Retour à la maison

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La semaine à l'hôpital est terminée. J'aimerais bien que ce que m'a dit Maman il y a deux jours soit faux, que ma Kate soit bien vivante et qu'elle m'accueille à la maison les bras ouverts. Mais je sais bien que c'est faux. Je sais bien qu'elle est morte, et qu'elle ne reviendra pas.

Je suis dans la voiture, sur le siège avant, à côté de ma mère. Le silence qui règne dans la voiture est ironique à point que ça pourrait en être drôle : j'ai manqué 12 ans de ma vie, et pourtant ma mère ne trouve rien à me dire.

Elle se gare devant une petite maison, assez mignonne. Je devine que ça doit être sa maison.

"Jordan est à l'intérieur ?"

"Oui. Avec le reste de la famille."

Génial. Encore une dizaines de personnes que je ne connais pas. Maman ouvre le coffre et sors mon fauteuil roulant. Je m'installe dessus et pleins de sensations désagréables me viennent.

Maman me fais rouler jusque la porte, et je décide de tourner moi même la poignée. Ce qui m'épuise le bras : je ne savais pas à quel point c'était fatiguant de bouger.

Quand j'ouvre la porte, je découvre plusieurs personnes criants "SURPRISE" surgissent devant moi.

Mon cœur fait un bond, mais je ne peux m'empêcher de sourire. Je souris parce que c'est très gentil, mais surtout parce que, contrairement aux visites de cette semaine, la plus grande partie des gens qui sont dans cette pièce sont des gens que je connais.

Il y a Papou, Grand-père et Grand-mère, Jordan, Tata Jojo, Oncle Ben, mon cousin et ma cousine (qui ont évidemment, 12 ans de plus), et les amis de Maman. Jordan est à côté d'une femme blonde, qui a l'air extrêmement douce et vive et qui porte un petit garçon de pas plus de 3 ans et qui tient la main à une petite fille un peu plus grande. Je devine que c'est ma belle-sœur et mon neveu et ma nièce.

Je passe l'entrée et je salue tout le monde de la main avec vivacité, trop de vivacité, ce qui m'arrache une petite grimace. Jordan le remarque et lance un coup d'œil à Maman.

Je dit bonjour à tout le monde, même au gens que je ne connais pas pour faire un petit effort. Quand j'ai parlé avec tout le monde, une voix me vient dans le dos :

"Tu es sûre que tu n'oublies personne ?"

Je me retourne et mon cœur saute de joie, de peur ou d'effroi, je ne sais pas trop : Johanna, Isabelle et Christina sont là, le sourire aux lèvres, et m'attendent les bras ouvert. Alors je me jette dans leur bras (tout en restant dans mon fauteuil bien sûr.).

Après une longue étreinte, je les regardent avec plus d'attention et je retiens mon souffle.

Johanna ne porte plus ses lunettes, elle à des cheveux bouclés bruns, qui vont parfaitement avec sa peau noire. L'étincelle dans ses yeux à changée, mais elle est toujours là. Elle porte une petite robe blanche très mimi, et des escarpins noirs. Elle est belle.

Isabelle a toujours ses grands et beaux yeux bleus, mais pas ses longs cheveux blonds, qui sont désormais bruns et en carrés, ce qui lui va très bien. Elle est toute mince, même trop mince. Son jean délavé s'accorde parfaitement à son tee-shirt motif loup beige, mais elle semble trop simple comparée a l'Isabelle d'avant.

Mais c'est Christina qui me choque le plus. Son étincelle à elle a totalement disparue. Elle a le regard vide, dénué de joie. Ses longs cheveux noirs lui tombe sur les épaules, elle a le visage démaquillé, ce qui est très étrange pour la Christina d'avant. Elle a prit du poids, son beau visage est un peu bouffis, ses bras son grassouillets, sans parler de ses fesses. Les 12 ans sont bien passés pour elles.

"Tu es belle" me dit-elle en me faisant un pauvre sourire.

J'aimerais lui répondre toi aussi, mais je ne lui mentirais pas.

"On a une dernière surprise" me dit Isabelle avec un regard malicieux.

Johanna me fait rouler jusque une autre pièce, et quand elle ouvre la porte, un jeune homme est assis sur une chaise face à la fenêtre. Avec la lumière je ne vois pas très bien son visage mais je devine qu'il est très beau. Ses yeux se posent sur moi.
Je connais ce regard. Je le connais par cœur même.
Ce regard, il a habité mes rêves toutes les nuits ; il m'a donné du courage, de la force. Ce regard plein d'amour qui m'a enchantée dès la première fois que je l'ai croisé. Ce regard qui a allumé mon cœur depuis que j'ai trois ans. Ce regard n'appartient qu'à une personne. Bryan.
L'amour de ma vie. Il a tellement grandi... Mais il reste le même pour moi.
Le soleil éclaire ses cheveux blonds platines, et ses yeux gris-bleus se remplissent soudain de larmes. Mon cœur s'emballe, les larmes jaillissent de mes yeux sans que je le contrôle. Si seulement je pouvait sortir de mon fauteuil roulant et lui courir dans les bras...
Je ne trouve rien à dire. Mais en même temps il n'y a rien à dire. Une seule chose me vient à l'esprit :
«Je t'aime»
«Je sais»
«Embrasse-moi.»
«Morgane écoute... Tu étais morte pendant 12 ans et... Les choses ont changés...»
«Faisons comme si rien n'avait changer. Faisons comme quand on étais sur la petite colline près du ruisseau. Embrasse-moi Bryan, je t'aime.»
Alors il s'avance vers moi, me prend par la nuque et pose ses lèvres sur les miennes. Un frisson me parcoure d'un seul coup et je plonge ma main dans ses cheveux. Ce contact me fait totalement perdre le contrôle et ma bouche goûte la sienne avec une passion ardue. Il me porte sur ses genoux, et j'ancre encore plus notre baiser en plaçant mes mains derrière sa tête. Il glisse sa bouche sur ma mâchoire puis dans mon cou. J'agrippe ses cheveux encore plus fort et il remonte sa bouche vers mes lèvres et sa langue rencontre la mienne. Ses mains me caresse le dos et agrippent mon tee-shirt.
On ne s'est jamais embrassés de cette façon... Mais ce baiser à goût de désespoir, pas de retrouvailles. Il s'est passés tellement de choses en 12 ans, et ce baiser le prouve.
La porte s'ouvre soudain et on sursaute brusquement, en détachant nos bouches l'une de l'autre.
Une femme est dans l'entrée de la porte et elle nous regarde avec tristesse.
«J'aurais dû m'en douter» dit-elle tout bas.
Je regarde Bryan et il est soudain tout rouge. Une pensée me vient à l'esprit, une pensée que j'aimerais balayer d'un revers de main. Il connaît cette femme. Beaucoup trop. Je regarde mon ancien amour, puis l'inconnue et cette pensée devient une évidence. Bryan me confirme d'une voix rauque :
«Morgane, je te présente Amy, ma femme.»

Wake me up when it's too lateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant