La veille : partie 5

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_Tu m'as vraiment attendu...

Je souris presque niaisement quand je passe la porte de sortie du bar à toute vitesse pour retrouver Kacchan dehors. Je crois qu'il a raison, je suis bourré, mais suffisamment sobre pour avoir totalement conscience de ce que je fais quand même.

_Ben oui. Tu viens de m'hurler dessus du balcon pour que je le fasse.

Son petit air agacé me déclenche un rire. Même couvert de son épais manteau, à demi retourné vers moi les mains dans les poches avec les sourcils froncés, je le trouve charmant.

Cela fait déjà quelques temps que j'ai compris que je craque pour mon ancien harceleur. Et si au début cette réalisation m'a fait un peu paniquer, je m'y suis très vite habitué bizarrement. J'aurais dû fuir ce sentiment mais vu comme je viens de le rejoindre avec tout l'enthousiasme du monde alors qu'il m'a mis un vent quelques minutes plus tôt... je crois que je n'y arrive pas très bien.

_Rentrons alors, je dis joyeusement en démarrant le pas à côté de lui.

_Faut qu'on aille jeter ta clope avant. J't'avais dit que j'oublierais pas, me dit-il avec un regard vaniteux.

_Frimeur, je souffle en levant les yeux au ciel.

Mais retrouver le bâtonnet a été plus laborieux que prévu et on s'est retrouvé comme deux cons à épier nos pieds tout du long du trottoir, s'engueulant l'un l'autre à chaque fois qu'on regardait le même morceau d'asphalte ou qu'on se rentrait dedans par manque d'attention. Au final ce n'est pas un mais 3 mégots qu'on a jetés et ça m'a rendu un peu fier.

_C'est pas ça qui va nous sauver du réchauffement climatique tu sais ? rigole-t-il en marchant alors qu'il me regarde bomber le torse du coin de l'œil.

_C'est pas en faisant rien non plus. Ça sert à quoi de culpabiliser les gens qui font des petites actions au juste ? je lui reproche alors qu'on quitte le quartier animé de la ville. C'est déjà plus que rien du tout.

_T'as finie Greta Thunberg ? En fait t'es malin quand tu veux, t'as réponse à tout.

_Pour une fois que c'est moi. Mais merci d'avoir remarqué que j'étais malin, je souris ironiquement en le regardant. T'aurais pu le faire y'a une bonne dizaine d'année mais vaut mieux tard que jamais.

_Y'a une bonne dizaine d'année Deku tu faisais des trous dans le comté parce que t'aimais pas le gout et tu espérais que ça le transforme en emmental.

Je lui frappe l'épaule d'un air faussement vexé alors qu'on rit tous les deux. Puis petit à petit alors qu'on se dirige lentement mais surement vers notre quartier d'enfance où l'on vit encore l'un comme l'autre, nos rires s'envolent dans la nuit nous laissant un résidu de sourire amusé au visage. Comme bien souvent, on partage un silence qui n'a rien de dérangeant. Ça laisse libre cours à nos pensées. Et puis le temps passé à l'air froid fait retomber petit à petit mon alcoolémie.

_Tu te rends compte qu'on s'est connu presque toutes nos vies, je réalise à voix haute.

Il ne répond rien mais je sens qu'il a entendu et qu'il cogite.

_Tu... Toi je suppose que tu aurais préféré ne jamais me connaitre, me dit-il soudainement.

Je suis étonné de sa réflexion et lui jette un coup d'œil mais il regarde ses pieds. Je ne sais même pas vraiment si c'est une question ou une affirmation.

_Nan pas vraiment... je finis par admettre. Si je pouvais retourner en arrière j'espère quand même que je te rencontrerais mais juste... je ferais les choses différemment.

Ruban Rouge (BKDK)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant