Archie dit, à tout hasard :
« Je cherche ma nièce. Vous ne l'avez pas vue ?
— Si ; à l'instant, sur le banc de pierre à côté de la petite fontaine – de sa main libre, Felicity désignait la partie droite du parc –. Elle était avec ce garçon...le jeune secrétaire de lord Lyme.
— Albert.
— Oui, c'est ça. Ils écoutaient de la musique, baladeur aux oreilles. »
Archie éprouva un soulagement mêlé à de la déception. S'y ajoutait un sentiment de ridicule. Dieu merci, Felicity ne se doutait de rien. Il tenait à son estime, sans trop savoir pourquoi. Elle n'était somme toute qu'une vague relation croisée dans les cocktails et les vernissages : en aucun cas une intime. Suivit un long silence. Archie se décida à relancer la conversation. Pure politesse ou intérêt réel ? Il ne le cernait pas bien.
« Je n'ai pas vu Lord Lyme aussi heureux depuis longtemps, dit-il.
— Pour être franche, je n'étais pas très chaude pour le publier. Ce genre de livre est en dehors de ma ligne éditoriale. Mais Edwin a tellement insisté...
— Je comprends. Difficile de refuser un service à un ami. »
Une remarque anodine, qui provoqua chez Felicity un certain embarras. Même s'il ne distinguait pas ses traits, Archie percevait son trouble.
« Tout dépend du service, fit-elle d'une voix sourde. Edwin vient de m'en demander un autre d'un genre bien différent.
— Lequel ? si je ne suis pas indiscret. »
La curiosité le tenaillait. Il discernait chez la jeune femme un désir de se confier, mais aussi des réticences.
« Vous pouvez me parler sans crainte, la rassura-t-il, avec l'impression de tenir le rôle du confesseur.
— Je sais ; vous êtes quelqu'un de bien. »
Ce compliment spontané mit du baume au cœur meurtri d'Archie. Le départ de Stephen l'avait laissé pantelant. Il était loin d'être guéri. La preuve ; il avait à peine prêté attention au serveur costaud.
« Edwin m'a proposé de l'épouser, dit Felicity tout à trac.
— Mais... »
Archie était si estomaqué qu'il ne put en dire davantage. Felicity poursuivit d'un ton apaisant :
« Bien entendu, il ne s'agirait pas d'un vrai mariage ; seulement d'un arrangement qui satisferait les deux parties, selon lui.
— Et selon vous ?
— Eh bien ! Je suis perplexe. Jusqu'ici, j'ai mené ma vie en solo ; mes liaisons n'ont jamais duré longtemps.
— Les miennes non plus. »
Archie était moins gêné que tout à l'heure. L'effet de l'obscurité ou la sensation d'avoir rompu la glace. En revanche, le projet d'Eddy suscitait en lui de l'irritation. Il la jugeait stupide et égoïste, limite choquant.
« Ce doit être encore plus difficile pour vous, observa Felicity d'une voix douce.
— Oui. »
La jeune femme avait avancé d'un pas. Des bouffées d'un parfum aux arômes vanillés parvenaient à Archie.
« Edwin et moi vivrions sous le même toit, avec des chambres séparées, expliqua-t-elle. Il n'interférerait pas dans mes relations, ni moi dans les siennes.
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Mets-moi en émoi
RomanceEdwin Merinvale collectionne les conquêtes et oublie aussitôt ses partenaires. Aussi, lorsqu'il retrouve l''un d'eux, le jeune Al Brackmear, devenu le secrétaire de son grand-père, a-t-il l'impression de le découvrir. Mais méchamment largué un an pl...