Concours d'écriture #6

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Auteur: MyWorldIsYours_

   Salut, qui que ce soit qui lira cette lettre.

J'espère que ce n'est pas toi, maman. J'espère que tu ne sauras pas à propos de mon décès. J'espère qu'ils te diront que je me suis enfuie, ailleurs, dans un autre pays. Je rêvais toujours de le faire de toute façon. Alors, maman, si c'est toi qui lis, arrête-toi ici.

J'espère que ce n'est pas toi, papa. Arrête-toi aussi s'il te plaît. Ne pensez plus à moi. Oubliez-moi.

J'espère que ce n'est pas toi, Antoine. Arrête de lire s'il te plaît. Écoute ta grande sœur, pour une fois. Ne lis pas. Oublies moi.

J'espère que ce n'est pas toi, Jade. Tu as toujours eu beaucoup sur tes épaules, ne penses pas à moi maintenant. Tu étais une bonne amie, tu sais. Je viens de m'en rendre compte maintenant. À quelques minutes de ma mort.

J'espère que personne ne lira cette lettre, en fait. Personne ne saura mes derniers mots. Mikes aurait été frustré, si je vivais dans le monde d'Alaska. Il aurait voulu savoir si mes derniers mots étaient drôles, marquants, ou insensés.

Bref, je m'égare.

Peut-être que cette machine à écrire et cette feuille m'ont été données pour que je m'occupe pendant ma dernière heure de vie. Peut-être qu'ils vont brûler cette feuille après mon dernier souffle.

Pour quelqu'un qui a déjà écrit des notes de suicide, je ne suis pour autant pas plus à l'aise. Mes mains tremblent encore aujourd'hui. Mes idées se bousculent. J'ai l'impression que j'ai des milliers de choses à dire, mais, en même temps, je n'ai rien à dire. Cette lettre ne ressemble pas du tout à mes notes de suicide. Celle-ci semble plus... Vraie.

Bon, je vais essayer de retenir mes larmes. Pas besoin de mouiller la seule feuille que j'ai à disposition, n'est-ce pas ? Il y a une tâche en bas à droite, je vais tenter de ne pas en faire d'autres.

Je ne sais plus quoi écrire.

D'habitude, dans mes notes de suicide, j'écrivais les raisons pour lesquelles j'allais donner fin à ma vie. Maintenant, toutes ces raisons me semblent insensées. Enfin, elles me font toujours aussi mal au fond. Mais, j'ai comme l'impression que je peux vivre avec encore un peu. Quelques jours, semaines, mois, ou années. Cette pensée me vient à l'esprit à chaque fois que je pense donner fin à ma vie. Encore un peu, je me dis. Tout le monde à des problèmes, je me dis. Alors, j'abandonne. Je vis encore un peu. Puis, je me retrouve devant une autre note de suicide. J'abandonne encore, je vis encore, j'écris encore. Cette fois, je n'aurai pas la chance d'abandonner.

Peut-être que c'est mieux ainsi. Mes souffrances seront abrégées. Je ne vivrai plus ces moments où l'espace autour de moi semblait se restreindre. Je ne verrai plus ma respiration se couper. Je n'endenterai plus les voix dans ma tête. Personne ne me dira que je suis de trop ou pas assez.

Bref, tant mieux si je meurs aujourd'hui. Il doit rester moins de vingt minutes maintenant.

Qui que ce soit qui lit cette lettre, dîtes à ma mère que je l'aime malgré tout. Elle ne m'a pas appris à m'aimer moi-même, à être confiante. Elle a toujours demandé à ce que je change. Elle a voulu que je devienne une toute autre personne, complètement différente de qui je suis aujourd'hui. Elle ne m'a pas donné les câlins dont j'avais besoin. Elle ne m'a pas comprise, elle n'a pas essayé de me comprendre. Ma mère n'a jamais connu sa propre fille. Mais dîtes lui que je l'aime.

Dîtes à mon père que je l'aime aussi. Je n'ai jamais approuvé sa façon de nous élever. J'aurais aimé ne pas avoir peur de mon propre père. J'aurais aimé qu'il remarque mon état. Mais, dîtes lui que je l'aime.

Dîtes à mon frère que je l'aime de tout mon être. Dîtes lui qu'il est merveilleux et qu'il fera de grandes choses plus tard. Dîtes lui de sourire, parce que son sourire est la seule chose qui m'aidait à me calmer. Son sourire était la raison pour laquelle je remettais en question mon suicide. Dîtes lui que je l'aime et que je l'aimerai toujours, où que j'aille.

Dîtes à Jade que je l'ai aimé aussi. Malgré nos disputes. Malgré son manque de compréhension. Malgré le fait qu'elle a ajouté souffrances à mes souffrances. J'espère qu'elle sera heureuse. Parce qu'elle le mérite aussi.

Dîtes à toutes les personnes que j'ai pu connaître jusqu'à maintenant qu'à un moment de ma vie, je les ai tous aimés. Je les pardonne tous. J'espère qu'ils ne feront pas les mêmes erreurs avec d'autres personnes.

Je déteste la citation « on se rend compte de la valeur d'une chose seulement quand on la perd ». Je la déteste mais elle est tellement vraie. Toutes les personnes qui m'ont ignorée jusqu'à maintenant, toutes les personnes qui ont parlé mal derrière mon dos, toutes les personnes qui étaient les raisons de mon mal-être ; toutes ces personnes vont se rendre compte que je ne suis plus là. J'imagine déjà le silence qui va tomber dans la classe quand mon nom sera énoncé pendant l'appel parce qu'ils auront oublié de l'enlever. (Ils sont toujours lents à l'administration, de toute façon.) J'imagine ma voisine de table sentir mon absence définitive à ses côtés. Peut-être qu'elle va se dire « j'aurai dû lui parler tant qu'elle était là ». C'est ce que j'aurai dit si j'étais à sa place. Peut-être que le monsieur qui courait tous les matins remarquera mon absence aussi. La caissière qui me voyait chaque lundi soir à la même heure. La vendeuse dans la boutique qui me voyait sortir sans rien acheter à chaque fois. Peut-être que ma cousine qui est à l'autre bout du monde s'en voudra de ne pas avoir répondu à mes messages. Peut-être que maman s'en voudra de ne pas m'avoir accepté comme je suis. Peut-être que papa s'en voudra de ne pas m'avoir fait de câlin depuis dix ans.

Dîtes leur de profiter de leur entourage tant qu'ils sont là. Peut-être que mon départ leur fera comprendre quelque chose.

En fin de compte, je suis bien, là. Je suis bien comme ça. À quelques minutes de ma mort. Je souris, vraiment. Les larmes qui coulent sur mes joues sont seulement là parce que je viens encore une fois de me rendre compte du nombre de personnes qui vont me manquer. J'espère que je pourrai les voir d'où je vais être dans quelques minutes.

J'ai peur. Pas de la mort, non. Ça fait bien longtemps que j'ai arrêté d'avoir peur de la mort. J'ai peur pour l'Après. J'ai toujours eu peur de l'inconnu, de toute façon. Mais, je n'ai plus le choix maintenant. Le compte à rebours a commencé.

Plus qu'une ligne. Plus que quatre petites minutes. Dîtes lui également, dîtes à Samuel que je l'aim

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The WFTD Awards 2015Où les histoires vivent. Découvrez maintenant