Chapitre 2 PDV Amalya (corrigé)

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CHAPITRE 2  

Un courant d'air la frôla, suivi d'éclats de voix.

—Amalya ! tempêta le danger.

—Votre majesté...

Toutes ces voix, toutes ces personnes, elle ne devait pas leur faire confiance.

Des plaintes suraigus percèrent les ténèbres, ceux d'un nouveau-né. Elle s'aperçut qu'elle tenait un bébé.

—Laisse-moi la voir.

Des cris assurément féminins retentirent en même temps que des pas précipités. Les siens.

—Par les dieux de la mort, Amalya, crois-tu vraiment que je ferais du mal à ma propre fille ?

Le poupon qu'elle tenait était donc une fille. Elle s'en souvenait. Le bébé était le sien, celui qu'elle avait porté neuf mois durant dans son ventre. L'enfant de l'ennemi. Elle faillit la lâcher.

—Ne jures pas sur ma lignée, s'emporta-t-elle.

Elle reporta les yeux sur l'être vivant gigotant dans ses bras. Son visage rose, ses joues rebondies, son fin duvet autour de sa tête et ses yeux bleus. Elle s'y perdit.

Elle avança, trébuchant, son précieux fardeau entre les mains. Elle la serra tout contre elle, la fatigue la faisant divaguer, des gouttes de sueur collant ses cheveux argentés sur son front.

Ses yeux... Ils lui faisaient tellement penser à quelqu'un.

—Non, mon bébé, ne t'approches pas...

Cet être cher, il lui semblait l'apercevoir après une si longue absence. Ce manque la déchirait. On lui avait arraché son amour pour... un simulacre de mariage avec cet... homme.

Elle se mit à courir, les couloirs du château défilant dans son champ de vision. Des gens la poursuivirent dont... son mari. Celui qu'elle détestait. L'être honni.

Le bébé hurla, son visage se tordit de colère, rouge de colère.

—Non, tu n'es pas la fille de Sitael... Non, tu es la sienne. Que suis-je en train de faire ? Non, lâchez-moi !

—Tout va bien, Amalya. Tu as juste besoin de repos.

—Maman, où es-tu ? Maman... ne me laisses pas.

La scène se dispersa dans le brouillard. Celui-ci laissa place à une forêt. Les fruits charriaient une odeur sucrée, sirupeuse. Les feuilles multicolores réfractaient la lumière en des milliers de points multicolores au-dessus de sa tête. L'herbe était douce sous ses pieds nus.

Elle resserra les pans de son manteau de fourrure autour d'elle et s'éloigna du territoire seelie. Les cris de la petite fille faiblirent. Elle accéléra le pas jusqu'à ne plus les entendre, regagnant les landes glaciales de son royaume.

Elle ne supportait plus de voir en cette enfant tout ce qu'elle avait perdu, ses espoirs, son avenir. Elle engloutissait tout dans le bleu de ses yeux, si semblables aux siens. Contrairement à sa misérable carcasse, elle avait la vie devant elle. Elle ne possédait plus rien, à part sa folie et la haine qui la rongeait.

—Makaïos, soupira-t-elle, un sourire cruel aux lèvres, le regard flou, perdu.

Il souffrirait le martyre de perdre sa précieuse Sofia.

Elle ouvrit les yeux et s'appliqua aussitôt à dissiper les souvenirs cauchemardesques. Ceux-ci venaient la hanter chaque nuit, depuis peu. Transie de l'intérieur, elle s'éloigna du lit conjugal.

Sa longue chemise de nuit traîna au sol tandis qu'elle enfilait un long peignoir de soie d'araignée. Elle se para ensuite de ses bijoux les plus précieux avant de se servir un verre d'alcool fort. Puis, elle rejoignit son balcon et avala cul sec la boisson qu'elle s'était servie un instant plus tôt. Le liquide vermeil explosa sur son palais et brûla sa gorge en une lente descente. Elle ferma les yeux pour savourer cette déliquescence.

Son effroi dissipée, elle s'autorisa un regard sur les montagnes de glace devant ses yeux. Le royaume unseelie, les ténèbres, la mort... Elle sourit et s'autorisa enfin à penser à la source de tous ses insomnies. Les regrets l'assaillirent. Voilà maintenant seize ans qu'elle n'avait plus posé les yeux sur son aînée.

Pourquoi rêvait-elle d'une morte ? Certes, l'acte qu'elle avait commis ne cessait de l'accabler et ne cesserait jamais de la tourmenter. A jamais puisqu'elle ne pouvait pas mourir. Elle avait abandonné sa fille... ou plutôt tué indirectement le jour de ses deux ans. Elle était si jeune, tellement que son pouvoir ne s'était pas encore manifesté. Sans défense, si vulnérable et elle l'avait sacrifié.

Cette nuit-là, la démence s'était complètement emparée d'elle. Des images de l'accouchement ne cessaient de l'écorcher. Pour faire cesser son tourment, elle avait commis l'irréparable.

Le roi remua entre les draps mais ne se réveilla pas. Un coup d'œil vers lui suffit à l'en convaincre. Sa vue lui était insupportable, même un instant. Elle s'enfonça un peu plus dans ses souvenirs.

Trois enfants avaient suivi le premier. Trois enfants dont elle devait supporter la présence chaque jour, chaque instant. Comme elle aurait voulu se perdre dans une étreinte si longtemps absente, comme cela n'était que pure langueur. Toutes les particules de son être lui criaient son manque. Elle le revit du temps de sa jeunesse, son promis. L'unique personne qu'elle avait abreuvé des feux de son amour, un amour exclusif, éternel. Elle le lui avait juré peu avant son exil. Si elle ne pouvait être avec lui, son cœur, lui, ne serait à personne. A personne d'autre qu'à lui.

—Oh mon amour, nous nous retrouvons un jour. Je te le promets.

Elle entendait des rumeurs enfler dans les tréfonds de la cour. Des rumeurs concernant la maudite fratrie Kreïa, les trois frères, séparés par la violence d'une haine intarissable.

La guerre était déclarée sur Terre, entre les démons, les anges et les humains. Toutefois, elle soupçonnait les humains d'être de simples victimes collatérales dans cette croisade entre frères.

Les humains l'indifféraient. Elle ne craignait pas le courroux de leurs ennemis. Makaïos voulait prendre part dans cette guerre, elle non. Mais son avis n'importait pas. On lui avait retiré sa capacité de décision, la jugeant inapte à régner. La mésentente était pourtant close. Peu après l'annonce de « l'apocalypse des anges » comme on l'appelait sur Terre, les portails menant à la Faerie avait été définitivement fermés. Une action non imputable à la cour des ténèbres, quelqu'un avait coiffé le roi au poteau. Un clan ennemi.

Davy, Mordred et d'autres dont son frère étaient partis peu de temps avec la fermeture des portes d'accès à la Terre. Elle le prenait pour une trahison, certaine qu'il s'agissait d'une manœuvre de Makaïos. Pourquoi aurait-t-il fait cela ? Pourquoi l'aurait-il ordonné ? Il se tramait quelque chose, quelque chose en rapport avec ses cauchemars. 

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Voilà la première partie de ma correction, bonne lecture ! L'image provient du recueil favole de Victoria Frances :)

Guerre sainte tome 1 Apocalypse ( deuxième jet )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant