Royales [Sous contrat d'édition]

Chapitre 9

Elizabeth tient parole. Au cours de la semaine qui suit, elle délaisse ses études d'histoire autant qu'il lui est possible pour m'aider à me préparer en vue du Prix Royal de Littérature. Elle lit les romans parus cette année sur lesquels je ne suis pas sûre de mon jugement, et me donne son avis. Mais surtout, elle écume Internet avec moi en quête d'informations sur James d'Essex. Nous sommes surveillées par un employé du bunker durant toute la durée de nos recherches, comme à chaque fois que nous voulons nous rendre en ligne : on ne nous fait pas suffisamment confiance pour nous laisser nous connecter seules. La reine a bien trop peur que nous ne commettions un impair sur Internet par imprudence ou sur un coup de tête...

L'agent ne réagit pas au fait qu'Elizabeth m'aide au lieu de travailler son histoire, ce qui est la preuve de l'importance que la reine et la gouvernante Seymour accordent à la mission de séduction de James...

La première chose que ma sœur et moi faisons, c'est chercher une photo du comte. Et je dois avouer que ce que nous découvrons nous plaît. Grand, musclé et bronzé, il arbore un sourire lumineux et des cheveux châtain clair parfaitement coiffés sur toutes les images que nous trouvons. Malheureusement, nous ne parvenons pas à en savoir beaucoup plus que ce que Victoria II nous en a dit concernant sa personnalité. Il dispose bien d'un compte Facebook, mais très impersonnel : c'est plutôt une page promouvant le comté d'Essex qu'une source d'informations exploitable pour moi. Je parviens néanmoins à comprendre que James apprécie les chiens, le vin et les voitures anciennes. Pas très utile pour moi qui ne m'y connais dans aucun de ces trois domaines...

Quand nous comprenons qu'Internet ne nous renseignera pas davantage, nous allons demander de l'aide à Amanda, la clone spécialiste de la noblesse anglaise. Peut-être a-t-elle dû apprendre par cœur une fiche sur le comte au cours des après-midis qu'elle a passés à se familiariser avec toutes les personnalités qui comptent dans le royaume ?

Après avoir persiflé en affirmant que sa spécialité l'aurait rendue plus apte à mener la première rencontre entre Margaret et James – point sur lequel elle n'a d'ailleurs pas tort –, elle finit par nous avouer qu'à part des détails inutiles comme la date de naissance du comte, la couleur de son blason et sa position dans la hiérarchie de la noblesse, elle n'en sait pas beaucoup sur lui. Certes, la maison d'Essex est ancienne et historiquement influente, mais James est jeune, et n'a pas encore eu l'occasion de se faire beaucoup connaître autrement que par l'accident de voiture tragique qui a tué son père quand il avait quinze ans. Amanda conclut en nous disant :

« Depuis des années, le comte d'Essex ne présente rien d'autre aux médias que l'image d'un jeune homme poli et réservé, qui attire instinctivement la sympathie à cause de son passé. Le gendre idéal, en somme. Ce qui explique sans doute pourquoi la reine l'a choisi pour Margaret... »

Après Amanda, nous questionnons Amy et Constance, que Victoria II a également désignées pour séduire James, dans l'espoir qu'elles aient trouvé une source d'information à laquelle nous n'aurions pas pensé. Malheureusement, Amy choisit de la jouer solo et refuse de nous répondre, prétendant qu'elle veut garder un maximum d'atouts pour elle afin de faire des progrès rapides dans le cœur du comte et être choisie le plus souvent possible pour aller à la surface le rencontrer. Dès qu'elle a le dos tourné, Elizabeth me glisse à l'oreille :

« Je te parie qu'elle n'a rien trouvé de plus que nous et qu'elle est juste trop fière pour l'avouer... »

Je pouffe. Ce serait bien dans le caractère d'Amy, que je n'apprécie pas particulièrement.

Quant à Constance, elle se montre disposée à partager ses informations avec nous, mais nous comprenons vite qu'elle n'a rien à nous apprendre. Elle semble en tout cas ravie du choix de futur époux de la reine, et impatiente de rencontrer le comte : elle nous raconte que depuis qu'elle a vu la photo de ce dernier, elle est tombée sous son charme. Je hausse les sourcils, trouvant ma sœur un peu rapide à se laisser séduire. Mais il faudra bien que nous nous accommodions toutes de James au bout du compte, alors peut-être Constance a-t-elle raison de réagir de la sorte.