Le rêve

32 4 1
                                    

Avertissement : mature


J'ai été heureux d'avoir de ses nouvelles, inopinément, comme ça. Elle est revenue aussi vite qu'elle était partie et m'a fait penser à un éclair. Chacun de ses passages dans mon univers est foudroyant. La lumière est brève et immédiate, puis le tonnerre gronde encore longuement après son départ. Il y a quelque chose de surnaturel dans ce qu'elle m'évoque. J'aime la convoquer dans mes rêves car il n'y a qu'en eux qu'elle demeure fixe, lumineuse et silencieuse.

Cette fois-ci, elle est tombée près de moi, et je lui ai donné rendez-vous. Pour que nos échanges ne soient plus fantasmés, pour la voir encore une fois, face à moi et rien que moi. Qu'elle ne soit ni fuyante ni entre deux portes, qu'elle ne puisse pas s'échapper. J'ai essayé de laisser là l'invitation et de vivre ma vie en attendant que l'heure H n'arrive. J'ai essayé de ne pas y penser. De ne pas me demander, encore et encore, ce que nous allions faire. J'ai tenté, vainement, de ne pas l'imaginer. De quoi allions-nous parler ? Comment réagirait-elle ? Aurait-elle changé ? Qu'allait-elle provoquer en moi ? Pourrais-je rester indifférent ? Je la savais belle, en jouerait-elle ? A force d'éviter les questions, elles me sont toutes venues, elles se sont toutes installées dans ma tête. Des images les ont remplacées, des scénarios, des histoires. Je l'ai vue s'avancer vers moi, sublime et irréelle, son sourire franc, ses longs cheveux, ses grands yeux. J'ai senti son parfum lorsqu'elle s'est penchée pour me faire la bise. A cet arôme, mon corps a commencé à prendre le contrôle sur ma raison. Elle s'est mise à marcher devant moi, pour me guider dans les rues de Paris et m'indiquer son bistro favori. En la détaillant, je me suis arrêté sur l'attache de ses épaules, si fine, sur sa peau dorée par le soleil du sud, sur sa poitrine, ses pleins et ses creux, ses hanches et ses jambes. A cet instant, j'atteins un point de non-retour.

Je lui ai saisi le bras, en douceur, pour qu'elle s'arrête de marcher et que finisse l'errance. Elle m'a regardé et à son sourire, j'ai compris qu'elle savait tout de moi. Je lui ai parlé d'un appartement pas loin, et elle a hoché la tête. En une seconde, nous y étions. L'instant d'après j'étais assis sur un fauteuil et elle debout. Que portait-elle dans la rue ? A présent, elle n'avait qu'une robe en soie fluide d'une couleur indéterminée, probablement noire pour l'élégance...ou blanche, pour trancher avec l'ambre de sa peau. Je lui ai dit de se déshabiller lentement, pour que je savoure sa présence retrouvée. Un corps peut-il réellement changer ? La robe s'est mise à glisser et je l'ai vu se déployer, ce corps splendide enfin révélé. Je lui ai demandé de tourner sur elle-même, de s'avancer, de s'éloigner, incertain, timide soudain. N'osant plus aller au-delà.

Le train qui tonne, les sonneries, le brouhaha constant, je suis sur une banquette rêche qui file sous terre, entouré d'inconnus. Les minutes s'égrènent et me rapprochent d'elle. J'évite mon reflet dans la vitre. La voici qui réapparaît. Je me suis levé de mon fauteuil, et je me suis approché, elle m'a laissé venir en soutenant mon regard. Elle est fière de ce qu'elle provoque en moi. J'ai posé ma main sur sa peau chaude comme un soleil. Je lui ai pris sa bouche et j'ai eu l'impression de retrouver une vieille amie. Je l'ai sentie frissonner et fondre sous mes doigts. Ma peau s'est embrasée à son contact.

Elle s'abandonne entièrement et se donne plus qu'elle ne s'est jamais donnée. Ses baisers sont l'incendie et l'eau qui l'éteint. Elle se glisse contre moi, je sens ses lèvres chercher et trouver. S'attarder et remonter. Sous mes caresses son corps se tend, ses seins durcissent lorsque je passe ma langue dessus. Je l'ai attirée sur un lit apparu du néant. Son image est au-dessus de moi, fiévreuse magnifique. J'ai envie de plonger en elle, de m'y engouffrer, de la sentir s'ouvrir comme une promesse jamais rompue. Elle est là, dans toute sa splendeur, me regarde de haut, ses yeux n'expriment que le désir. Je glisse en elle presque brutalement et je la vois s'arquer de plaisir. J'aime cette chaleur, j'aime être en elle, j'aime ses mouvements doux, longs, secs, rapides. J'aime sa façon égoïste de poursuivre ses sensations pour qu'elles lui offrent enfin ce qu'elle ne cesse de chercher. J'aime sa voix au plus fort de notre étreinte. Je ne veux pas que cela se termine.

Plus que deux stations et un message de sa part m'informant qu'elle m'attend à l'endroit convenu. Les brumes de mon rêve se dissipent sans que je cherche à les rattraper. La dureté du jour, fût-il gris, m'aveugle légèrement à la sortie. Je la vois de loin, installée sur les marches d'une église. Elle fouille dans son sac. Le vent soulève ses boucles. Je la distingue à peine mais je sais qu'elle est plus belle encore que dans mes rêves et mes souvenirs combinés. Elle n'est encore qu'une silhouette et l'on devine déjà qu'elle est belle. Simplement belle. Un eyeliner en virgule sur ses yeux de biche, des lèvres rouge mat comme un pétale de rose, les boucles mutines soigneusement coiffées avec une barrette sur un côté, pour faire discrètement pin-up. Un débardeur gris qui s'accroche et s'évase où il faut, rentré dans un jean noir retenu par une ceinture fauve. Simple. Recherché. Elle est tout et son contraire et elle semble sincèrement heureuse de me voir. Son parfum lorsqu'elle me fait la bise me renvoie confusément à mon rêve. Elle me propose deux bars, j'en choisi un au hasard. Nous avons une heure devant nous. Elle commandera un demi-blanc et moi aussi. J'offrirai de payer mais elle me devancera. Je lui dirai les prochains sont pour moi et elle me regardera avec son sourire un peu tendre, un peu étonné, toujours franc, qui veut dire : tu as intérêt.


Elle et mon attenteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant