Chapitre 12

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Adrian

Lyan s'effondre dans mes bras en pleurant. Je serre ma prise autour de lui, tentant d'absorber cette douleur qui semble l'écraser. Son souffle est saccadé, entrecoupé de sanglots étouffés, et je sens sa chaleur contre moi, son corps tremblant. Je murmure des mots doux, des mots qui me paraissent dérisoires, mais c'est tout ce que j'ai pour le moment.

- Shht... ça va aller. Je suis là, Lyan. Je suis là...

Mais comment lui dire que je vais être à ses côtés quand, moi-même, j'ai l'impression de tomber dans le vide ? Ce diagnostic est un coup de poing que je n'ai pas vu venir. Je n'arrive pas à l'accepter.

Pas pour lui, pas pour nous.

Après ce qui semble une éternité, ses sanglots s'apaisent. Je relâche doucement mon étreinte, juste assez pour pouvoir regarder son visage. Ses yeux sont rouges, et son expression me fend le cœur. Pourtant, il essaie de sourire, comme s'il voulait me rassurer. Mais je ne veux pas qu'il cache sa peine, pas maintenant.

***

Le soir, alors qu'il est dans le salon, je l'observe à distance. Il est assis, seul, regardant ses mains d'un air absent. Il paraît perdu, fragile, si différent du jeune homme confiant que j'ai rencontré. Un besoin désespéré monte en moi : je dois le ramener, je dois retrouver le vrai Lyan, celui qui vivait avec une passion si intense pour chaque moment.

Soudain, il se lève et disparaît dans la chambre. Je le suis discrètement, inquiet. Quand je le vois revenir avec un ballon de foot sous le bras, mon cœur se serre. Il jongle maladroitement, d'un pied à l'autre, chaque mouvement trahissant sa fatigue.

Mais je vois une lueur dans ses yeux, même infime. Un sourire me vient malgré moi. C'est mon Lyan, là, sous mes yeux.

Même s'il est épuisé, même s'il a peur, il cherche encore une raison de tenir, de se retrouver.

Je m'avance, m'assois en silence sur le canapé et l'observe jongler. Il finit par remarquer ma présence et s'arrête, un peu gêné. Mais je lui souris, comme pour lui dire que je comprends.

Je me lève, le rejoins et pose mes mains sur ses épaules.

- Peu importe ce qui arrive, je resterai là. On se battra, ensemble, d'accord ?

Lyan me regarde, l'air fatigué mais ému. Ses lèvres tremblent, et je le serre à nouveau dans mes bras.

Il finit par me prendre la main et, avec une voix qui n'est plus la sienne, celle d'un jeune homme qui aurait dû avoir toute la vie devant lui, il murmure :

- Ça vaut encore la peine, Adrian ? J'ai l'impression que tout m'échappe.

J'ai le souffle coupé. Je lui réponds sans hésiter, mais avec un pincement au cœur :

- Oui, Lyan, ça vaut la peine. Pour chaque instant, pour chaque sourire, pour chaque moment que tu partages avec moi et avec ceux qui t'aiment. Tu n'es pas seul dans cette bataille. Je te soutiendrai, même quand tu n'auras plus la force.

Il reste silencieux, mais je vois ses yeux se mouiller. Lyan a peur. C'est la première fois qu'il me le montre, qu'il laisse tomber son masque de force.

***

Une semaine plus tard...

Quand j'apprends que Lyan continue de faire du sport en EPS, malgré sa dispense, un mélange d'inquiétude et de colère monte en moi. Je sais combien sa condition est fragile et combien il s'accroche à son quotidien au lycée pour se sentir "normal". Mais, pour moi, c'est insupportable de le voir ignorer le danger.

Après les cours, je le retrouve dans sa chambre, et avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit, je lâche ce que je garde sur le cœur :

- Lyan, qu'est-ce que tu fais ? Tu continues l'EPS malgré ta dispense ? Est-ce que tu réalises ce que tu risques ?

Il lève les yeux en soupirant, l'air agacé, et je sens déjà qu'il va me balayer d'un geste.

- Adrian, arrête de dramatiser. J'ai juste fait quelques exercices, rien de bien méchant.

Son ton nonchalant me sidère. Comment peut-il minimiser ça ? Est-ce qu'il réalise à quel point tout ça me terrifie ? Je secoue la tête, et je ressens cette frustration monter, comme une vague.

- Ce n'est pas « rien de bien méchant » ! Lyan, tu as une tumeur cérébrale. Tu ne peux pas te permettre de jouer avec ta santé. Je sais que tu es fatigué de tout ça, mais tu ne peux pas te comporter comme si de rien n'était !

Sa mâchoire se crispe et, d'un coup, son regard se durcit, comme si j'avais dépassé une limite.

- Tu penses que je ne le sais pas ?! Tu crois que j'ai besoin de toi pour me rappeler à quel point ma vie est un cauchemar ? Je veux juste... je veux juste retrouver un peu de normalité, Adrian. Je ne peux pas passer chaque seconde à être traité comme un malade.

Ses mots me frappent comme une gifle. J'entends sa colère, mais surtout, j'entends sa souffrance, sa peur, son désespoir. J'inspire, et même si je veux m'adoucir, mon inquiétude ne faiblit pas. Je sais que ma mère partage mon avis, elle aussi est terrifiée à l'idée qu'il prenne de tels risques.

- Ma mère est au courant, Lyan. Elle est tellement inquiète. Elle pense qu'on devrait en parler aux responsables du lycée. Si quelque chose t'arrivait...

Il fait un pas en arrière, me lançant un regard furieux, blessé. Il détourne les yeux et serre les poings. Mon cœur se serre, mais je ne veux pas reculer maintenant.

- Ta mère ? T'as parlé à ta mère de ça ? Adrian, c'est ma vie, d'accord ? C'est mon corps. Je ne veux pas que le lycée sache quoi que ce soit. Ils me regardent déjà comme si j'étais une bombe à retardement, je n'ai pas besoin de plus de pitié !

Sa voix se brise un peu, et je vois cette fragilité en lui, cette peur qui ne le quitte jamais vraiment. Mais je ne peux pas me taire. Je ne peux pas le laisser se mettre en danger comme ça.

Je prends une inspiration, m'efforçant de garder mon calme malgré la tempête en moi.

- Ce n'est pas une question de pitié, Lyan. C'est une question de sécurité. Et si tu t'effondrais en plein cours ? Et si quelque chose de grave arrivait parce que tu refuses d'admettre que tu as besoin de te ménager ?

Il me fixe avec des yeux pleins de colère et de douleur, et pendant une seconde, je regrette mes mots. J'ai l'impression de le pousser trop loin, mais je ne sais pas comment lui faire comprendre l'ampleur de mes craintes.

Il finit par détourner les yeux, la mâchoire serrée, avant de murmurer, la voix tremblante :

- J'en ai assez de cette peur, Adrian. Tu ne comprends pas ? Je veux juste vivre, même si c'est pour quelques minutes, même si c'est pour me sentir moi-même. J'ai l'impression que plus personne ne me voit comme je suis. C'est soit de la pitié, soit de la peur. Je n'en peux plus...

Je le regarde, et quelque chose se brise en moi. Je n'avais jamais vraiment compris ce que ça signifiait pour lui, cette envie d'échapper à l'étiquette de "malade". Il ne veut pas de notre pitié. Il veut juste... exister, vivre comme avant. Mais comment le lui permettre quand je vis moi-même dans cette peur constante ?

- Je te comprends, Lyan... mais je ne veux pas te perdre. Et je ne veux pas que tu te perdes non plus.

Il se détourne, sans un mot, et je sens qu'il y a une distance nouvelle entre nous, un gouffre que je n'arrive pas à franchir. C'est comme s'il s'éloignait déjà, et cette idée me terrifie.

Je tente de me rapprocher, de saisir sa main, mais il la retire, son visage tendu par la douleur et l'incompréhension.

Finalement, il murmure, dans un souffle, sans me regarder :

- Je ne te demande pas de comprendre, Adrian... juste de me laisser respirer.

Je reste là, immobile, à le regarder s'éloigner, le cœur lourd et la gorge serrée.

Il m'échappe, peu à peu, et je ne sais plus quoi faire pour le retenir.

SUNBOY [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant