Chapitre 6 : milkshakes and him.

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Toujours préférer le mensonge rassurant à la vérité dérangeante. - Peter Hoeg

Chapitre six



Plus que trois minutes avant qu'il ne soit trois heures du matin.

J'avais décidé de prendre deux milkshakes. Un pour lui, un pour moi. Je détestais ça, mais lorsque Jimin en buvait, ça avait l'air délicieux.

Il passa la porte, sa capuche repliée sur sa tête, et boitant du pied droit. Je renonçai à lui demander des explications, sachant à l'avance qu'il me sortirait une excuse toute faite. Il me salua de la main, et vint s'asseoir à notre table.

Lorsqu'il retira sa capuche, je pus voir que son hématome était toujours là. Mais je ne demandai pas à quoi il était dû.

« Hey, bonhomme.

Un minuscule salut sortit de ma bouche, à l'instant où je remarquai que j'avais perdu toute confiance en lui, à la suite de son mensonge flagrant. Je détestai les mensonges presque autant que les milkshakes.

« Tu voulais me parler ? Demandai-je.

- Ouais... Je... C'est pour moi ? (Il pointa le milkshake du doigt. Je hochai la tête.)

- Donc ?

Il arqua un sourcil en buvant.

« T'es bien impatient.

- J'ai envie de savoir au moins une chose vraie sur toi.

- Ça veut dire quoi, ça ?

Je me crispai. J'avais tout, sauf envie que des doutes s'installent entre nous. Notre relation partait pourtant du bon pied...

« Je sais que tu m'as menti sur Tae Hyung, dis-je d'un ton empli de colère, tout en gardant mon calme. Vous le connaissez.

- Et ? C'est pas une bonne fréquentation, si tu veux mon avis.

- Je sais.

- Il t'a parlé ?

- Oui.

- Et... Vous vous êtes dit quoi ?

J'hésitai. Quelques jours plus tôt, je lui aurais tout dit, mais aujourd'hui, le doute planait. J'avais peur de me confier à la mauvaise personne. Et si c'était lui, la mauvaise fréquentation ? Après tout, il me prenait pour son psy, et me confiait tous ses problèmes implicitement, pendant que j'attendais sagement qu'il me demande de parler.

« Il m'a invité à la fête de Nam Joon. J'ai dit non.

- OK. C'est cool, t'as bien répondu. Tu serais revenu complètement bourré et défoncé.

- Comme toi, il y a deux jours ?

Un blanc s'installa. J'avais touché un point douloureux, pour une fois.

« Mmh. Mais je savais pas que c'était lui qui organisait, pour ma défense. Sinon, j'y serai jamais allé, se défendit-il. C'est pas des bonnes personnes.

- Je sais. Est-ce qu'un jour... Tu me diras ce que tu me caches ?

- De quoi tu parles ? (Il fuit mon regard, plantant le sien dans son gobelet vide.)

- Tu le sais. Pourquoi tout le monde a peur de vous ? Pourquoi tu t'es fait frappé ? Pourquoi tu restes toujours vague quand je te pose ce genre de questions ?

- Parce que je t'aime bien. Tu vas faire comme les autres...

Sa voix partie dans un sanglot alors qu'il posait sa main pour cacher ce qui devait être pour lui un acte de faiblesse. Même si ses cris m'avaient surpris, j'étais compréhensif. Je ne savais tout simplement pas où j'allais, ce qui m'effrayait.

« Tu vas te barrer, quand tu sauras... Quand tu sauras ce que j'ai fait...

- Mais putain, Jimin ! Est-ce que c'est si grave que ça !?

Il envoya valser son gobelet de plastique et tapa du poing sur sa table. Je remerciai silencieusement le ciel que le patron n'ait pas été là pour voir ce geste irrespectueux.

« J'veux pas en parler ! Tu sauras quand tu devras le savoir !

- Quand je serai en danger !?

Il se tut. Je m'étais emporté malgré moi, et je le regrettai. Il était la seule personne que j'avais, je ne voulais pas gâcher ça.

Alors je changeai de sujet, bien que la peur se soit emparée de moi. Je ne voulais pas en savoir plus pour le moment.

« De quoi tu voulais me parler ?

Quelques minutes passèrent. Une veine ressortait sur sa tempe, signe de la colère qu'il contenait. Puis il ouvrit enfin la bouche.

« Les autres... S'ils m'évitent, c'est parce que j'étais pas la personne que tu connais, il y a trois ans. (Je hochai doucement la tête.) C'est un petit quartier. Au collège, j'étais ce genre de mec... Le genre de connard qui frappe... Qui insulte, sans raison... Qui... Le genre de vrai connard. Après un événement... traumatique... J'ai changé. Je suis devenue un mec plutôt bien. Mais au lycée, on se connaissait déjà tous. Mes erreurs m'ont suivi... Ils pensent tous que je suis toujours un enfoiré, mais j'ai changé. Pour de bon.

J'acquiesçai. Que de mensonges, qu'il passait son temps à déverser sur un adolescent. Que pensait-il ? Que j'allais croire à tout ça ? Avec le temps, je suis devenu capable de deviner à peu près lorsque quelqu'un ment. Pas dans le style détecteur de mensonge, je vous rassure. Mais les mensonges se voient dans les yeux. Et même si j'admettais que Jimin était plutôt bon menteur, je voyais bien que ce n'était pas la vérité. Il me cachait encore et toujours quelque chose, et il croyait me croyait bête au point de ne rien voir. Mais je décidai de jouer à son jeu.

J'acquiesçai encore une fois. Ma main se posa sur la sienne, accrochée à l'autre. Une larme atterrit sur ma main. Sûrement parce qu'il s'en voulait de me mentir.

Du moins, je l'espérais.

« Je vais devoir y aller. J'ai oublié de faire un devoir. On se voit demain.

Mon cœur se serra. Je détestais les mensonges, mais j'étais moi-même un menteur... J'étais pressé de partir, de ne plus supporter le fait de savoir et de faire croire.

Je m'enfuis par la porte d'entrée avant même qu'il n'ait pu me dire au revoir.


And now my memory won't let me sleepOù les histoires vivent. Découvrez maintenant