Le feu dans leurs veines

1.2K 144 8
                                    


Je trouvai rapidement les vestiaires et m'y enfermai.

J'étais venue au gymnase très en avance, ne tenant plus en place. Une angoisse sourde poignardait ma poitrine et je ne pouvais en ignorer l'origine. L'appréhension de passer mon après-midi avec Kaleb était évidente, mais à ce point-là ?

Je n'étais pas facilement impressionnable. L'autorité, le succès, les hommes ne me faisaient pas perdre contenance. Sans doute parce que mon père et moi avions toujours formé un duo sur lequel nous pouvions compter l'un comme l'autre, plutôt que comme un parent éduquant son enfant. Être élevée par un père célibataire infirmier jusqu'à ses onze ans forgeait le caractère, m'avait appris l'autonomie, l'assurance.

Mais cela avait changé depuis l'autre soir ; je ne le réalisais que maintenant.

Cette nuit, j'avais tout fait pour maîtriser mon corps, masquer mes émotions. Ma propre réaction m'avait prise de court. Chaque gestes, chaque regards, j'en avais été consciente, dégoutée.

ses doigts repoussant mes cheveux

son souffle sur mes joues

Mon corps s'était mis à trembler et j'avais serré fort les dents.

J'étais un animal en cage dont la peur le remportait sur la raison. Mon instinct me dictait de fuir. Alors, j'avais déployé des trésors de volonté pour tout dissimuler.

Kaleb ignorait tout. Il n'était coupable de rien. Je le savais et pourtant...

Assise sur un banc dans le vestiaire vide, je renversai la tête en arrière jusqu'à sentir la fraîcheur du carrelage contre mon crâne.

Soupir.

Je ne resterais pas prisonnière de cette cage d'escalier, de ces garçons morts et enterrés. Il me fallait confronter le problème plutôt que de le contourner. Il fallait chasser cette peur primitive, cet écœurement pétrifiant à l'idée qu'on puisse me toucher.

J'avais honte. D'être marquée au fer rouge par les actes de Paulo et de ses amis et de ne pouvoir me dominer, une fois de plus. J'en tremblais de rage.

Tout ira bien aujourd'hui. Tu peux faire confiance à Kaleb.

Lève-toi, maintenant.

Et j'obéis.

Les vestiaires de l'Arène étaient impeccablement propres, tout au contraire de ceux de mon ancien lycée. Une mosaïque vert-de-gris recouvrait les murs, une odeur de savon flottait dans l'air. Sur l'un des bancs, quelqu'un avait oublié son écharpe.

Je me changeai rapidement, enfilant mes nouveaux atours ainsi qu'un sweater volé à Marina. Ce dernier était bleu marine, orné d'une large bande d'élans gris. Nous n'étions pas encore dans la période des fêtes de Noël, mais la température avoisinant les cinq degrés, l'absence de chauffage conjuguée à mon rhume attrapé la nuit dernière m'avait poussé à pourvoir santé avant coquetterie.

J'avais, pour la première fois, assisté aux cours de mon emploi du temps. De nombreuses heures se déroulaient en autonomie, le professeur guidait les travaux individuels en donnant un sujet ou bien un point à approfondir. Cette organisation permettait à l'Institut de respecter des niveaux très hétérogènes.

Durant toute la matinée, j'avais été évaluée sur tous les sujets enseignés ici : des cours de langues à la philosophie, en passant par la géographie et les mathématiques. Nombreux étaient les élèves plus jeunes d'un ou deux ans avec un niveau similaire au miens, non que cela soit dû à mes capacités d'apprentissage. L'encadrement et les programmes individualisés en étaient la simple résultante.

L'Institut FitzgeraldOù les histoires vivent. Découvrez maintenant