briquet dans ma veste. Je souffle sans honte en posant lourdement mes coudes sur la rambarde et naturellement ma tête vient se caler dans ma main comme si elle était trop lourde pour mon cou.

_Ça met des millénaires à se dégrader ces trucs là. C'est de la pollution que tu viens de faire.

_J'irais la récupérer en partant.

_Et si t'oublies ?

_J'oublierais pas.

Il a toujours réponse à tout c'est agaçant. On reste en silence et sous tension un temps. Enfin moi je suis sous tension parce que lui ne semble pas en avoir quelque chose à faire et scrolle ses réseaux sociaux sans gêne. Mais après un long moment de vide, je le vois du coin de l'œil ranger son téléphone dans sa poche arrière et se retourner à son tour pour s'accouder à la rambarde comme moi. Pourquoi est-ce que j'ai espéré que nos coudes se toucheraient quand il l'a fait ? Je suis ridicule.