J'ai les bras croisés, les lèvres pincées et je me balance d'un pied à l'autre. Plus cruche tu meurs. Je suis littéralement bouche bée. Je scrute mon interlocuteur de tous les côtés, l'inspecte sous toutes les coutures. Son explication est totalement tirée par les cheveux. Pourquoi Manelle m'aurait-elle caché ça ? Attends un frère c'est pas comme une photo douteuse que tu planques en douce ou un baiser volé à une soirée un peu trop arrosée. Je ne comprends pas, franchement je préfèrerai ne pas y croire.
Mais dans un sens, et c'est ça le pire, son histoire pourrait tenir la route. Ce gars, il connait notre surnom ultra mega privé. En plus, il sait qui je suis, elle lui a parlé de moi. Et ces yeux quoi, CES YEUX. Et je dois avouer que le coup des heures de vol ne m'étonne pas, il a un léger accent. Australien ? Pas américain c'est sûr. Et encore moins anglais, je l'aurai reconnu avec Charlotte.
Je fixe intensément mes pieds, essayant de trouver quelque chose à dire. Après quelques secondes d'hésitation, j'ose enfin lever les yeux. Ce n'est pas tellement qu'il m'impressionne, c'est qu'il m'a prise de court, il m'a surprise. Il a une longueur d'avance, j'aime pas ça.
Au moment où j'ouvre la bouche pour essayer de prononcer quelque chose d'intelligible, il me devance et me dit, le plus naturellement du monde. Non mais laisse moi parler oh !
« J'imagine que tu dois être surprise. Franchement, je te comprends. Je pense que je suis autant voire plus surpris que toi. Y'a pas trois jours que j'ai appris que... enfin que... Bref. (Grand regard triste, pointe de souffrance dans la voix. Donnez à ce mec un oscar je vous prie). Tout ce que je sais, c'est que lorsqu'on discutait, souvent elle parlait de toi. Alors quand on m'a appelé pour me prévenir et me demander de venir, je savais que je me devais de venir, et de te rencontrer. Voir qui était cette fille qui supportait et soutenait Man. Ah euh, et désolé si je t'ai paru un peu brusque, (place au sourire « pub pour dentifrice ») mais t'es pas commode. Et puis je t'ai vu massacré ce type à côté de l'arbre, donc j'ai préféré prendre mes précautions, tu comprends. »
Je souris, il a réussi à m'amuser ce débile. Je devais être super impressionnante tout à l'heure pour qu'une baraque comme lui fasse attention. Ou flippante, juste flippante.
« Tu sais quoi Maxine ? Je pense qu'il faudrait qu'on parle de tout ça au calme, qu'on mette les choses au clair. Je ne veux pas t'embêter, passer pour un gros lourdaud ou quoi que ce soit d'autre, je veux juste comprendre. Et peut être qu'à deux on y arrivera mieux. Bon, on va aller boire un café, un chocolat chaud, un truc comme ça, je t'invite. Tu m'attends là. Je dois aller prévenir la mère de Manelle que je m'en vais. Enfin, ma mère quoi... Ah ouais, au fait, je m'appelle Matthew. »
Là-dessus, il s'en va. OK chef, je dois t'obéir c'est ça ? J'attends qu'il s'éloigne et je me mets à pouffer. Son prénom, c'est le même qu'un présentateur américain célèbre. Je me souviens que Charline et moi le regardions, elle était petite et s'efforçait de prononcer « Matthew » correctement, mais en vain. Agacée, elle avait fini par déclarer qu'elle transformait tous les Matthew en matou, c'était plus simple. « Matthew » tu dis ? Non, non, tu t'appelleras Matou, comme les bons gros chats !
Je me mords la lèvre, me disant que je n'étais décidément pas bien gentille. Essayant de me contrôler, je les regarde de loin. Il a l'air assez mal à l'aise. Je regarde mon père. J'aurais dû le prévenir que je m'en allais. Je ne le fais pas. Chris me regarde, il comprend. Il va me couvrir. Chris je t'aime.
Voilà Matou qui revient. Je suis toute rouge, j'essaye de ne pas rire. Va falloir que je m'y fasse. Je le suis, docilement. Si ça peut lui faire plaisir de croire que je vais aller partout où il va, tant mieux pour lui. On entre dans un café. C'est un de mes endroits préférés avec les copains. Il a l'air de le savoir parce qu'il s'assoit à notre table. Ou alors c'est juste les gènes, il aime les mêmes choses que Manelle. Rapidement, il commande un grand chocolat chaud. Je me contente d'un jus de mangue. Pas besoin de quelque chose de consistant dans mon estomac. Il souffle sur sa tasse et me dit :
« Pour commencer, il faut que tu saches que si Man ne t'a pas parlé de nous, c'est parce qu'elle était pétée de trouille. Elle avait peur que sa mère apprenne qu'elle m'avait retrouvé, et qu'elle nous interdise de nous voir...
- C'est bon j'suis pas une balance, elle pouvait me faire confiance et elle le savait très bien ! On a toujours tout partagé, sincèrement j'ai du mal à comprendre pourquoi ça aurait changé !
- Max, je crois que tu...
- Bon, déjà je vais être claire tout de suite, on est loin d'être amis, on se connaît à peine, donc mon diminutif, tu peux t'asseoir dessus, capich ?
- Ok, ok. Donc, MaxINE, je pense que tu ne comprends pas bien. C'est normal, tu ne connais pas l'histoire. Pour te faire un bref résumé, disons que ma mère m'a abandonné quasiment à la naissance dans les bras de mon père. Et ensuite elle n'a plus donné aucune nouvelle. Donc, on s'est dit qu'elle ne voulait plus entendre parler de moi. Donc la discrétion s'imposait. Tu sais, c'était une vraie torture pour Manelle de ne pas pouvoir t'en parler. Elle avait l'impression de te trahir à chaque fois. Mais il faut que tu respectes sa décision. Elle a préféré te mentir pour préserver notre relation...
Je détourne le regard en me mordant les lèvres. C'est dur, très dur, de se rendre compte que la personne qu'on aimait le plus au monde, celle dont on pensait connaître tous les secrets, se révèle avoir eu une double vie. Je me sentais encore plus seule et démunie, c'est comme si une partie de moi-même se déchirait encore un peu plus...
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Love is a fool girl
General FictionMax ? On vous dira que c'est une super copine, ou au contraire une grosse sauvage. C'est une artiste ou une écervelée, au choix. On peut adorer comme détester la couleur rose arborée dans ses cheveux. Max avant tout, elle a soif de liberté, elle a...