Chapitre 13

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Je me relève et je me dis parfois que le passé est une fiction, qu'on peut en faire table rase, qu'on peut bâtir sur des ruines, et vivre sans fondations. Il m'arrive aussi de penser le contraire. - Oliver Adam

Chapitre treize




L'obscurité, son quotidien. Il s'était perdu dans les enfers, et il ne retrouvait plus son chemin. Deux ans. Deux longues et amères années s'étaient écoulées. Il ne se passait pas un jour sans qu'il ne se remémore les coups de poings qu'il avait écrasés contre des visages innocents. Ou encore, les insultes qu'il avait proférées à l'égard de personnes qui ne lui avaient rien demandé. Ou bien, le sang. Le sang, qui coulait en abondance de la voiture. Sa joue écrasée contre le carreau brisé, ses mains agrippant le volant noir, l'éclat de verre enfoncé dans son bras droit... À coté de lui, Nam Joon, inconscient. Il revoyait parfaitement son corps sur le siège passager, ainsi que ses mains rouges, et sa jambe dans laquelle une des bouteilles qu'il avait tenu à emmener s'était insérée. Sa vision était floue, cette nuit-là. Mais il n'oubliera jamais, ô grand jamais, le corps sans vie de Chan Jin, qui avait été propulsé entre les deux sièges pendant le choc. Et cet immense arbre, planté devant eux, non plus.

Chaque chose qu'il voyait lui rappelait l'accident. Dans chaque passant vivait un Chan Jin, pour lui. Dans chaque voiture somnolait une faucheuse, prête à surgir et faucher, faucher, et encore faucher.

Il savait que rien au monde ne l'aiderait. Pas même les pilules posées sur sa table de nuit. Il avait droit, tous les jours, au regard déçu de sa mère. Plus que de la déception, c'était toute la haine du monde qu'il voyait en elle. Contrairement à ce que pensait Jin, Jimin avait tant perdu...

Ce qu'il ne savait pas, c'est qu'il avait aussi énormément gagné. Un garçon prêt à tout pour l'aider se tenait non loin de son téléphone, priant intérieurement pour que son aîné daigne enfin lui donner un signe de vie.

Cela faisait désormais une semaine complète que Jimin avait décidé de fuir chacune de ses responsabilités. Il était fatigué. Fatigué de devoir se remémorer, chaque nuit, chaque jour, l'accident dont il était en partie responsable. Fatigué de devoir regarder JungKook dans les yeux tout en sachant qu'il ne serait probablement jamais capable de lui conter son histoire. Fatigué de devoir être une personne qu'il haïssait plus que tout au monde. Et puis, fatigué de voir en Yoongi une personne qui le détestait mais qui agissait comme s'il l'aimait énormément. Fatigué de ces mensonges, ces plaintes, ces douleurs.

Il se tenait debout, dans sa chambre spacieuse. De l'autre côté du mur, il entendait ses parents rire à gorge déployée. Il entendait leur bonheur, en dépit de son malheur omniprésent, et ça lui faisait encore plus mal.

Devant lui, une feuille immaculée et un stylo. Une lettre de suicide, ou une lettre d'aveux  ? Tout le monde savait ce que le fils Park avait fait, alors ce n'était définitivement pas une lettre d'aveux.

Il hésitait, rangeait, triait les mots pour qu'ils forment des phrases, pesant ces mêmes mots un à un pour qu'ils parlent assez sans faire mal.

Il avait son commencement  ; il écrivit donc.

Cher Jimin,

Tu es une ordure. Un déchet. Et personne ne s'intéresse proprement à toi.

Tes parents, qui auraient dû t'aider à traverser cette épreuve difficile, ce deuil et ces charges immenses pesant contre toi, rient en ce moment-même, se délectant du bonheur qui leur a été offert, pendant que tu te morfonds tout près. Tes parents, qui n'osent plus porter un regard sur ce fils qui les a tant déçus, vivent comme si de rien n'était.

And now my memory won't let me sleepOù les histoires vivent. Découvrez maintenant