Chapitre 11

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Je n'échapperai pas aux reproches de la reine, je le sais. Mais je peux encore les limiter et avoir des éléments à mettre en valeur pour ma défense. Et pour cela, il faut que je trouve James d'Essex. Je cherche du regard le fiancé que Victoria II souhaite me voir approuver. M'étant imprégnée de photos de lui avec Elizabeth au cours des jours précédents, je le reconnais facilement : grand, musclé et bronzé, il porte un costume noir et bien coupé, avec une chemise rouge assortie au blason de la maison d'Essex, brodé sur sa veste. Victoria II n'avait pas menti quand elle avait promis aux autres clones et à moi un jeune homme plutôt bien fait de sa personne.

Il me reste à trouver un moyen de lui parler, ce qui constitue un écueil de taille. Je ne sais pas comment m'y prendre avec les garçons. Et j'ai du mal avec les relations humaines en général. Vivre enfermée dans un bunker la plupart du temps doit être un facteur aggravant de ma timidité naturelle... Même si je l'apprécie peu par ailleurs, j'aurais bien besoin, en cet instant, des conseils d'Amy, notre experte en conversations.

Je fais quelques pas vers le comte, mais il m'est impossible de l'atteindre : dès que je m'éloigne d'Alexander, je suis assaillie par un essaim de journalistes qui attendaient que je sois seule pour essayer de me poser toutes les questions qu'ils n'ont pas eu le temps de formuler pendant la conférence de presse. Ils savent bien que ce n'est plus le moment, que je serais tout à fait dans mon droit si je les chassais, mais ils ont de la chance : après ce qui vient de se passer, je ne peux pas me permettre de les dédaigner. Je leur réponds donc patiemment.

Ensuite, c'est Melyna qui m'accapare : elle tient à me faire faire des selfies avec des personnalités publiques présentes afin d'avoir du contenu viral à partager sur l'application de la princesse et sur les réseaux sociaux.

Lorsqu'elle me laisse enfin tranquille, je me poste dans un coin de la salle, un verre à la main, le temps de reprendre mes esprits. La chance me sourit, car James d'Essex s'approche de moi spontanément. Ou peut-être a-t-il été briefé lui-même de son côté ? Quoiqu'il en soit, cela m'arrange bien, et je lui souris pour l'encourager. Il me salue :

"Votre Altesse, permettez-moi de vous féliciter pour votre discours.

- Je vous remercie, Monsieur..."

Je fais mine d'hésiter sur son nom, et je pointe le blason brodé sur sa veste, comme si j'avais une connaissance de la noblesse anglaise suffisante pour reconnaître le sien sans effort :

"... le comte d'Essex, n'est-ce pas ?

- Tout à fait. James d'Essex. Vous pouvez m'appeler James.

- Et moi, Margaret. Je ne suis pas stricte sur le protocole."

Si la princesse doit conquérir son cœur, autant qu'elle se montre sympathique dès maintenant... Le comte me dit :

"C'est la première fois que je suis invité à la cérémonie d'ouverture du Prix Royal de Littérature. Je pensais qu'il s'agirait d'un énième événement ennuyeux, mais vous savez rendre passionnant tout ce que vous touchez. J'évite habituellement ce genre de mondanités, mais je suis heureux d'avoir cédé à ceux qui m'encourageaient à accepter votre invitation.

- Je suis flattée. Et je vous comprends : moi non plus, je ne refuserais pas un peu de calme de temps à autre...

- Mais vous êtes princesse, et vous avez moins de latitude pour vous y soustraire que moi...

- Exactement ! »

Nous nous sourions, et je respire plus librement. J'ai l'impression de m'en tirer à peu près correctement. Je relance même la conversation :

Royales [Sous contrat d'édition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant