Pour un geste

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Quand Maya arriva au collège, elle aperçut Donovan, la main sur la gorge d'un autre garçon qui était plaqué contre le mur. Ses yeux gris étaient plus foncés que jamais, et ses traits étaient déformés par la colère. Le garçon au mur se débattait et grimaçait sous la douleur. Quant aux gens autours, ils observaient la scène, comme si tout cela était un merveilleux spectacle.

- Ne dis plus jamais ça, ok ? vociféra Donovan.

Le garçon ne répondit rien et se contenta de le fixer en fronçant les sourcils.

- Ce ne sont que des mensonges, c'est clair ? C'est clair ? fit-il en resserrant son étreinte et en plaquant encore plus le garçon, dont le visage tournait dangereusement au rouge.

C'est là qu'elle se remémora les paroles de Donovan. « Tu te complais dans ta petite vie de fille timide. » Et elle songea « Ce n'est pas juste. Ce n'est pas juste car on peut être tellement plus que ce que les gens veulent voir en nous. » Alors, animée par une force dont elle ne connaissait pas l'origine, elle poussa du coude la marée d'élèves qui entouraient Donovan afin d'arriver à leur niveau. Une fois-là, elle s'interposa entre les deux et les sépara. Un avantage de faire de rugby, on gagne de la force. Le garçon glissa mollement le long du mur.

- Non mais ça va pas non ! cria-t-elle soudainement énervée.

Elle n'était plus Maya, la fille qu'on bouscule dans les couloirs. Elle était tellement plus, elle était maître de son destin, et à cet instant, elle volait au-dessus de la peur.

- Ce n'est pas comme ça qu'on règle ses problèmes ! Tu te rends compte de ce que tu as fait ! Peu importe la raison, tu aurais pu gravement le blesser ! Et merde ! Pourquoi personne d'autre que moi ne réagit !

Elle plongea ses yeux dans les siens, réalisant dans quelle situation elle s'était mise. Toute la foule la regardait d'un air éberlué. Mais ce n'était pas ça le problème. Le problème, c'était la réaction qu'allait avoir Donovan. Elle s'attendit à recevoir un coup de sa part, mais à la place, ses yeux retrouvèrent peu à peu sa couleur normale, et un sourire à la fois mystérieux et moqueur fendit son visage.

- T'es remplie de surprise, p'tite Maya.

Il ébouriffa ses cheveux et partit d'une marche tranquille vers le lycée. La masse d'élèves se coupa en deux afin de le laisser passer. Elle se tourna ensuite vers le garçon qui était assis par terre et reprenait difficilement son souffle.

- Merci. Murmura-t-il.

Elle l'aida à se relever.

- Tu t'appelles comment ? demanda-t-elle.

- Max.

- Max, est-ce que tu veux que je t'emmène à l'infirmerie ?

Il fit non de la tête.

- Ca ira.

Ils traversèrent à leur tour la foule. Sur son passage, des gens soufflaient à Maya des « Bravo » et même des « Merci », et elle sentit que pour une fois, elle existait.

Elle marchait dans les couloirs quand Thomas vint la voir. Les nouvelles se répandent si vite dans un lycée, et il avait eu vent de son « exploit ». Car à échelle mondiale c'est une poussière, à échelle Maya c'est une réussite.

- C'est vrai ce qu'on raconte ? Qu'est-ce qui t'as pris Maya ? Ca ne te ressemble pas ! s'exclama-t-il tout excité.

Elle prit le temps de sourire.

- Tu sais ce que je pense ? Le monde irait bien mieux si on arrêtait d'avoir peur de sortir de nos petites cases.

Elle s'arrêta, elle était arrivée à sa salle de cours. Elle rentra à l'intérieur en laissant derrière elle un Thomas bouche bée.



Donovan l'ignora tout le reste de la journée. Pas un regard, pas une parole, pas un sourire. Rien, le néant. Sûrement l'avait-elle déjà vexé la veille, et le fait d'avoir défendu Max ce matin n'avait sûrement rien arrangé. Et ça l'énervait. Il n'avait pas le droit d'agir comme ça avec elle. Il était lunatique ou quoi ? Un coup il l'appréciait, un coup elle n'existait plus. Toute la force qu'elle avait ressentie le matin venait de s'évaporer. Les gens avaient déjà oublié son exploit de ce matin. Petit à petit, les choses avaient retrouvé leur ordre, chacun était revenu à sa place, et elle était redevenue cette fille timide du fond de la classe. Elle se demanda si cette étiquette la collerait jusqu'au restant de sa vie. Elle s'assit à une table du réfectoire et commença à mâchouiller son pain en attendant que Thomas la rejoigne. Max s'arrêta à sa table. Il avait une bien meilleure mine que la première fois qu'elle l'avait vu.

- Merci beaucoup pour ce matin. Si tu n'avais pas réagi, les autres l'auraient laissé faire.

Il porta la main à son cou en mimant la douleur.

Elle se sentit remplie de fierté et arbora un sourire flamboyant.

- De rien, c'est tout à fait normal.

- Les gens sont tellement trouillards de nos jours. Parfois, il suffit juste d'une personne pour faire changer les choses. En tout cas, merci beaucoup.

Il lui sourit et s'apprêta à partir.

- Max ?

Il se retourna.

- Qu'est-ce que tu lui avais dit pour qu'il se mette dans un tel état ?

Un triste sourire se dessina sur le visage du garçon.

- Sale tapette.

Et il reprit sa route.



Maya passa la grille du lycée, fouillant dans ses poches à la recherche de ses écouteurs. Elle les avait encore oubliés.

- Pourquoi cet air renfrogné ?

Donovan était adossé contre un mur, une cigarette au coin de la bouche. Elle songea à l'ignorer, mais elle n'y arriva pas.

- J'ai oublié mes écouteurs.

Ses lèvres s'étirèrent en un sourire.

- Tu devrais arrêter d'oublier les choses si tu ne veux pas qu'on t'oublie.

Elle leva les yeux au ciel.

- Tu te remets à faire des morales sans aucuns sens pour te donner un genre mystérieux.

Il lâcha un rire sec qu'elle trouva profondément vexant.

- Je suis mystérieux, tout simplement.

Il tira sur sa cigarette puis fit sortir la fumée de sa bouche. Il posa sur elle des yeux rieurs.

- Alors, qu'est-ce que ça fait d'être une star ?

Elle sourit malgré elle.

- C'est cool. Répondit-elle d'un ton enjoué. Et éphémère.

Son sourire s'agrandit et il se décolla du mur. Il se pencha vers elle et lui susurra à l'oreille :

- Tu devrais recommencer plus souvent. J'aime les filles qui ont du caractère, c'est atrocement sexy.

Il frôla sa joue en se redressant et partit tout simplement. Elle porta les mains à ses joues qui étaient devenues brulantes, et partit de son côté en ayant pour musique le battement effréné de son cœur.  h



Les yeux fermésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant