Partie 6

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Tous deux s'étendirent sur le lit, hors d'haleine, bras et jambes enlacés. Pour Eddy, l'éblouissement éprouvé se dissipait. « J'aurais dû me protéger, se dit-il machinalement. Je le fais toujours. Ce n'est pas parce ce mec est étroit qu'il n'a pas baisé avec d'autres. La prochaine fois, je mettrai une capote.» La prochaine fois. Il n'y en aurait pas. Si craquant que soit ce petit mec, s'en encombrer signifiait les emmerdes assurées. Mieux valait profiter du moment présent. Carpe diem. Il resserra son étreinte et demanda à Al :

« Ta première fois t'a plu?

— Oh ! oui ! C'était...géant.

Ses joues avaient pris une teinte chaude. Eddy s'en amusa. Ce satané gamin et ses pudeurs de puceau ! Il les perdrait vite. Comme pour lui donner raison, Al effleura sa poitrine d'une main d'abord timide, puis de plus en plus assurée. Ses doigts s'emmêlèrent dans les boucles de sa toison, taquinèrent ses mamelons.

« Mmmm...j'adore ça, murmura Eddy, traversé de petits picotements. Continue !

Lui-même prit le sexe d'Al dans ses paumes et le réchauffa, tel un oisillon. De minuscule et attendrissant, il devint gros et vigoureux. Eddy fut saisi d'une impérieuse envie de l'avoir entre ses fesses.

« Veux-tu me rendre ce que je t'ai donné ? demanda-t-il à Al.

— Mais...

— Tu n'en as pas envie ?

— Si, bien sûr, répliqua Al avec véhémence. J'ai simplement peur de mal m'y prendre.

— Quelle idée ! Je ne te jugerai pas.

La voix d'Eddy s'enroua tant son impatience était grande. Il se retourna pour se mettre sur le ventre, offrant à son jeune partenaire un derrière qu'il savait irréprochable. Les heures passées dans des salles de sport n'avaient pas été vaines. Les mains d'Al palpèrent ses fesses ; il semblait hésiter. « N'aie pas peur d'y aller ! chuchota Eddy en écartant les lobes musclés. Je suis large. »

Al obéit, poussa sa verge dans l'orifice anal, rendu élastique par les multiples passages d'organes de tailles différentes. Eddy avait un faible pour les grosses bites, mais celle-ci, bien que moyenne, lui donnait l'impression d'être rempli entièrement. Ses va et vient étaient rapides ; trop à son goût. Il le signala à Al qui finit par trouver la bonne cadence. « Il apprend vite, se dit Eddy, puis il ne pensa plus. Chaque assaut envoyait dans son ventre des salves de plaisir. La puissance de son orgasme le surprit. D'ordinaire, il n'était pas aussi violent, même avec un nouveau partenaire. Les mouvements d'Al se firent de plus en plus désordonnés. Encore quelques coups de reins et le garçon expulsa sa semence en gueulant comme un âne. Il s'allongea sur Eddy, son torse adhérant au dos musclé. Les deux hommes, vidés, s'endormirent.

Ils s'éveillèrent presque en même temps au milieu de la nuit, avec une trique du tonnerre dont chacun fit profiter l'autre largement.


Le bruit d'une voiture qui démarrait ne suffit pas à arracher Al au bienheureux ensevelissement du sommeil. Lorsqu'il s'en extirpa tout à fait, la matinée avait l'air bien avancée. Heureusement, ce n'était pas jour de marché. Quelle nuit, mes amis ! Grâce à Eddy, il avait appris plus sur lui-même en quelques heures qu'en dix-neuf ans d'existence. Il l'avait sucé et branlé et en retour, avait été sodomisé une seconde fois. Son anus lui faisait mal, mais peu importait. Il se rejeta sur les oreillers et ferma les yeux béatement. L'absence d'Eddy à ses côtés ne l'inquiétait pas ; le garagiste avait promis de venir tôt. Il renifla les draps imprégnés de l'odeur virile et caressa l'empreinte laissée par le grand corps. Dieu que ce mec était bien foutu ! Pas un poil de graisse et des poils blonds et doux un peu partout. Al se demandait comment il se comporterait au petit déj. Feindrait-il l'indifférence ou afficherait-il leur relation devant son ami ? Al craignait une réaction réprobatrice de la part de Tutbury.

Ses yeux tombèrent sur la chevalière à son doigt : une indéniable preuve d'amour. Et lui ? Aimait-il ce londonien si beau et si raffiné ? Il ne pouvait pas se prononcer car il le connaissait à peine.

Il se leva et passa sous la douche. Tout en se débarrassant des sécrétions intimes, il réfléchit à ce qu'il dirait à Eddy. « As-tu bien dormi ? » lui paraissait stupide, vu qu'ils avaient consacré la nuit à baiser. Après avoir enfilé un jean et un tee-shirt propre, il descendit. Un silence complet régnait au rez-de-chaussée ; la cuisine était déserte, le salon aussi. Al remonta à l'étage et trouva également vide la chambre où Tutbury avait dormi. Le lit avait été refait au carré. Saisi d'un pressentiment, Al se rua dans la cour, la Jaguar avait disparu. Il réalisa qu'il ne connaissait rien d'Eddy, ni sa profession, ni son adresse à Londres. Quel crétin de ne pas lui avoir demandé !

Il tâcha de se recentrer sur ses tâches quotidiennes : la traite des vaches, les soins au potager. Eddy avait dû se rendre au garage, il serait de retour sous peu. Il ne pouvait pas le larguer après de tels moments.


La pluie tombait à nouveau à seaux et son vieux avait enfin dessaoulé. Il avait titubé jusqu'à la cuisine et avait ouvert le frigo : « Dis-donc, avait-il observé, y avait pas un roastbeef là-dedans hier ?

— Si, mais nous avons eu...des invités.

Peter Brackmear avait levé sur son fils un regard incrédule. « Sans blague ? Tu charries ! Qui peut bien venir à Shoulton ?

— Des voyageurs de passage. Ils avaient un ennui mécanique.

— Et tu leur as donné à bouffer. Bravo ! Avec cette bidoche, on aurait pu aller au bout de la semaine.

— Si tu veux savoir, avait lancé Al sur un ton de défi, je leur ai aussi offert le gîte.

La pensée d'Eddy le soutenait, lui insufflait le courage de répondre à cet ivrogne. D'habitude, il s'écrasait. Sans attendre la réaction de son paternel, il fila dans sa chambre. Le papier sur le plancher tout près du lit attira de suite son attention. Pourquoi ne l'avait-il pas remarqué ce matin ? Sûrement, Eddy y expliquait les raisons de son départ précipité. Soulagé, Al ramassa le message et le déplia.


Archie avait jugé suspecte la hâte de son ami à partir une fois la batterie neuve posée. La veille, Eddy ne semblait pas si pressé de rejoindre son vieux croûton de grand-père. Juste avant d'arriver à Lyme Hall, il osa enfin demander :

— Comment t'es-tu dépatouillé de la situation ?

Pas de réponse. Archie insista : « Toi et le gamin avez bien passé la nuit ensemble, non ?

— Oui, et alors ? Je ne lui dois rien.

Le ton rogue surprit Archie. « Non, bien sûr, dit-il.

— Si ça peut te rassurer, je lui ai laissé une lettre.

— Où tu lui dis quoi ?

La voiture fit une embardée. Eddy lâcha un juron et la ramena sur la route : « Merde ! Mêle-toi de tes affaires ! rugit-il. Est-ce que je fouine dans ta vie privée ?

— Je ne t'ai jamais vu dans cet état, Vieux.

— Je vais très bien. Ce contretemps m'a énervé, c'est tout.

Cette obstination à nier l'évidence arracha un soupir à Archie. « Tu veux dire, la panne ou l'aventure avec Al ?

Un événement imprévu m'oblige à rentrer précipitamment à Londres. Merci pour ton accueil et ta gentillesse. À un jour prochain, peut-être. Voilà la teneur de ma lettre. Tu es satisfait ?

Ta prose est un peu abrupte et le « peut-être » risque d'entretenir des illusions chez ce pauvre petit.

— Le pauvre petit se consolera vite.

Archie n'en était pas si sûr, mais il garda pour lui ses réflexions. Les pignons du manoir ancestral étaient en vue. Les grilles franchies, la jaguar s'engagea dans l'allée et pila net devant le perron dans un crissement de pneus.



Mets-moi en émoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant