Chapitre 1

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"Patrick Delca était comme un deuxième père pour moi. Il a toujours été là quand les autres m'abandonnaient. Je n'en serais pas là sans lui. C'est grâce à lui et à tous les moyens qu'il a mis en œuvre que nous avons pu aller aussi loin. Il a toujours cru en moi, et ce depuis qu'il m'a vu pour la première fois. C'était un homme bon, et je regrette de ne pas l'avoir assez remercié de son vivant, alors je..."

Les larmes continuent de dévaler mes joues, je suis incapable de continuer à parler. Les bras de Chris m'entourent et m'entraînent loin du micro. Un coup d'œil à Alexis m'indique qu'il est dans le même état que moi.

Des pleurs de bébés résonnent dans l'église. Notre petite Lily a faim, mais je n'ai pas le cœur à aller la voir. Chris me laisse avec Julien pour prendre sa fille dans ses bras. Les bras de Julien m'enserrent à leur tour. Je vois Alexis prendre le micro à son tour. Je ne le quitte pas du regard, et lui non plus. Même si nous ne sommes pas de grands amis, nous étions les deux personnes les plus proches de Delca, et nous avons chacun besoin de la compassion de l'autre.

"Comme l'a dit Elsa il y a quelques minutes, Patrick Delca était sûrement le meilleur coach dont nous avons pu rêver. Il était à la fois un entraineur et deuxième père, pour moi aussi. Il nous a tout donné, il a tout fait pour notre réussite. Sans lui, nous n'en serions pas là, et je n'arrive toujours pas à croire qu'il n'est plus des nôtres. Mais, malgré tout, il a sûrement eu la meilleure mort dont il pouvait rêver, au milieu des chevaux. En tant que grand passionné, mourir loin d'eux aurait été atroce. Nous sommes malheureux de son départ précipité, mais il nous a quitté en étant heureux. Je ne l'ai jamais assez remercié, alors, merci."

Il s'éloigne à son tour, les larmes aux yeux. Alexis est plus fort que moi, il parvient à retenir ses larmes jusqu'à la fin.

Le trajet du retour aux écuries se fait dans le silence le plus total. Chris, qui conduit la voiture, ne cesse de me jeter des coups d'œil en douce, pour s'assurer que je vais bien. Mais je ne vais pas bien. J'ai perdu un être qui m'étais cher. Il était le seul à croire depuis le début en moi et Nino, même après l'accident. Les meilleurs partent toujours les premiers.

En arrivant dans son domaine, nous nous rassemblons rapidement pour prendre en main les écuries en l'absence des palefreniers, et en tattendant de savoir qui va hériter du grand haras. Nous nous partageons les différentes écuries. Quand j'entre dans celle où se trouve Nino, le silence est accablant. Comme si les chevaux étaient eux-même en deuil. On dit que les animaux ont un sixième sens pour ça, qu'ils sentent la mort.

Aucun cheval ne hennit, rares sont les chevaux qui mastiquent leur foin, et encore, ils le font sans énergie. Quand vient l'heure de les nourrir, je constate avec tristesse que certains boudent leurs rations. Nino le premier.

J'entre dans le box de mon grand cheval, les larmes aux yeux.

"Mange, Nino. Tu as besoin de force pour te remettre."

L'étalon se fige contre le mur du fond de son box et ne veut rien entendre. J'essaie même de lui mettre des bouts de pommes et de carotte dans la mangeoire, mais il ne veut rien entendre, il ne mange pas son orge et ses compléments.

Alexis me rejoint et s'accoude à la porte du box.

"Lui non plus ne mange pas ? Me demande-t-il.

- Il ne veut pas toucher à sa ration. Si seulement les pommes et les carottes suffisaient à le nourrir..."

Il ne dit plus un mot. Je me tourne vers lui et l'observe en pleine réflexion.

"J'ai peut-être une idée, lâche-t-il avant de tourner les talons et de s'en aller en vitesse."

Je reste avec Nino sans rien comprendre, et j'entreprends d'enlever la paille de la queue du grand bai. Quand Alexis revient, il a un flacon dans la main.

Cheval, emmène moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant