Chapitre II

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Je toque timidement à la porte du bureau. On me fait signe de rejoindre le groupe d'adultes, j'entre donc prudemment. La première chose que je remarque ce sont les parents de Manelle assis, blancs comme un linge, les yeux rouges et bouffis, une expression de stupeur imprimée sur le visage. Après une seconde d'hésitation, je lâche :

« Il y a un problème avec Manelle ? »

Je vois alors notre proviseur déglutir lentement, puis la mère de mon amie se jeter dans mes bras, prononçant des phrases totalement incompréhensibles dont je n'arrive pas à saisir un mot. Puis sans que je puisse comprendre ce qu'il se passe, on me fait m'asseoir. Je dois vraiment paraître interloquée car l'adjointe tente un sourire, chose rare de sa part. La discussion peut commencer.

Ensuite, ils m'expliquent la situation. Je ne ressens rien, ne dis rien. Je ne suis plus que l'ombre de moi-même. J'ai l'impression de flotter au dessus d'eux. Je ne suis pas là, ce qu'ils m'apprennent n'est qu'une illusion, je dois probablement dormir. Une fois qu'ils ont fini, je me lève sans adresser un seul regard aux personnes présentes dans la pièce, puis je m'en vais. J'oublie mon sac, mon portable, mes amis, ma famille, ma vie.

Désormais je cours. Je m'enfuis loin, le plus loin possible de cette pièce. Je veux me réveiller, la plaisanterie a assez duré. J'arrive devant une falaise. Là, je descends par une faille, tombe sur les fesses à cause de la pente raide, me relève et me précipite sur le sable blanc, vierge de toute présence vivante. C'est notre coin avec Manelle. Du moins ça l'était.

J'ai chaud. J'ai froid. Je meurs. Je suis en vie. Je ne suis plus rien... Mon monde vient de s'effondrer. Rien ne sera plus jamais pareil. Tout est fini, The End. Je m'allonge sur le sable blanc, les larmes plein les yeux, les idées floues et les jambes en compote.

Elle est partie. Elle a décidé que son heure était venue. Elle m'avait abandonnée. Tôt ce matin, après m'avoir envoyé un message, Manelle est morte. Manelle s'est suicidée. Elle avait tout préparé. Savait quand et où elle mourrait. Elle a succombé à une overdose médicamenteuse. Elle avait fait des recherches, sélectionné les bons produits.

Comment avais-je fait pour ne me douter de rien ? On était sensées tout se dire !! Elle était ma meilleure amie ! Oui, je savais qu'elle avait eu une période de blues, on l'avait eue ensemble, on l'avait surmontée ensemble ! On se complétait, je tombais, elle me relevait et vise versa...

Me noyant dans mes larmes, accablées par la fatigue, le chagrin, le doute et les remords, je me suis endormie sur la plage...

****

Il fait bientôt nuit noire. Il doit être 23h. Je vais me faire tuer par ma famille. Péniblement, je me lève, puis machinalement, comme un robot préprogrammé, je me rends chez moi. J'ouvre la porte, ma petite sœur se jette dans mes bras, le visage rouge, les joues humides. Mon père a du être mis au courant. Charline adorait Manelle. Mon père me serre dans ses bras. C'est chaud, mais je n'aime pas ça, je n'ai plus l'habitude et je me dégage. Hayden se contente de baisser la tête en me souriant de manière désolée.

Je vais me coucher. Je suis dans mon lit, les yeux écarquillés. Manelle envahit ma chambre, mon espace. Elle est partout. Elle me hante. Manelle, pourquoi ? Avant de sombrer dans un sommeil lourd et pesant, j'entends mon père au téléphone. Je distingue « Condoléances... présents à l'enterrement... jeudi... Manelle... Maxine ». Sur ce, je m'endors, le cœur serré.

Love is a fool girlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant