Chapitre 8

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—Voulez-vous en parler ?
La voix mélodieuse de Lizzie le sortit de ses pensées. Vincent' releva les yeux de l'écran de son ordinateur qu'il regardait sans le voir depuis les dix dernières minutes, et la vit qui se tenait sur le seuil de sa porte, une expression inquiète gravée sur son visage. Il lui adressa un bref sourire.
— Pas vraiment.
Sa question ne le surprenait pas. Elle était la troisième personne cette semaine à lui demander s'il voulait partager ce qu'il ressentait. Rick avait été le premier, bien entendu.  Vincent n'avait pas eu envie de partager avec lui la moindre plaisanterie – ni même avec n'importe qui d'ailleurs – depuis ce jour funeste, il y avait une semaine déjà. Et bien entendu, ils l'avaient tous remarqué. Il y avait des regards échangés, surtout pendant les réunions matinales de l'équipe. N'importe qui, avec une moitié de cerveau aurait pu sentir qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas. Et s'ils étaient inquiets à propos de Vincent , Dieu seul savait ce qu'ils devaient penser à propos de Damien...
— Désolée, je devais le demander.
Lizzie lui adressa un petit sourire.
—Nous allons tous devenir fous à essayer de travailler quoi qu'il ait pu se passer. Damien est si...
Ses mots se perdirent.
— Damien a beaucoup de choses à l'esprit en ce moment, dit Vincent. Je suis sûr que tout va s'arranger. Essayez de ne pas vous inquiéter.
Il fit de son mieux pour prendre une expression rassurante. Lizzie n'avait pas l'air vraiment convaincue, mais elle haussa les épaules et lui adressa son sourire chaleureux une fois de plus avant de le laisser seul.
Vincent  retourna à la contemplation de son écran. Cette semaine avait été terrible. Vraiment horrible. À chaque fois qu'il était seul avec Damien, c'était la même chose. Cette impression qu'il allait être malade lui retournait l'estomac. La sécheresse de sa bouche. Sa difficulté à avaler et à déglutir. Oh, ils parlaient, mais seulement de ce qui concernait le travail. Pas de conversation personnelle. Finie la gouaille chaleureuse qu'il avait hâte de retrouver chaque matin. Il jeta un coup d'œil vers le bureau de Damien. La porte était fermée, littéralement et au sens figuré.
Vincent  se pencha sur son bureau et prit sa tête entre ses mains. La débâcle provoquée par Melissa avait rendue les choses claires dans son esprit – Vincent était tombé amoureux de Damien et il avait tout gobé : hameçon, ligne et plomb. À chaque fois qu'il regardait son patron, Vincent  voulait le prendre dans ses bras et le tenir contre lui. L'expression anéantie de Damien  et ses yeux hantés faisaient qu'il voulait le protéger du reste du monde en le gardant bien à l'abri de tout ce qui pourrait lui causer de la douleur. L'attirance physique qui avait été immédiate depuis la nuit de leur première rencontre n'avait pas disparue. Au lieu de cela, Vincent  ressentait maintenant une connexion plus affective envers l'homme. Malgré ses efforts, il ne pouvait pas penser du mal de Damien. Il pouvait deviner les tourments qu'il traversait et endurait. Il n'arrivait pas à le blâmer d'avoir réagi comme il l'avait fait. Trinity Publishing représentait sa vie. Et lorsque Vincent  mettait en balance la perte possible de sa compagnie, par rapport à la perte de leur amitié – quoique avec avantages – leur relation devait paraître insignifiante aux yeux de Damien.
Il se secoua. Ce dont il avait vraiment besoin en ce moment était d'une bonne nuit de sommeil. Toute la semaine, il s'était tourné et retourné, dormant par à-coups, se réveillant des heures avant que l'alarme ne sonne. Il suffisait qu'il se regarde dans un miroir pour voir le prix qu'il payait pour ses nuits d'insomnie. Le visage qui le fixait alors pourrait être celui de Damien, ils avaient l'air tous les deux aussi épuisés l'un que l'autre. Et Vincent savait parfaitement à quoi il ressemblait. Même Claudine l'avait remarqué. Malheureusement, cela semblait l'avoir rendue encore plus déterminée à se rapprocher de lui et Vincent  n'était pas sûr de pouvoir le supporter encore longtemps.
Son téléphone gazouilla. C'était un message de Jenny, lui demandant s'il acceptait un travail d'escort ce soir. C'était pour une remise de prix d'une société de marketing. Vincent gémit. Toute cette tension dans la société commençait à faire des ravages sur son autre emploi. Même avant que Melissa n'ait délivré son ultimatum, Vincent avait refusé tous les clients qui voulaient avoir des relations sexuelles. Il savait qu'il se détournait d'un moyen non négligeable d'engranger de l'argent, mais il ne pouvait pas faire face à la perspective de baiser quelqu'un qui n'était pas Damien. Cela ne fit que lui démontrer à quel point ses sentiments étaient profonds. Des années à travailler pour de l'argent dans la rue, à avoir des relations sexuelles avec quiconque avait suffisamment d'argent, l'avaient laissées en mesure d'enfouir ses émotions. Bien sûr, il pouvait faire semblant. Mais Damien revenait à sa mémoire et bam !... Il ne pouvait même pas durcir à la pensée d'avoir des rapports avec quelqu'un d'autre. Et depuis ce terrible jour, son cœur n'y était pas lorsqu'il escortait des personnes. Plus d'un client s'était plaint de son comportement auprès de Jenny. Toute cette affaire le tuait à petit feu.
Il jeta un coup d'œil à sa montre. C'était l'heure du café. Il se leva et traversa le corridor, se dirigeant vers la cuisine. Apparemment, il n'était pas le seul à avoir besoin d'un remontant. De nombreuses voix sortaient de la pièce. Toute l'équipe était là ? Alors qu'il entrait dans la cuisine, il étouffa un gémissement. Ouais, tout le monde se tenait debout autour de la machine à café et parlait, mais tous s'arrêtèrent d'un coup comme il se dirigeait vers la cafetière. C'était un silence maladroit. Vincent  se versa une tasse et se retourna pour repartir vers son bureau, incapable de supporter la tension.
— Vincent , connaissez-vous notre tradition à propos de Noël ?
Il s'arrêta. Soupirant intérieurement, il se retourna vers Beth et pencha la tête.
— À propos de Noël ?
Beth hocha la tête.
— Nous sortons tous au restaurant pour faire un bon repas. Nous le faisons généralement entre Noël et le Nouvel An. Les restaurants ont tendance à être très réservés juste avant. Voulez-vous venir ?
Elle le regardait avec inquiétude.
— Je dois vérifier mon agenda, répliqua Vincent , bien qu'il sache que si la situation continuait, être sociable serait l'une des dernières choses qu'il aurait à l'esprit. Qui ça, nous ?
— L'équipe, plus Claudine, vous... Damien.
La poitrine de Vincent se serra.
— Est-ce que Damien va venir ?
Le visage de Rick se fit plus sombre.
— Personne ne le sait. Nous n'avons pas vraiment eu le temps de lui rappeler cette soirée.
Vincent  pouvait parfaitement le comprendre. Damien s'était coupé de tout le monde, pas seulement de lui.
— Je vais y réfléchir, d'accord ?
Hochements de tête prudents. Claudine entra dans la cuisine et ses yeux s'écarquillèrent de surprise. Ouais, c'était rare de rencontrer autant de membres de l'équipe en une seule fois. Elle aperçut Vincent et son expression se modifia. Il gémit intérieurement comme elle se rapprochait de lui et caressait doucement son bras.
— Comment allez-vous, Vincent ?
Sa voix coulait, douce comme du miel.
— Y a-t-il quelque chose que je puisse...
—Oh, pour l'amour de Dieu, voulez-vous me laisser tranquille ? explosa Vincent.
Des halètements effarés accueillirent ses paroles. Il ne s'en préoccupa pas.
— Je vais vous le dire une fois, haut et fort afin que vous compreniez le message. Je. Ne. Suis. Pas. Intéressé.
Il martela les mots, regardant la bouche de Claudine s'ouvrir et sa main se poser sur sa voluptueuse poitrine.
— Et qui plus est, je ne le serai jamais. Putain de merde, Claudine, je suis gay !
Le silence qui suivit sa déclaration était si épais qu'il en était presque tangible. Le visage de Claudine pâlit. Elle déglutit et tressaillit comme s'il lui avait asséné un coup de poing, puis elle recula. L'équipe se tenait là, avec des expressions toutes aussi stupéfaites. Un fort hoquet de surprise derrière lui fit que Vincent se retourna vers la porte. Damien se tenait là, les yeux ronds de stupeur. Oh, merde ! Vincent retint son souffle alors qu'il attendait que Damien dise quelque chose, mais son cœur sombra lorsque son patron tourna les talons et s'éloigna.
C'en était trop. Vincent  ne pouvait pas en supporter davantage. Avant que quiconque ne puisse dire quoi que ce soit, il posa sa tasse et s'enfuit de la cuisine, courant vers les toilettes pour hommes et s'enfermant dans une cabine. Il s'assit sur le couvercle des toilettes et prit sa tête entre les mains. Putain, que venait-il de faire ? Il se raidit lorsqu'il entendit la porte s'ouvrir, et des pas se rapprocher.
— Vincent ? Etes-vous là ?
C'était Rick. Oh, merde ! Vincent ne voulait pas lui parler. À personne.
— Allez, mon pote, parlez-moi.
Il y avait comme une sollicitation dans sa voix, une nuance de quelque chose qui ressemblait à du désespoir. Intrigué malgré lui, Vincent  se pencha en avant et tira le verrou, ouvrant doucement la porte. Rick se tenait là, les yeux abattus, paraissant manifestement nerveux.
— Oh, mon pote...
Sa voix paraissait tremblante.
— ... Quand vous sortez du placard, vous ne le faites pas en douceur !
Vincent  ne pouvait s'en empêcher. Il lui adressa un petit sourire. Rick se mit à rire.
— Tu vas sortir de là ou dois-je venir te rejoindre ?
Nouveau clin d'œil.
— Ce ne serait pas la première fois que je me retrouverais dans des toilettes avec un gars... Si tu vois ce que je veux dire.
Il fixa ses yeux sur Vincent  qui éclata d'un rire strident.
— Putain, je le savais !
Rick se mit à rire.
— Ouais, eh bien, j'ai pensé la même chose à propos de toi et ça fait un certain temps maintenant.
Vincent  se releva et sortit de la cabine. Rick s'appuya contre le mur alors qu'il passait ses mains sous le robinet d'eau chaude. Tout à coup, elles semblaient tellement froides.
— Tout va bien, Vincent ?
Son air vraiment préoccupé était touchant.
Vincent  expulsa sa tension en une longue expiration alors qu'il s'essuyait les mains.
— Oui.
Il s'était un peu calmé. Rick le dévisagea attentivement.
— Alors... Ils ne savent pas pour toi ? demanda Vincent en indiquant la porte d'un mouvement de la tête.
— Non. Donc, je suis probablement la seule personne ici qui a été soulagée d'entendre... Euh... Ta déclaration.
Ses yeux brillaient avec humour.
— As-tu la moindre idée de ce que c'était que d'être ici, sachant que j'étais le seul gay du village ?
Ils se mirent à rire tous les deux à sa référence à la comédie « Little Britain ». L'expression de Rick redevint grave.
—Essayons encore une fois. Veux-tu en parler ?
Vincent  lui adressa un sourire.
— Je voudrais bien, mais je ne peux pas.
Rick hocha la tête. Il fit un pas vers lui, ses yeux ne quittant jamais le visage de Vincent.
— Bien sûr, j'espérais avoir raison à propos de toi.
Sa voix s'adoucit.
— Sais-tu combien de fois, j'ai eu envie de te poser la question ? Toute cette situation est vraiment ironique.
Vincent secoua la tête.
— Que veux-tu dire ?
Rick se mit à glousser.
—Eh bien, je rêve de déshabiller mon patron depuis près de six ans, pour commencer.
Les yeux de Vincentvs'écarquillèrent. Rick se mit à rire.
— Ouais, pourquoi tous les beaux mecs sont-ils hétéros ? Bien que de temps en temps, j'aurais pu jurer que...
Il secoua la tête.
— Peu importe. Pure perte de temps que de penser à ça.
Il regarda Vincent dans les yeux.
— Et puis, tu arrives et depuis le départ tu fais tilter mon gaydar comme un fou.
Il caressa le bras de Vincent du bout de ses doigts, ses yeux bleus ne quittant jamais les siens.
—Je suppose que ce serait trop d'espérer que tu sois seul.
Il y avait une expression pleine d'espoir sur son visage et Vincent  pouvait entendre la question que manifestement Rick avait peur de poser. Oh, bordel !
— Rick, commença Vincent, prenant une voix gentille. Je... c'est...
Il soupira.
— C'est compliqué.
Le visage de Rick s'effondra et Vincent  eut l'impression d'agir comme un salaud. En dépit de la manière dont Damien le traitait en ce moment, il y avait cette petite partie dans son cerveau qui espérait qu'ils réussiraient à traverser cette épreuve, en quelque sorte. Parce qu'il voulait vraiment être avec Damien. Il poussa un profond soupir. Ouais, compliqué était un euphémisme. Il reporta son attention sur Rick. Il ne pouvait le laisser espérer. Ce ne serait pas juste. Les yeux mélancoliques le regardaient attentivement.
Vincent  se pencha en avant et l'embrassa sur la joue.
— Je suis flatté. Vraiment. Et pour information, je te trouve très mignon.
Rick rougit, ses joues prenant une délicate nuance de rose. Il poussa un soupir exagéré.
— Eh bien, au moins j'ai réussi à demander.
Il toucha brièvement sa joue, puis recula.
— Nous sommes encore copains quand même n'est-ce pas ?
— Mais, oui, dit Vincent  en souriant. C'est bon de savoir que j'ai ici au moins une personne comme moi.
Rick lui rendit son sourire.
— Oh, plus d'une, mon pote. Nous t'aimons bien, tu sais. D'accord, Claudine avec son béguin pour toi ne compte pas. Elle l'a mal pris, je dois dire. Tu lui as asséné un sacré coup. Vincent  fit un signe de tête, chagriné. Il aurait pu faire les choses différemment, mais c'était juste un ras-le-bol, une réaction incontrôlée. « C'est dingue ce que le manque de sommeil et le chagrin peuvent nous faire dire ».
— Je dois aller m'excuser.
— Bonne idée.
Rick fit un geste vers la porte.
— Allez, sortons d'ici. Sinon, ils vont tous finir par croire qu'il se passe quelque chose dans les toilettes pour hommes.
Il lui fit un clin d'œil.
— Mais, pas de chance.
Vincent  se mit à rire et ébouriffa ses cheveux.
— Tu es vraiment un vilain garçon.
Rick haussa les sourcils.
—Tu viens seulement de le découvrir ? Depuis combien de temps travailles-tu ici ?
Les deux hommes éclatèrent de rire et quittèrent les toilettes. La cuisine était vide. Vincent  prit une autre tasse de café et, après avoir donné une chaleureuse – mais brève – accolade à Rick, il alla dans son bureau et referma la porte. Assis, il prit sa tasse et regarda la porte toujours fermée. Sa seule consolation, c'était qu'au moins il était sorti du placard maintenant. Malheureusement, cela devait rendre les choses plus difficiles pour Damien. Et à en juger d'après sa réaction, son patron était nettement mécontent de la tournure des évènements.
Oh, eh bien... Il semblerait que Melissa allait obtenir ce qu'elle voulait après tout. Peut-être était-il temps de se mettre à rechercher un autre travail. Il semblerait qu'il allait en avoir besoin.
***
Putain, pourquoi n'était-il pas ivre ?
Vincent  n'arrivait pas à le comprendre. Il était assis à une table dans un coin du club, regardant ses verres vides de ses yeux fatigués. La musique retentissait et l'air était saturé de bavardages. G.A.Y. était son club favori et ce soir, il semblait être le favori de tout le monde également. Il n'avait jamais vu autant de personnes. Bien sûr, les go-go dancers sur scène devaient avoir quelque chose à y voir. Il les regardait tournoyer autour de leurs barres, vêtus seulement d'un minuscule short en lycra argenté, qui montrait parfaitement bien leur équipement, merci. Vincent se cachait. Il avait entrevu quelques personnes qu'il connaissait, mais n'était pas d'humeur à bavarder. Avec personne. Erroll, son serveur pour la soirée, se faufila un chemin jusqu'à sa table et lui adressa un petit coup d'œil.
— Un autre, Vincent?
Il hésita. C'était tentant. Il était venu ici ce soir avec la ferme intention de s'enivrer, mais l'alcool ne semblait pas fonctionner. Il n'arrivait pas à comprendre pourquoi. « Alors quelques-uns de plus ou de moins, cela ne pourrait pas faire de mal ». Pour un cerveau qui fonctionnait au ralenti, cela avait du sens.
— Ouais, la même chose, merci, Erroll.
Le garçon hocha la tête et valsa plus loin, se dirigeant vers le bar. Vincent s'adossa contre la banquette rembourrée. Apparemment, ce n'était pas son jour.
— Où étais-tu salope ? Cela fait une éternité que je ne t'ai pas vu !
La tête de Vincent se tourna en direction de la voix.
— Oli !
Son visage se fendit d'un sourire.
Oli lui sourit largement.
— Qu'est-ce que tu fais dissimulé dans ce coin, Vincent ? Tu te caches de quelqu'un ?
Il cligna de l'œil et Vincent  se mit à rire.
— Puis-je me joindre à toi ?
— Ça dépend. Où est la femme ?
Oli pinça ses lèvres.
— Regarde-moi bien, salope. Je suis la femme.
Ses yeux brillaient.
—Ben est au bar. Il sera là dans une seconde.
Vincent  lui fit signe de s'asseoir autour de la table et Oli se laissa tomber sur la banquette en poussant un soupir dramatique. Il se pencha en avant et embrassa Vincent  de façon taquine sur les lèvres avant de reculer dans son siège.
— Mes pieds me font un mal de chien. Je te jure. Il m'a gardé sur la piste de danse durant des heures !
Vincent  se mit à rire. Il savait combien Oli aimait danser, mais sa passion était entièrement à l'opposé de celle de son partenaire, Ben. On pouvait retrouver la paire dans la plupart des clubs le week-end, généralement entourée d'un nombre impressionnant de jeunes hommes plus sexys les uns que les autres.
— Ça fait combien de temps que vous êtes ensemble maintenant ?
Le visage d'Oli s'étira en un large sourire.
— Deux ans en septembre prochain.
Sa bouche s'ouvrit et resta grande ouverte.
— Ooh ! Tu ne le sais pas, n'est-ce pas ?
Vincent  était perplexe.
Oli leva sa main gauche et l'agita en face de son visage. Un anneau en or blanc ornait son annulaire.
Vincent  sourit.
— C'est super ! Quand est-ce arrivé ?
Oli rayonna.
— Durant notre voyage en Nouvelle Zélande et en Australie.
Il poussa un soupir exagéré.
— C'était magique.
— Tu dragues encore des mecs étranges, bébé ?
Ben apparut avec leurs boissons. Il adressa un clin d'œil à Vincent .
Vincent  adorait l'accent chantant des antipodes de Ben. Il était originaire de Nouvelle Zélande, mais avait vécu à Sidney pendant un certain temps avant de s'installer à Londres. Il adressa à Ben un clin d'œil alors qu'il s'asseyait à côté d'Oli, drapant un bras autour de son épaule et Oli se pencha immédiatement contre lui. Ils formaient vraiment un beau couple. Oli était pâle et Ben sombre, mais tous les deux étaient minces, Vincent aimait les bras musclés de Ben et son large torse, mis en valeur par son tee-shirt bleu foncé. Oli portait son habituel jean accompagné d'un tee-shirt, celui représentant deux gars qui s'embrassaient. Et bien sûr, il avait un sweat à capuche. Oli était indissociable de ses sweats à capuche.
— Félicitations.
Le sourire de Ben révéla ses dents blanches.
— Oh, merci, Vincent .
Il prit une gorgée de sa bière.
— Nous ne t'avons pas beaucoup vu par ici ces derniers temps. Tu étais occupé ? Comment se passe ton job d'escort ?
Il tordit ses doigts pour former des guillemets et lui sourit.
Vincent  grimaça.
— Sujet sensible. Je n'ai pas beaucoup travaillé pour eux récemment pour être honnête.
Il lança un regard noir à Ben.
— Et je suis un putain d'escort, alors fais gaffe à ce que tu dis, salope !
Son sourire indiquait qu'il plaisantait.
— Attends une minute, intervint Oli. N'as-tu pas eu une nuit de sexe brûlant et effréné avec un homme ? Je crois me souvenir d'un texto que tu nous avais envoyé comme quoi tu étais sur le point d'avoir ton premier client... littéralement.
Son front se plissa avec un froncement de sourcils.
— Ai-je mal compris ?
Vincent  soupira.
— Non, c'est juste. Et cela a été l'unique fois.
Ben ricana.
— C'était donc si mauvais ?
Vincent eut un petit rire.
—Oh, l'ironie !
Les deux hommes le regardaient avec perplexité.
— En fait, c'était très bien. C'était probablement même le meilleur sexe que je n'ai jamais eu de ma vie.
Les yeux d'Oli s'écarquillèrent.
— Tu plaisantes.
Vincent secoua sa tête.
— J'aimerais que ce soit le cas, dit-il tristement.
Oli le regarda avec inquiétude.
— Que s'est-il passé, bébé ?
Le visage de Ben arborait une expression similaire. Vincent fut soudainement heureux d'avoir l'occasion de libérer sa poitrine de toute son histoire douloureuse. Pendant les dix minutes suivantes, il expliqua ce qu'il s'était passé en terminant avec son exploit de la matinée. Ben le regarda.
— Laisse-moi faire le point, pour voir si j'ai bien tout compris. Tu as finalement dit à cette couguar dans la cinquantaine d'arrêter de te harceler sexuellement et tu t'es même démasqué dans le processus ?
Il éclata de rire.
— Tu es unique, Vincent.
Oli lui envoya un petit coup de coude dans les côtes.
— Montre-lui un peu de sympathie tout de même. Tu ne vois pas qu'il est mal ?
— Aïe!
Ben se frotta les côtes, les sourcils froncés.
— N'es-tu pas un peu trop mélodramatique, bébé ? Je veux dire, ce n'est pas comme si cela allait changer considérablement sa vie, n'est-ce pas ?
Oli leva les yeux au ciel.
— Oh, quel homme intelligent ! Tu peux être tellement buté parfois !
Il embrassa tendrement son partenaire sur les lèvres.
— Vincent  est amoureux de son patron, lui expliqua-t-il patiemment.
Vincent  resta bouche bée. Il n'avait pas dit ça... N'est-ce pas ?
Oli le regarda attentivement, une expression de sympathie sur le visage. Ses beaux yeux notant sa réaction.
— Oh mon Dieu, dit Oli doucement. Et moi qui pensais que Ben était le seul qui était aveugle ici.
Vincent le dévisagea. Amoureux de Damien ?
Oli sourit.
— Vincent , vu l'air que tu as lorsque tu parles de Damien ... Je déteste avoir à te le dire, bébé, mais c'est évident. Tu es amoureux de lui.
Il regarda Vincent tendrement.
Soudain, Vincent  se sentit vide.
— Ça ne compte pas, dit-il sourdement. Il va se marier avec Melissa.
Ben renifla.
— Et tu vas juste rester assis et laisser cela se produire ? Putain de merde !
— Eh bien, qu'est-ce que je peux faire d'autre ? Vous avez des suggestions ? demanda Vincent . Parce que vu de là où je suis assis, il n'y a pas une seule chose que je puisse faire à propos de tout ça.
Ses joues se mirent à rougir.
Ben sourit, prenant un air diabolique.
— Amène-le-moi à moins de trois mètres et je lui ferai comprendre qu'il est un total connard.
Son expression changea. Il le regarda fixement.
—Il est sur le point de faire la plus grosse erreur de sa vie, Vincent . Peux-tu imaginer l'horreur que ce sera à partir de maintenant ? Être marié à une vraie salope qui n'est pas seulement avide d'argent, mais qui veut aussi lui faire jouer le rôle d'un hétéro. Pas de petit ami secret, non plus. Et tout cela parce qu'il a peur de faire son coming out.
— Attends, attends, dit Oli, posant une main sur le bras de Ben. Je peux parfaitement comprendre pourquoi Damien réagit comme ça. Je veux dire, il y a quand même son entreprise en jeu.
Il reporta son attention sur Vincent.
—Mais Ben a raison, chéri. Ton Damien va ruiner toute sa vie.
De nouveau ce regard plein de sympathie.
— Si tu l'aimes, tu ne peux pas le laisser faire ça... Pas sans lui dire ce que tu ressens pour lui.
Vincent  grogna.
— Oh non !
Ils avaient raison, bien entendu.
— Mais et si je lui dis et que cela ne change rien ?
La voix de Ben se fit gentille.
— C'est un risque que tu dois prendre. Mais pense à ça : et si lui révéler la vérité changeait tout ?
Il regarda Vincent  dans les yeux.
Le jeune homme jeta un coup d'œil à Ben. C'était une possibilité qu'il n'avait pas osé envisager. Cela revenait, pour lui, à tenter sa chance avec le diable. Ben claqua sa main sur la table.
— Assez pensé. Changeons de sujet avant que tu ne deviennes fou. J'ai autre chose pour te dérider. Veux-tu venir chez Stephen et Darren la semaine prochaine ?
Il ricana.
— Cela promet d'être sauvage.
— Ooh, ouais !
Oli rebondit sur son siège.
— Viens avec nous. Ce sera comme au bon vieux temps.
Vincent  savait, sans qu'ils aient besoin de lui dire, ce qu'il se passait dans la maison de leurs amis communs. Stephen et Darren étaient célèbres pour leurs fêtes, véritables orgies de sexe. Ben et Oli s'étaient rencontrés lors de l'une de ces fiestas, il y avait un peu plus de deux ans.
— Vu l'humeur dans laquelle je suis, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée.
D'ailleurs, ce n'était pas quelque chose qui intéressait particulièrement Vincent. Il y avait été une fois, en tant qu'invité de Ben et d'Oli, mais le sexe de groupe n'était pas vraiment son truc. Il savait que le couple y participait, partageant souvent un troisième, mais ils y jouaient ensemble.
—Oh, s'il te plaît ?
Oli se déplaça sur la banquette et caressa la poitrine de Vincent de sa main, avant d'arriver à sa joue et de l'embrasser sur les lèvres.
— Nous n'avons pas joué avec toi depuis des siècles.
Ses yeux brillaient de convoitise. Vincent hésita. Il ne voulait pas les offenser, mais il n'était pas sûr de pouvoir le faire. Cela ressemblerait trop à une trahison.
— Tu ne triches que si tu es réellement dans une relation, bébé.
Punaise ! Ben et son intuition... Il hocha la tête en connaissance de cause.
—Ne nie pas que c'était ce que tu pensais. Je te connais trop bien.
C'était vrai. Ben et lui avaient pris soin l'un de l'autre depuis aussi longtemps qu'il pouvait s'en souvenir, avant même qu'Oli n'entre dans sa vie. Ben secoua sa tête.
— C'est peut-être quelque chose qui pourrait intéresser Damien ?
Maintenant, ça, ça le fit réfléchir.
— Peut-être.
Il se souvenait de Damien, il y a deux semaines, regardant une orgie sur son ordinateur.
— C'est quand ?
« Non pas qu'il allait y assister, mais cela ne pouvait pas nuire de savoir quand cela se passerait. Juste au cas où.
— Mercredi prochain.
Ben rencontra son regard.
— Si, par miracle, tu obtiens qu'il vienne avec toi, tu ferais mieux de t'assurer qu'il sache comment cela se passe.
Oli hocha la tête à côté de lui.
Vincent savait ce qu'il voulait dire. Quiconque assistait à une fête du sexe devait savoir ce qu'il voulait faire à l'avance. Il n'était pas sûr de pouvoir aller jusqu'au bout. Mais si c'était quelque chose que Damien voulait essayer, Vincent prendrait sur lui et l'accompagnerait.
Cela pourrait être un beau cadeau à lui faire, leur dernier moment passé ensemble avant que Melissa ne mette ses griffes sur lui. L'idée d'Oli de révéler à Damien ce qu'il ressentait était romantique, mais là c'était la vraie vie, la vie réelle, pas un roman. Il n'y avait aucune chance que Damien abandonne son entreprise. Et cela n'avait pas d'importance si Vincent était amoureux de lui. Damien ne l'aimait pas. Il ne pouvait pas. Parce que si Damien l'aimait, il n'aurait pas laissé tomber Vincent.
Il jeta un coup d'œil au couple.
— Je vais y réfléchir.
C'était la seule promesse qu'il pouvait faire. En outre, il y avait un autre point qui posait problème. Pour qu'il puisse inviter Damien, ils allaient devoir se parler l'un à l'autre, et basé sur son expérience de la semaine écoulée ? Ce n'était pas prêt d'arriver.
Vincent est partis confier son problème à un couple d'amis qu'il avait rencontrer à une fête chez un de leur amis commun comment va t-il réagir après l'annonce qu'il vont lui faire et Damien seras y-il d'accord?

Je suis tomber amoureux de mon assistantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant