Elle et mon attente

Parce que.

J'aurais pu ne jamais me décider à écrire, si je n'en avais ressenti l'urgence, hier, en la voyant passer à quelques mètres de moi, inconsciente de ma présence et de mes yeux rivés sur elle.

Je me souviens m'être demandé si je souhaitais ou non qu'elle me reconnaisse. Dans ma tête tournaient les aveux que je pourrais alors lui dire, à quel point elle me manque et comme je la regrette. Je l'ai alors imaginée, voyageant d'un blog à l'autre, parcourant internet et tombant fortuitement sur ce texte. Se reconnaîtrait-elle? Mieux encore, saurait-elle qui se cache derrière ces lignes? L'internet est vaste, et les chances pour que cela se produise sont bien maigres, et pourtant. Et pourtant, je me dis qu'à force de vous la décrire et de la faire habiter ce lieu que j'ai créé pour elle, et bien...peut-être trouverais-je un jour le courage de révéler ma vérité. Bien à l'abri derrière mon anonymat, ma démarche me fait penser à celle d'un adolescent romantique. Et à elle, bien des années avant que je ne la rencontre.

Elle m'avait confié un jour quelle jeune lycéenne elle avait été. Lorsque je l'ai rencontrée, elle rentrait à peine dans les études supérieures, elle se cherchait, poussée dans une formation qui ne lui convenait pas. Elle était introvertie, un peu perdue, un peu fragile. Au lycée, c'était pareil, en pire. Et elle s'était mise dans la tête que le garçon, là-bas, à côté du radiateur, avec son air d'ours endormi, lui était destiné. Elle m'avait dit ça, un peu honteuse, aimant à se moquer d'elle-même et de ses amours imaginaires. Deux ans à le regarder sans jamais lui parler. Deux ans à couvrir les pages de ses cahiers d'adolescente de déclarations tour à tour candides, poétiques, sulfureuses ou carrément gnan-gnans, ce sont ses mots. Timide et mal dans sa peau, bourrée de complexes, même dans mes bras, elle restait cette enfant perdue dans un monde qui va trop vite et où le rêve est supérieur à la réalité. D'ailleurs, quelques mois après avoir obtenu son bac, elle était allée à une soirée et l'avait croisé, cette fois, elle lui avait parlé, échangé des banalités avec lui, pour se rendre compte qu'elle n'avait rien à lui dire et que, vu de près, il n'était pas si beau.

C'était tout elle.

A présent, cela fait des années qu'elle n'est plus dans mes bras. Mais elle passe, là, à quelques mètre de moi. Et si c'est ainsi pour moi, peut-être finira-t-elle vraiment par me lire? Je crois qu'en fin de compte, je ne suis plus un adolescent depuis longtemps, mais elle est mon garçon là-bas, à côté du radiateur. Et si je n'ai jamais tenu de carnet, je peux tenir un journal, et le remplir de déclarations candides, poétiques et, pourquoi pas, sulfureuses, puisqu'on est entre adultes, à présent. Comme elle, à l'époque, je n'espère rien. J'aime juste rêver et écrire.