Chapitre VI

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«Elle était exactement comme little sister l'avait décrite. C'est vrai qu'on la voyait de loin, ce n'était pas pour me déplaire, ma tâche en serait facilitée. Wow, faut oser cette couleur de cheveux. Remarque, venant d'elle, ça ne m'étonnait pas. Je jetais un coup d'œil à la photo qu'on m'avait envoyée. Aucun doute, cette silhouette, ces jambes interminables, cette taille de guêpe, ce visage doux et grave, c'était la bonne. Seul le regard contrastait. Je ne l'avais aperçue que de loin, mais je voyais bien que la petite lueur de malice était toujours présente, mais la tristesse, la douleur, avaient remplacé la joie et l'insouciance. Elle avait littéralement tabassé un gars qui faisait deux têtes de plus qu'elle. Je ne me rappelle que ma sœur l'ait décrit comme violente... J'ai vraiment intérêt à faire gaffe moi, j'y tiens à mon visage ! Dans quelle histoire je suis en train de me fourrer moi... C'est vraiment pour toi que je le fais ma p'tite! »

Bien, bien, bien... Je vois mon père au loin, il discute avec Natty et Samuel, les parents de Manelle. Il a l'air préoccupé. Pas besoin de savoir lire sur les lèvres pour savoir qu'il parle de moi. Ce regard imprimé de déception, ce petit rictus, ces bras croisés, il ne les a que lorsque je suis le sujet de conversation. Ou lorsque c'est ma mère. Mais dans ces cas là, un voile de tristesse enveloppe ses beaux yeux gris clair. Pour le moment, ils sont durs, glacials.

Je prépare mentalement ce que je vais dire. L'excuse que je finis par trouver est tellement bidon que je n'en suis moi-même pas convaincue. Je suis très concentrée, je dois paraître normale, faire comme si rien ne s'était passé. A priori ça ne devrait pas être si compliqué que ça, c'est ce que j'ai toujours eu l'habitude de faire. Tout enfouir, essayer d'oublier.

Je marche lentement en regardant mes pieds. Pourquoi ai-je ce genre de comportement quand je me concentre ? En quoi contempler mes orteils va m'aider ? C'est sûr qu'il est très courant d'avoir une conversation constructive avec une partie de son corps... Vraiment, je suis ridicule avec mes manies.

« Max la Menace ? »

Un frisson me parcoure toute la colonne vertébrale, une espèce de courant électrique qui te glace de la tête aux pieds. Pendant une microseconde, un sourire s'est dessiné sur mon visage. Puis, il s'est effacé, et a laissé place à une grimace. Ma mâchoire s'est crispé, mes poings se sont serrés. Ce surnom, c'était celui que Manelle me donnait, après que j'ai littéralement fait pleurer la brute du collège qui l'embêtait. Mais c'est une autre histoire. Même Chris n'ose pas m'appeler comme ça, Manelle lui en aurait collé une.

La voix qui avait fait l'erreur impardonnable n'était pas celle de Manelle. Manelle ne pouvait plus, elle ne pourrait plus jamais. Non, l'imposteur avait une voix masculine, grave et suave, que Stella aurait trouvée totalement sexy. Abominablement horripilant à mon goût.

Lentement, comme un automate, j'effectue un demi-tour contrôlé, des éclairs dans les yeux. Il se tient devant moi. Toi mon coco, tu viens de passer dans ma liste noire. Môsieur est grand, très grand. A en juger comme ça, il fait 1m90 voire plus... Il a des cheveux châtains relevé en mèche, légèrement décoiffés et en bataille. Avant de lui lancer une réplique cinglante, je suis irrémédiablement attirée par ses yeux. Pas possible. Cette couleur, bleu perlé tirant vers le gris. Ces yeux, c'est Manelle. Je fais un pas en arrière, légèrement déstabilisée.

Il a l'air fier de lui. Quoi, tu crois que ton corps de mannequin et ta belle gueule vont m'impressionner ? Tu te fourres le doigt dans l'œil tellement profond que ça ressort par les oreilles ! Le genre « sourire en carton » c'est pas mon trip. Essayant d'être un maximum froide et distante, je lui lâche sans conviction.

« T'es qui toi ? Non parce que tu sais que là, tu viens juste de faire une erreur tellement monumentale qu'on va en parler jusqu'en Chine ! Et c'est loin la Chine ! »

Et il se met à rire cet idiot. Sincèrement, quelqu'un m'explique ce qu'il y a de drôle ? Quoi c'est ma face qui te fait marrer ? T'es déçu peut être, je ne suis pas une de ces pimbêches que tu fais tomber avec ton regard à la John Travolta dans Grease. Quand même, son rire est assez particulier. Je sais où je l'ai déjà entendu. Je pensais ne jamais avoir l'occasion de ressentir cette sensation en entendant un son.

Après s'être calmé, mais non sans conserver cette malice dans les yeux, Mr Jmefendlapoire me sourit et me lance tout naturellement.

« Tu vois miss, je viens pour rencontrer des gens. (A ce moment là, je n'ai pas pu m'empêcher de pouffer. On est pas sur Tinder ici) Je viens parce qu'elle me l'a demandé. Elle m'avait prévenu que t'étais un phénomène, elle n'avait pas tort. Je me suis tapé je ne sais pas combien d'heures d'avion pour arriver ici à temps. C'est pour Manelle que je suis là. Je suis son frère. »

A ce moment précis, je crois que ma mâchoire se détache de mon corps. Sincèrement, j'ouvre tellement la bouche et mes yeux sont tellement écarquillés que ça commence à devenir douloureux. Ce mec, il se moque de moi. C'est obligé. Où est la caméra ?

Love is a fool girlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant