IX. Les derniers moments de joies ?

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Je n'ai pas le permis, mais je sais conduire. Une contradiction qui m'a toujours amusée, jusqu'à ce soir-là. J'avais décidé de prendre la deuxième voiture de ma mère, une vieille berline qui dormait dans le garage. Peu importe si elle me disputait après, je voulais sortir, oublier.

Mon objectif ? Le "Panama", une boîte de nuit réputée, où tous les jeunes branchés de la ville se retrouvent. Je n'avais pas peur d'y aller seul. Franchement, que pouvait-il m'arriver ? Si je devais mourir ce soir, alors qu'il en soit ainsi. L'idée m'effrayait à peine, anesthésiée par le chaos qui régnait déjà dans ma tête.

Quand je suis arrivée, la musique assourdissante résonnait dans mes oreilles avant même que je franchisse l'entrée. À l'intérieur, c'était une autre dimension : des lumières clignotantes, une foule compacte, des rires, des cris, et cette énergie vibrante qui semblait m'appeler. Sur la piste de danse, je me suis abandonnée. La musique était mon refuge, les basses frappant mon cœur au rythme de mes mouvements. Je dansais comme si c'était la dernière fois, oubliant tout, oubliant qui j'étais, où j'étais.

Mon téléphone vibrait dans ma poche. Je l'ai sorti et vu plusieurs appels manqués de ma mère. J'ai roulé des yeux et l'ai remis dans ma poche. Pas ce soir, maman. Quelques garçons ont essayé de m'approcher. Certains m'offraient des verres, d'autres tentaient des compliments maladroits. Mais dès qu'ils s'approchaient suffisamment pour me voir de près, leurs regards changeaient. Je voyais la gêne, le malaise. Peut-être qu'ils remarquaient mes cicatrices, ou cette fatigue inscrite sur mon visage. Peu m'importait.

Vers trois heures du matin, j'étais épuisée, mais pas prête à rentrer. Cependant, mon état était loin d'être idéal. Je n'étais plus sobre, pas du tout. Mes pas titubaient, et pourtant, dans un élan insouciant (ou stupide), j'ai repris le volant. Je ne me souviens pas exactement de la route. Tout était flou, les lumières des lampadaires dansant comme des étoiles devant mes yeux.

Le lendemain matin, je me suis réveillée dans mon lit avec un mal de tête écrasant. Le genre de gueule de bois qui fait regretter chaque goutte d'alcool avalée. La voiture de ma mère était garée devant la maison, intacte, et je remerciai le bon Dieu pour m'avoir protégée cette nuit-là.

Je soupirai en me parlant à moi-même :

— Le monde de la nuit n'est pas fait pour toi...

Mais, contre toute attente, ce n'était pas ma dernière soirée au "Panama".

Le samedi suivant, et celui d'après, je me retrouvais à nouveau dans cette boîte, incapable de résister à cette pulsion de liberté, cette envie d'oublier ma condition et ma maladie. Chaque fois, je dansais, je buvais, et je rentrais en vacillant, m'étonnant toujours d'arriver en un seul morceau.

Puis un soir, tout changea.

C'était un samedi comme les autres. J'étais installée au bar, sirotant un cocktail qui ne faisait qu'amplifier le brouillard dans ma tête. Quand je tournai la tête, je croisai le regard d'un homme assis à quelques sièges de moi. Il avait quelque chose de différent. Ce n'était pas sa beauté – bien qu'il soit indéniablement attirant, avec ses cheveux noirs légèrement décoiffés et son sourire en coin. Non, c'était autre chose. Une aura, une intensité dans ses yeux, comme s'il pouvait lire en moi sans que je dise un mot.

Il s'est levé et s'est approché.

— Tu sembles perdue, dit-il d'une voix grave et posée, un sourire énigmatique flottant sur ses lèvres.

Je haussai un sourcil, méfiante.

— Et toi, tu sembles bien sûr de toi, ai-je rétorqué.

Il rit doucement, s'installant sur le tabouret à côté du mien.

— Peut-être. Ou peut-être que je suis aussi perdu que toi.

Ses mots résonnèrent en moi d'une manière étrange, comme s'il avait touché une corde sensible sans le savoir.

— Et qu'est-ce qui te fait croire que je suis perdue ? demandai-je, jouant avec ma paille pour éviter de croiser son regard trop intense.

— Ton regard, dit-il simplement. Il y a beaucoup de choses que tu caches, mais ça se voit.

Je restai silencieuse, troublée. Qui était-il ? Pourquoi me parlait-il comme s'il me connaissait depuis toujours ?

Ce soir-là, je ne dansais pas beaucoup. Au lieu de cela, nous avons parlé. Pas de moi, pas de ma maladie, mais de tout et de rien. Et pourtant, chaque mot semblait chargé d'une signification plus profonde.

Il s'appelait Adam. Et sans que je sache pourquoi, je sentais que cette rencontre allait changer quelque chose en moi.

- Albinisme.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant