Je dois être l'une des seules filles au monde à ne pas envier la princesse Margaret du Royaume-Uni lorsqu'elle apparaît à la télévision. Cheveux blonds superbes, sourire éclatant, haute taille et maintien impeccable : la jeune femme a tout d'une top-model. Ce qui n'est pas surprenant quand on sait que sa mère était une actrice mondialement connue avant d'épouser son père, le prince Richard.
D'ailleurs, le présentateur se pâme devant Margaret, comme à son habitude. Il ne peut s'empêcher de faire la liste de ses qualités. Généreuse, intelligente, multilingue, cavalière émérite, menant de front des études de littérature, de politique et d'histoire par correspondance, la princesse, à dix-huit ans tout juste, semble parfaite. Sans compter qu'elle est adorée du peuple : suivie par les caméras depuis sa petite enfance, tous estiment la connaître, et beaucoup la considèrent avec la même bienveillance que s'il s'était agi d'une cousine talentueuse et éloignée, dont on aime prendre des nouvelles à l'occasion. Nombreux sont ceux à qui elle permet de rêver : depuis un siècle, les écarts entre les classes sociales sont allés en s'agrandissant, et en cette année 2115, la vie est loin d'être rose pour une bonne partie de la population. La famille royale de Grande-Bretagne est devenue indispensable au gouvernement pour maintenir l'ordre : médiatisés à l'excès, les princes et princesses détournent l'attention générale sur eux pour faire oublier les vrais problèmes. La surpopulation. La pollution. Les guerres de l'eau. Ils servent de paratonnerre pour protéger le pouvoir en place.
Cela bien, sûr, ce n'est pas dit à la télévision : c'est moi qui ne peut m'empêcher de le penser. Le présentateur, lui, n'en finit pas de s'extasier sur la nouvelle initiative de la princesse Margaret : lancer une application dédiée permettant aux sujets du Royaume-Uni de suivre sa vie au quotidien, de découvrir des anecdotes inédites à son propos, de participer à des sondages sur les villes dans lesquelles elle devrait se rendre en visite... Une expérience qu'il décrit comme encore plus participative que de simplement suivre la princesse sur les réseaux sociaux classiques.
Enfin, il se tait, et c'est au tour de la jeune femme de prendre la parole. Cela va devenir sérieux : il faut que je fixe dans mon esprit les phrases de la princesse, que je retienne chacune de ses intonations. Filmée en gros plan, elle sourit, puis entame :
"Mes chers sujets, c'est toujours avec le plus grand plaisir que je m'adresse à vous..."
Autour de moi, mes quatorze sœurs sont aussi concentrées que moi. Comme d'habitude, je déplore l'obligation que nous avons de regarder toutes ensemble les interventions publiques de la princesse Margaret, et de nous montrer si assidues face à elles : ne suffirait-il pas qu'une ou deux d'entre nous les scrutent pour nous toutes ? Mais la gouvernante Seymour a décidé qu'il en serait ainsi, et nulle ne se sent assez de courage pour lui tenir tête...
La princesse Margaret parle de l'importance d'être proche de son peuple, de son profond amour pour ce dernier. Je me détends. Le discours est classique, attendu. Je n'aurai aucun mal à l'assimiler. La princesse conclut en revenant sur la compétition d'équitation à laquelle elle a participé la semaine précédente, profitant de son passage télévisé pour remercier ses sujets de l'avoir soutenue si chaudement.
L'émission ne se termine pas en même temps que le discours. Le présentateur a visiblement l'intention de poser quelques questions à la princesse tant qu'il l'a avec lui : il sait que les quelques minutes de présence supplémentaires qu'il pourra grappiller seront autant d'instants de fort audimat, et que son habileté sera probablement récompensée par sa direction... Sans compter que lui-même, comme à peu près tous les habitants du Royaume-Uni, est sous le charme de la belle princesse blonde.
Il lui demande si ses études se passent comme elle le souhaite. Elle répond :
"Très bien, je vous remercie. J'aime apprendre et je suis consciente qu'il est important pour moi de connaître l'histoire et la politique de mon pays le plus précisément possible. Quant à la littérature, c'est mon péché mignon, vous le savez bien !"
Le présentateur glousse devant cette marque de connivence. En effet, la passion de la princesse Margaret pour la lecture est bien connue... Je retiens cependant mon souffle, espérant que l'interview ne dérivera pas sur le sujet. Les téléspectateurs pourraient bien être déçus par les réponses plates que prodiguerait leur princesse interrogée à l'improviste sur des questions littéraires... Et ce serait à moi de réparer les pots cassés par la suite.
Heureusement, le présentateur s'aventure sur un autre terrain :
"Ne regrettez-vous pas de ne pas côtoyer de jeunes gens de votre âge, vous qui étudiez par correspondance ?"
Je ricane. S'il savait la vérité...
Toujours avec un sourire éclatant, la princesse Margaret répond :
"Non, cela ne me manque pas. Vous savez, ma vie est extrêmement remplie ! Et puis, j'ai forgé des amitiés sans être passée par une université classique, rassurez-vous."
Ça, c'est un mensonge, mais je l'ai entendu tellement de fois, et répété moi-même parfois, qu'il me fait à peine tiquer. En revanche, la question suivante me fait rougir :
"Un petit ami ?
- Qui sait ?"
Margaret reste énigmatique, mais elle n'a personne dans sa vie. Comment le pourrait-elle ? En tout cas, la question ne lui plaît pas, car elle met d'elle-même fin à l'interview, clouant le bec de son interlocuteur :
"Eh bien, c'était un plaisir de venir sur votre plateau, comme d'habitude."
Elle se tourne vers la caméra pour conclure en disant :
"Je vous salue, mes fidèles sujets !"
Son visage disparaît en fondu, puis le générique de l'émission se lance. Aussitôt, la gouvernante Seymour éteint la télévision que mes sœurs et moi regardions. Je masse mon cou raide. Décidément, je déteste ce genre de séances. J'ai beau savoir qu'elles sont importantes, même après plus de dix ans, je n'arrive pas à m'y habituer.
Je rejette en arrière une mèche de mes cheveux blonds. Exactement les mêmes que ceux de la princesse Margaret. Que ceux des quatorze jeunes filles qui m'entourent, aussi. Mes sœurs. Il n'en manque qu'une parmi elles : celle que nous venons d'observer à la télévision, et qui nous rejoindra sous peu.
Mon nom est Margaret-May et je suis l'une des seize clones de la princesse du Royaume-Uni.
***
Coucou ! J'espère que le début de mon histoire te plaît !
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Royales [Sous contrat d'édition]
AventuraMargaret est la princesse parfaite, adorée de tous les Anglais. Généreuse, intelligente, polyglotte, cavalière émérite, menant de front des études de littérature, de politique et d'histoire par correspondance... Son secret ? Margaret n'existe pas vr...