Chapitre 1 - Mon putain d'anniversaire

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Deux ans plus tard

Ce matin, je me réveille avec la sensation d'avoir dormi dans du coton. Le silence de la maison de Madame Westwood est doux, presque irréel, un silence que je savoure. Avant, le bruit constant du bar, les cris, la musique étouffée faisaient partie de mon quotidien. Ici, tout est différent, tout est calme.

Je m'étire lentement et mes yeux se posent machinalement sur le calendrier accroché au mur. Le 3 octobre. Mon anniversaire. Je souffle en silence. Mes vingt-trois ans... une année de plus. Autrefois, le jour de mon anniversaire n'était qu'un rappel cruel de tout ce que je n'avais pas : une famille, des amis, des bras dans lesquels me réfugier. Aujourd'hui, ce n'est pas vraiment différent. À mes yeux, c'est une journée comme les autres, une date sans importance.

Je me lève, enfile une robe légère et un cardigan doux, et descends dans la cuisine. La maison est baignée par la lumière douce du matin, et ça me remplit d'une étrange sérénité. J'ai pris l'habitude de préparer le petit déjeuner pour nous deux.

Isabelle c'est comme ça que je l'appelle maintenant, elle avait insisté pour que j'utilise son prénom.

— Il n'y a rien de plus naturel, Sara, tu fais partie de ma vie, m'avait-elle dit un jour, en souriant.

Ce prénom qui sortait de ma bouche m'avait semblé étrange au début, comme si j'osais briser une sorte de barrière invisible. Mais aujourd'hui, c'est devenu naturel.

Je mets de l'eau à bouillir, attrape deux tasses, un sachet de thé pour Isabelle et un café pour moi. Je commence à toaster du pain, coupe quelques fruits, et sors de quoi faire des œufs brouillés.

En cuisine, j'ai appris à trouver la paix dans les gestes simples. Il y a quelque chose de rassurant dans la routine des matinées, dans la préparation de ce petit-déjeuner pour deux. C'est devenu notre rituel, un moment tranquille et précieux avant que la journée ne commence. Isabelle n'est pas seulement une patronne pour moi, elle est devenue une amie, une figure maternelle, quelqu'un avec qui je peux être moi-même.

Alors que je termine de disposer le petit déjeuner sur un plateau, je ne peux m'empêcher de repenser à la façon dont tout a commencé. À cette rencontre improbable, un matin où j'étais fatiguée, à bout de nerfs, et où je suis tombée sur elle par hasard.

Il y a un peu plus de deux ans, ma vie ressemblait à une boucle sans fin. Je passais mes journées à servir des clients dans un bar miteux, à encaisser les regards insistants, les remarques lourdes, les avances que je repoussais avec politesse mais fermeté. Mon salaire était une misère, et j'en versais la moitié à l'orphelinat où j'avais grandi pour avoir un toit au-dessus de la tête. La vie n'avait rien d'excitant. Je ne rêvais pas de lendemains, je n'avais même plus d'espoir.

Et puis, il y a eu ce jour-là. Je rentrais chez moi après un shift de nuit, les jambes lourdes et la tête pleine de pensées noires. Sur le trottoir d'en face, j'ai remarqué une femme effondrée, appuyée contre un mur. Elle semblait épuisée, incapable de tenir debout. Je me suis approchée d'elle, doucement, et je lui ai tendu un peu d'eau sans rien dire. Elle m'a regardée, visiblement surprise par mon geste, puis elle m'a remerciée avec un sourire. Ce sourire m'a touchée.

— Merci, m'a-t-elle dit. Je ne sais pas ce que j'aurais fait sans vous.

Elle m'a expliqué, d'une voix faible, qu'elle traversait une période difficile, qu'elle avait perdu sa fille récemment et qu'elle se sentait comme une étrangère dans sa propre vie. Je l'ai reconnu bien après quand elle m'a dit qu'elle s'appelait Isabelle Westwood et m'a demandé mon nom en retour. Je lui ai répondu, encore un peu hésitante.

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