Partie 2 : Remember...

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-          Comment vas-tu ? Dit-elle, inquiète

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- Comment vas-tu ? Dit-elle, inquiète.

- Ça peut aller, dis-je du bout des lèvres.

- Mais qu'y a-t-il ? Insista Hélène.

- Rien, rien ; je n'ai aucune envie d'extérioriser, je n'ai ni le courage, ni l'envie de parler, je suis juste lasse.

- Tu sais que tu peux venir passer le week-end ici ? Dit-elle compatissante.

- Je sais, merci. ; répondis-je en balayant la pièce du regard.

- Bon et puis quoi ? Je passerais te chercher après le service vendredi soir.

- ...

- Annie,

- Oui, je suis là, répondis-je la voix chevrotante.

- Ca va aller et courage. Ok ?

- Ok, merci Hélène ; je lui en suis reconnaissante, je remercie le seigneur de l'avoir rencontrée, cette femme.

- Bonne soirée, Annie.

- Merci et à toi autant, Hélène.

- Merci, bisous.

- Bisous.

Je raccroche et balaie ma chambre du regard, je me sens si fragile en ce moment ; c'est ahurissant la façon et surtout la rapidité avec laquelle, des sentiments peuvent évoluer entre deux personnes. Mes pensées me ramènent irrémédiablement vers Pietro, je me demande comment nous en sommes arrivés là, c'est dément.

Pietro et moi, nous sommes rencontrés, il y a de cela vingt-quatre mois donc deux ans, dans le vol d'Air France en direction de Paris CDG. Nous étions tous en classe économique, mais à six sièges l'un de l'autre ; je l'ai remarqué près d'une heure après le décollage de l'avion de Douala, il allait au petit coin.

J'ai tout de suite été charmée par son port altier, sa démarche à la fois virile et un brin, féline ; j'ai admiré sa carrure et surtout, surtout, les formes de ses jambes, ne riez surtout pas. Certaines femmes craquent pour un sourire, un clin d'œil qui arrive à éveiller en elles certaines émotions et d'autres, la prestance, le charme ou la virilité brute émanant de ces messieurs, je fais l'impasse sur l'habillement qui est une condition siné qua none.

Moi, j'avoue avoir un petit faible pour les hommes arqués, je ne saurais expliquer le comment, ni le pourquoi mais c'est ainsi. Je sortais d'une rupture assez difficile d'avec Luc, mon ex. L'on croit souvent et à tort, que l'on se sépare d'une personne parce que l'on ne s'aime plus alors que c'est tout simplement parce que l'on ne sait pas ou plus s'aimer ou encore, parce que la vie en a décidé ainsi. Luc et moi, une relation de cinq ans ; cinq années d'intense amour gâchées par l'égoïsme de l'Homme.

Nous nous connaissions depuis la maternelle et avions naïvement fait le serment de nous marier plus tard, de-là, je ne saurais dire comment, nous avons développé une amitié qui s'est peu à peu transformée en amourette sous le regard compatissant et bienveillant de nos mamans qui se connaissaient et se fréquentaient bien, puisqu'étant dans le « Nsamba Binga » d'Odza, une petite bourgade de Yaoundé.

Bien que fréquentant le même milieu, nous n'étions pas de la même classe sociale ; je n'en avais que faire mais Luc me le rappelait sans cesse. Je m'employais tant et si bien à l'oublier à occulter ce détail que j'en vins à m'en convaincre jusqu'à ce fameux jour, ce 12 Aout où l'on me délivra mon visa à l'ambassade. Luc qui avait offert de m'accompagner, devint si silencieux, je lus de la peine dans ses yeux durant les minutes qui suivirent la délivrance du sésame.

Ce jour-là, prenant sur lui, Luc m'invita au restaurant fêter l'obtention de ce bout de papier ; il pouvait passer d'un sentiment à l'autre si vite, ses yeux étaient si rieurs mais son sourire, si éteint. J'avais si mal, mais que pouvais-je y faire ? Nous nous étions préparés, il savait que je pouvais voyager, il savait que c'était fort probable, nous espérions en silence que cela se solderait par un échec mais la réalité nous rattrapa.

Luc ne donna pas de nouvelles près de deux semaines, me mettant dans un état d'esprit près de la folie, je me mis à culpabiliser et étais à deux doigts de tout annuler malgré la joie et la ferveur des préparatifs observés du coté de mes parents. Tout devint clair, je pus me rendre compte de l'étendue des dégâts en allant chez Luc au quartier Nkol-Eton ; je ne sais à quoi exactement je m'attendais, mais je savais que cette soirée serait mémorable.

C'est ce jour-là que je sus que l'esprit avait la capacité de prévoir et de déclencher des procédures de défense, j'allais en avoir la preuve. Alors que mes pieds me portaient vers l'entrée de la maison des Zambo, mon cœur, lui dansait un assiko (danse du Cameroun) terrible. Après avoir frappé durant quelques minutes, je décidai d'entrer, forçant mes yeux à s'habituer à la pénombre dans laquelle baignait la pièce.

Alors que je me morigénai sur le fait d'être entrée sans y avoir été invitée, des cris, des gémissements plaintifs attirèrent mon attention ; j'allai m'en aller lorsque la voix rauque donnant le « la » à la voix nasillarde me parut familière, un peu trop familière. J'allai le cœur battant vers la chambre que je connaissais déjà comme ma poche, la porte qui était entrouverte ne fit que confirmer ce que mon cerveau s'ingéniait à nier.

Je poussai la porte, qui couina dans un bruit sinistre au rythme des larmes de mon cœur ; l'objet de mes désirs, la fureur de mes nuits et surtout l'absinthe des tableaux que nous nous employions à peindre était là, arrimés au rivage de la passion dans les bras de l'infâme cousine du diable en la personne d'Adelaïde. Ils étaient tant et si bien arc-boutés que nul doute ne fut permis quant à la nature de leurs rapports.

Je partis en ravalant les larmes, symbole de ma frustration et de mon dédain à ce moment-là pour l'humanité ; je ne sais pas ce qui se cassa en moi mais je suis bien plus tard, que ce fut grave. J'éteignis mon portable cette nuit-là et me forgeai une cuirasse, une carapace m'empêchant de pleurer jusqu'à mon départ, jusqu'à ce fameux jour à l'aéroport.

J'observai mon père, ma mère et mes sœurs verser distraitement des larmes tant le départ était imminent ; j'écoutai d'une oreille discrète les recommandations de mes parents quant au fait de ne pas fréquenter le milieu camerounais et de surtout faire les études. Mon esprit si embrumé, sembla se décider à fonctionner à plein régime en croyant reconnaître la silhouette de Luc.

Maman qui avait aussi vue, me fit discrètement signe ; je partis le retrouver, nous n'avions pas de temps en plus du fait que nous avions hâte de meubler le silence assourdissant qui était tombé telle une chape de plomb.

SI PRES ET SI LOIN DE MES RACINESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant