9. Arsène - Carlita - Yghni : How to burn your hopes

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Ils étaient restés silencieux pendant de longues minutes, qui leur avaient paru des heures. Yghni avait lentement sangloté, elle avait peur du drôle de monsieur et elle avait peur de mourir. Elle ressentait cette boule énorme, brulante, qui lui tendait le ventre ; comme les soirs où papa criait dans toute la maison quand il avait trop bu. Mais dans ce moment-là, Carlita était toujours avec elle pour la prendre dans ses bras et la rassurer. Là elle était seule avec ce petit homme un peu bizarre. Elle le regarda un instant : il était plutôt joli, avec des traits fins. Mais pour le moment, il était surtout blessé et angoissé. Elle ne comprenait pas trop le sens de ce qu'avait dit cet homme, ce ... psychopathe. Il avait parlé de vengeance, mais apparemment elle n'avait rien à voir avec elle. Sa sœur ? Carlita n'aurait jamais fait de mal à personne, c'était sa sauveuse.

La jeune fille souffla un coup.

« Putain, je comprends rien à son histoire... Je lui ai rien fait, je m'en souviens pas !
- Il faut que tu te calmes, ma sœur va bientôt arriver, elle va ...
- Elle va rien du tout ! LA FERME ! Ta sœur c'est qu'une idiote ! Elle va pas venir, c'est pas superman ! »

Yghni s'était tue, elle avait confiance en sa sœur elle. Mais pas lui. Il se recroquevilla légèrement sur lui-même et se mit à pousser des sanglots étouffés. Elle le laissa tranquille mais entendit bien vite qu'il respirait bizarrement, presque pas en fait. Il semblait gémir.

« Euh... Ça va ? »

Arsène releva la tête, il avait les yeux rouges et du mal à respirer. Il essaya de murmurer quelques choses mais il n'y arrivait pas. Merde, se dit-il, pas mon asthme...

« Respire, l'intima Yghni, tout va bien se passer ... »

Il tenta d'écouter la jeune fille et se concentra sur les battements de son cœur. Petit à petit ils se calmèrent. Il souffla un coup et se détendit ; à ce moment-là il entendit un bruit sec, comme quelque chose qu'on cognait contre du bois. Yghni aussi avait relevé la tête, ils attendirent et le bruit résonna encore. Soudain la vieille porte de bois s'ébranla et elle céda dans un grand fracas : Carlita apparu dans l'encadrement de la porte. Le ciel derrière était sombre, la nuit venait de tomber et le vent venait à nouveau de se lever. Ils se regardèrent tous les uns les autres pendant quelques secondes puis Carlita se jeta sur sa sœur, elle lui prit les joues dans les mains et embrassa son front.

« Yghni, mon Dieu, que s'est-il passé ? Tu vas bien ?
- Oui, oui, mais fais attention nous ne devons pas bouger !
- Quoi ?
- Regarde les batteries.
- Oh merde, murmura Carlita. Il faut vous détacher maintenant, on s'en va !
- Attends ! l'arrêta immédiatement Arsène. On a, on a vu le gars-là... Le psychopathe. »

Carlita ouvrit la bouche.

« Le monstre ? Avec son visage déformé ? Qu'est-ce qu'il a dit ?
- Il a dit que... Si l'un fuit, l'autre saute.
- Quoi ?
- Il a raison, intervint Yghni, il a dit qu'on ne pourrait en détacher qu'un avant que l'autre ... n'explose.
- Merde... »

La jeune femme tourna en rond dans la pièce, elle semblait anxieuse et plongée dans ses pensées. Les deux autres étaient dans une attente insoutenable. Carlita aperçut, sur un bidon d'essence, une torche ; elle la ramassa et se retourna vers Arsène

« Pourquoi ?
- J'en sais rien, il parlait de vengeance, d'un truc qu'on avait fait il y a une décennie et qu'on lui avait pourri la vie ...
- Mais on était que des gosses ! Ça va pas, ça va pas du tout, c'est pas logique. Je ne m'en souviens pas... »

Elle ferma les yeux. Puis elle les rouvrit et dégaina son couteau.

« Désolée Arsène, je dois sauver ma sœur.
- Qu'est-ce que ça veut dire ? »

Il se rendit compte de ce qu'elle voulait dire. Ses yeux s'agrandir de peur, il commença à gigoter.

« Non ! Tu peux pas me faire ça ! Vous pouvez pas me laisser là ! NON !
- Carlita, demanda Yghni en pleurs, qu'est-ce que tu vas faire ?
- Je vais tenir ma promesse d'accord ? On va s'enfuir toutes les deux, t'occupe pas de lui.
- NON, cria Arsène en bougeant partout, T'AS PAS LE DROIT DE FAIRE ÇA ! NE TOUCHE À RIEN T'AS PAS INTERET ! » Elle le regarda puis détourna les yeux, elle approcha son couteau des fils qui entravaient sa sœur. « NON !
- Désolée Arsène, murmurait- la petit Yghni. C'est pas possible. »

Carlita trancha les fils. Il y eut un petit bruit, comme un déclic. Sur la batterie à côté, un petit écran afficha un décompte.

15, 14, 13, 12 ...

« VIENS LA ON DEGAGE ! hurla Carlita en attrapant brutalement Yghni par le bras.
- NON ! VOUS POUVEZ PAS ! NON ! »

Les deux jeunes filles passèrent la porte en courant, elles ne s'arrêtèrent pas. Au bout de quelques secondes, une puissante déflagration les poussa dans le dos, elles trébuchèrent et s'étalèrent sur le sol. Yghni se retourna : elle vit le donjon, à moitié explosé, en train de brûler. Au milieu de ce vacarme, le corps décharné et calciné d'Arsène remuait encore, il tendit la main vers elle, comme un dernier espoir de survie. Mais elles ne bougèrent pas. Arsène se mit à hurler, le feu dévorant brutalement ses jambes.

Puis il y eut une seconde déflagration et le corps d'Arsène explosa, balançant ses membres ensanglantés en l'air.

Yghni hurla, Carlita lui cacha les yeux. Quand le silence revint et que la chaleur commença à leur peser, Carlita releva sa petite sœur. Il se mit à pleuvoir, le ciel était entièrement sombre, sans étoiles. La jeune femme épousseta la petite et l'obligea à la regarder dans les yeux malgré les larmes.

« Ce que j'ai fait je l'ai fait pour toi, tu comprends ? TU COMPRENDS ?
- Oui, oui ... C'est pas possible, pourquoi ?
- J'en sais rien, tout ce que je sais c'est qu'il ne s'est rien passé d'accord ? On aurait rien pu faire pour lui, on était bien trop loin pour l'aider. Nous n'avons RIEN à voir avec sa mort, d'accord ?
- Oui. Il est mort. »

Elles se regardèrent, les flammes qui s'atténuaient sous l'eau se reflétaient dans leurs pupilles. Carlita décida qu'il était temps de partir, avant que ces créatures ne reviennent ici. Elle serra dans une main le couteau, et dans l'autre le bras de sa sœur. Mais soudain, l'horloge posée sur le donjon commença à sonner sous la pression des flammes. Elles entendirent du mouvement dans la forêt en face.


Wrong place, wrong timeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant