J'étais dans l'ascenseur, mon cœur battant à tout rompre. Un mélange d'appréhension et de détermination m'envahissait. Je vérifiai une dernière fois mon reflet dans les parois métalliques. Ma tenue devait être irréprochable : une jupe crayon noire, une chemise blanche impeccablement repassée, et des talons sobres. Professionnelle. Distante. Rien qui puisse laisser deviner qui j'étais vraiment.
Il ne devait pas me reconnaître, pas toute suite.
Depuis la bibliothèque, j'avais passé des heures à me renseigner sur son entreprise. Une multinationale prospère, spécialisée dans la décoration et l'aménagement d'intérieur. Ironique, pensais-je, qu'il construise des espaces parfaits pour d'autres familles alors qu'il avait démoli la mienne.
L'ascenseur s'arrêta brusquement, me faisant sortir de mes pensées. Les portes s'ouvrirent sur un étage luxueux, baigné de lumière naturelle. Je pris une grande inspiration, avançai jusqu'à la porte marquée d'une plaque dorée portant son nom, Naïm Meyer, et toquai doucement.
— Entrez.
Sa voix, grave et autoritaire, traversa la porte.
Je poussai la porte et entrai. Là, il était assis derrière un bureau imposant, dans un fauteuil de cuir noir. Lorsqu'il leva les yeux, son regard croisa le mien, et je vis une lueur de surprise. Il fronça légèrement les sourcils, comme s'il essayait de replacer mon visage. Mais il se reprit rapidement, l'air professionnel.
— Asseyez-vous, dit-il d'un ton neutre, me désignant une chaise en face de lui.
Je m'assis, croisant les jambes pour garder une posture assurée. Pourtant, à l'intérieur, j'étais en pleine ébullition. Nous avons commencé à parler affaires. Ou plutôt, il parlait, et moi j'acquiesçais distraitement. Chaque mot qu'il prononçait semblait se perdre dans un brouillard.
Comment pouvais-je l'écouter alors que mon esprit était focalisé sur autre chose ? Comment aborder le sujet ? Comment lui dire la vérité ?
- "Monsieur Meyer ?"
Ma voix brisa le silence, attirant immédiatement son attention. Il releva la tête, visiblement surpris que je parle pour la première fois depuis le début de l'entretien. Ses sourcils se haussèrent légèrement, et il me dévisagea.
— Oui ? Un problème, Madame ? demanda-t-il avec une pointe d'impatience.
Je pris une profonde inspiration, mon cœur battant encore plus fort.
— Non, rien de grave. Mais... je voulais vous demander quelque chose, murmurai-je en évitant son regard.
— Je vous écoute, dit-il, croisant les bras, visiblement pressé.
— Ne vous fâchez pas, s'il vous plaît, ajoutai-je, hésitante.
— Allez droit au but, j'ai peu de temps, répondit-il, son ton devenant plus tranchant.
Je fermai les yeux un instant, rassemblant tout mon courage, puis lâchai tout d'un coup, ma voix tremblante mais résolue :
— Eh bien, mon nom est Meyer. Et avant que vous me coupiez, je vais être directe : je suis votre fille. Celle que vous avez abandonnée avant même sa naissance. Je suis ici aujourd'hui pour une raison très simple : je suis atteinte d'un cancer de la peau.
Ses yeux s'écarquillèrent sous le choc, mais je continuai avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit.
— Il peut me rester trois mois, ou peut-être trois ans, mais pour être honnête, je n'ai pas vraiment la force d'y croire. Je suis venue pour vous dire que, même si cela ne vous touche pas, vous allez me perdre. Venir ici, vous rencontrer, vous parler, c'était essentiel pour moi. Ça m'enlève un poids.
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- Albinisme.
RandomIls se foutent de ma gueule parce que j'suis une fille différente, je me fou d'eux parce qu'ils sont tous les mêmes. - C'est l'histoire d'Aliyah, jeune fille de 17 ans atteinte d'albinisme.