And now my memory won't let me sleep

Chapitre 2 : Spark of Joy

Si nous survivons à cet enfer, pourrons-nous un seul jour l'oublier  ? Aurons-nous le droit de revivre comme des gens normaux  ? Peut-on gommer la part de mémoire qui trouble l'esprit  ? - Marc Lévy, Les Enfants de la Liberté.

Chapitre deux

J'ai su plus tard qu'il s'appelait Park Jimin. Je le retrouvais, quelques fois, dans ce café désertique. Nous parlions rarement. Nous regardions simplement le monde d'un œil différent lorsque nous étions ensemble. Nous nous tenions compagnie, entre abîmés par la vie. Un jour, il m'a proposé de me réinscrire au lycée.

«  C'est sympa, le lycée. Les adultes disent que c'est la plus belle période de notre vie. Il y a les potes, les filles, les soirées... Les cours aussi, mais ça tu peux le laisser de coté. L'adolescence. C'est cool.

– Bof. J'ai raté pleins de cours. Je suis pas sûr d'être au niveau, répondis-je.

– T'auras qu'à te mettre à côtés des intellos. Si tu as de bons yeux, bon bulletin assuré.

– C'est ce que tu fais  ?

– Quand je suis dans ma mauvaise période.

– T'as tes règles  ? Moi qui pensais que t'étais un mec  !  »

Un sourire a illuminé son visage rond, plissant ses grands yeux noirs. Un sourire que j'avais déjà eu l'occasion d'entr'apercevoir, mais qui me procurait toujours autant de joie.

«  Inscris-toi dans mon lycée. Je t'aiderai à t'intégrer. Promis.

Je le croyais, sans le connaître. Il aurait pu être un cannibale affamé, je serais tombé dans ses bras. Une confiance s'était installée entre nos deux êtres brisés.

Mes insomnies étaient moins pénibles depuis que je le connaissais. Il était le seul capable de me faire oublier mon passé en l'espace de trois heures. Nous ne parlions jamais de nos vies, seul l'instant présent importait. Nous jouions aux philosophes en carton, soucieux de l'avenir et haineux envers le passé trop présent dans nos vies. Mais malgré nos habitudes, j'avais terriblement envie de connaître quelle était la source de ses larmes et de ses absences. Je me disais que, peut-être, son lycée m'apporterait cette information.

*

«  Ici, c'est la salle des profs. Interdite aux élève. La cafeteria est au bout du couloir. Ici, les salles de sciences. Ici...

Je n'en avais strictement rien à faire. Je cherchais Jimin des yeux. Je ne l'avais jamais vu en journée. Était-il la même personne  ? Il semblait heureux, lorsque je lui ai annoncé que je m'étais inscrit dans son lycée. La surveillante avait l'air encore plus blasée que moi, ce qui avait le don de m'endormir.

«  Je vais t'emmener à ton premier cours. C'est... Maths.  Normalement, c'est par là... Ou là... Je sais plus trop en fait...

Oh oui, elle ne connaît même pas son lieu de travail  !

Les élèves qui s'agglutinaient dans chaque coin me dévisageaient, me lorgnant d'un œil surprit. Les filles chuchotaient à mon passage, les garçons s'interrogeaient entre eux, pour savoir dans quelle classe j'allais atterrir. La jeune femme s'arrêta enfin près d'une salle remplie. Je n'y prêtais guère attention, tant j'étais obnubilé par la possible absence de Jimin. Ses grands yeux me manquaient déjà.

Dans la classe, les visages se retournèrent vers moi, provoquant un vague sentiment de malaise en moi. Ils n'avaient jamais vu de nouveau  ? La professeure m'invita à prendre place au tableau, à mon plus grand regret. Elle sortit son baratin habituel, priant les élèves de bien m'intégrer, et me demanda de me présenter.