Chapitre 21: A la fin, le renard sera moine.

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Je n'ai pas vu Georges depuis notre retour du Canada. Ça va faire bientôt six mois. Pourtant, Françoise me dit que tout va bien.

Je veux bien la croire car finalement, la vie a repris son cours. Un peu comme si toute cette histoire de serial killer n'avait jamais existé...un peu comme si je n'étais jamais allée à « El infierno » et comme si je n'avais jamais rencontré le chaman dans cette cabane au Canada. Tout ceci est un peu comme un rêve, ou plutôt comme ces rêves étranges que je fais depuis notre retour. Je rêve du Chaman, de ce que nous avons vécu au cœur de la tornade. Je revois ses yeux et son sourire. Je peux même sentir la saveur de sa peau, et son odeur sucrée. Ça me fait mal dans tout le corps le matin car dans mes songes le chaman devient presque un animal. Notre relation est charnelle et puissante. Je suis totalement sous son emprise et je ne sais pas comment l'arrêter lorsqu'il me fait l'amour sauvagement. C'est une sensation étrange. Tout ceci paraît si réel...

Heureusement que ce n'est qu'un rêve. Ça doit être le trouble de stress post-traumatique comme dirait mon médecin de mari. La vie doit continuer malgré ce qui s'est passé. Il n'y aura plus de victimes...Chayton ne fera plus de mal à personne. Parfois je pense à lui, je me dis qu'il n'était pas responsable...C'était le Wendigo qui l'avait manipulé. Je sais que cette histoire de démon peut sembler ridicule...mais elle n'est pas plus risible que d'autre histoires de croyances.

Depuis notre retour du Canada, je me suis beaucoup documentée sur ces légendes amérindiennes, et sur mon arbre généalogique. Il semblerait que mes ancêtres soient originaires du Canada. Mes parents l'ignoraient encore il y a deux mois. Ils sont maintenant passionnés de généalogie. Peut-être que tout ceci n'est pas un simple fait du hasard. Peut-être que j'étais destinée à vivre cette histoire. Qui sait ce qui s'est passé il y fort longtemps ? Je ne sais rien...personne ne le saura jamais. Je vis avec cette sensation d'avoir vécu d'autres vies...Nicolas dira encore que c'est le traumatisme...je sais que ce n'est pas ça. Rien ne sera plus jamais comme avant...enfin, presque rien.

Nous nous réunissons une fois par semaine avec les filles pour faire du tricot et papoter...non, ce n'est pas vrai. Ça c'est ce que nous aimons raconter. Nous nous retrouvons une fois par semaine au Chikipop pour boire et danser...voilà la vérité. La vie est précieuse, l'amour est important, et l'ivresse est nécessaire.

Je ne me suis jamais sentie aussi vivante que depuis que j'ai failli mourir. J'ai retrouvé mon amour en même temps que mon poids de forme. L'envie de lui plaire sans arrêt ne me quitte plus. J'ai besoin de le surprendre, de le séduire tous les jours. Je ne veux pas risquer de le perdre encore. Il fait pareil de son côté. Chaque jour est une fête...et chaque achat me fait un peu plus flirter avec le découvert. J'ai besoin de nouveaux vêtements, de lingerie, de légèreté.

Sur le chemin qui mène à la rue des commerces, mes yeux se posent sur une silhouette familière. Georges n'a pas changé, il parait même plus jeune.

Il semble surpris de me voir là. Je lui dis que nous nous croisons à chaque fois ici finalement et lui montre le banc où nous nous sommes rencontrés pour la première fois. Il me sourit et me dit que tout ça lui parait loin maintenant. C'est vrai que depuis le Canada, les choses ne sont plus vraiment les mêmes...la vie continue mais on ne peut pas oublier ce qui s'est passé dans la cabane. C'est comme si c'était gravé dans notre ADN. Lorsque j'en parle avec Françoise, elle me dit que ça réveille des douleurs dans tout son corps...elle ne sait pas pourquoi. Comme si ce qui s'était passé était tatoué en elle. Nous avons les mêmes douleurs elle et moi...

Je propose à Georges de prendre un café dans notre lieux habituel, il opine de la tête et me suit. Le lieu n'a pas changé. Toujours les mêmes affiches aux murs, les mêmes clients au comptoir et la même symphonie des petites cuillères dans les tasses de café.

Nous nous installons à notre table habituelle, Georges me regarde avec un air que je ne lui connais pas. Il ne dit rien. Il scrute le décor comme s'il venait ici pour la première fois.

Le serveur s'approche de nous pour prendre la commande.

 -Un thé à la menthe s'il vous plait ? dis-je machinalement.

— Et pour monsieur ? dit le serveur en se tournant vers mon ami.

— Un café s'il vous plait.

Le serveur paraît surpris.

— Je vous mets une pointe de sirop de fraise dedans ?

— Pardon fait Georges ?

Le serveur semble confus

— Du sirop de fraise...vous mettez toujours du sirop de fraise dans votre café.

— Non, je ne vois pas de quoi vous parlez.

— Ah, pardon monsieur. Je dois confondre.

— Ce n'est pas grave lui répond Georges en se tournant vers moi.

Je regarde Georges, mais je ne le vois pas.

L'homme qui est assis en face de moi ne m'est pourtant pas inconnu...

Si ce n'est pas Georges...Qui est-il ? Où est Georges ?


Fin

Tu finiras seule...avec des chats. Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant