Cigarette daydreams

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Elle ne savait pas pourquoi elle se retrouvait en pleine nuit, emmitouflée dans un jogging et une veste trouvée à la va vite, faisant claquer ses bottines contre le sol froid. Elle leva les yeux au ciel et réprima un soupire. Des nuages menaçants faisaient leur apparition. Il ne manquerait plus qu'il pleuve, ce serait la cerise sur le gâteau ! Elle ouvrit sa main sur laquelle elle avait gribouillé une adresse que Donovan lui avait donné. Peu de temps après, elle se trouvait face à une maison aux apparences miteuses. Dès qu'il lui avait demandé de venir, elle avait sauté de son lit. Mais maintenant, elle avait froid et se demandait clairement ce qu'ils leur avaient pris, à lui de lui faire une telle requête en pleine nuit, et à elle d'avoir accepté. Elle toqua discrètement de peur de réveiller quelqu'un. Il lui ouvrit la porte, un immense et arrogant sourire aux lèvres. Et sans raison particulière, ça la fit sortir de ses gonds.

- Mais c'est quoi ton problème à la fin ? s'énerva-t-elle.

Il haussa mollement les épaules, sans cesser de sourire.

- Je ne sais pas trop, j'peux pas expliquer.

Il claqua la porte derrière lui et descendit tranquillement dans la rue, une clef de voiture à la main. Elle le regarda ouvrir une portière en fronçant les sourcils.

- Qu'est-ce que tu fais ?

Il se tourna vers elle, en glissant une cigarette au coin de ses lèvres.

- On part vers un monde meilleur petite.

Sur-ce il s'engouffra dans la voiture. Elle leva les yeux au ciel.

- Qu'est-ce que tu attends ? la pressa-t-il en abaissant la fenêtre.

Alors elle entra à son tour dans la voiture. Elle le suivait aveuglément, comme à chaque fois.

Elle boucla sa ceinture tandis qu'il se penchait vers la radio afin de trouver une bonne station, puis il démarra. Elle regarda le paysage de nuit défiler derrière la fenêtre.

- Je ne comprends toujours pas ce que je fais ici. Marmonna-t-elle.

- Moi non plus.

Elle fronça les sourcils.

- Pourquoi m'as-tu appelée ?

- J'avais besoin de te voir.

Impossible d'être en colère contre lui après une telle déclaration. Elle était touchée, et afficha malgré elle un sourire idiot. « Profite de l'instant présent. Ne te fais pas de soucis. Tu te moques bien de ce qui arrivera par la suite. » pensa-t-elle. Alors elle chassa d'un revers de main invisible ses mauvaises pensées, dont celles consacrées à Thomas. Il y eut un moment de silence, mais un silence léger, avec en écho la musique qui s'échappait des hauts parleurs. Ils étaient tous les deux à moitié endormis. Les évènements se déroulaient au ralentit, comme dans un rêve. Ce mélange de bizarrerie était étrangement agréable. La lune se reflétait dans le rétroviseur, et les lampadaires se faisaient de plus en plus rares au fur et à mesure qu'ils s'éloignaient de la ville.

- Je crois que je te dois la vérité. Déclara-t-il, les yeux fixés sur la route.

La tête appuyée contre la vitre froide, elle hocha la tête, l'incitant à développer. Elle observa son profil, son nez droit et sa mâchoire carrée, et le temps d'une minute, elle s'autorisa à croire qu'il allait lui déclarer sa flamme. Elle s'imagina une belle déclaration, quoiqu'un peu maladroite, et ensuite il l'emmènerait dans un endroit magnifique que lui seul connaîtrait, comme un lac où les millions d'étoiles se reflèteraient. Au lieu de ça, il lui dit :

- Je fous toujours tout en l'air. Toujours. Et je sais qu'un jour, inévitablement, je vais faire quelque chose de mal, et que tu ne voudras plus jamais me voir, ou me parler. Je deviendrais ce gars que tu hais, et qui fais partie de ton passé. Juste un mauvais souvenir. C'est pour ça que je me permets de te kidnapper le temps d'une soirée.

Ses mains serrèrent plus fort le volant.

- Je veux défendre ma cause. Je ne veux pas que vous me détestiez, toi et Thomas, car d'une manière ou d'une autre, je tiens à vous. Mais le truc, c'est que je ne sais pas qui je suis, ni où je vais. Je suis juste un pauvre mec perdu entre ce qu'il est et ce qu'il voudrait être. Prendre les choses au sérieux c'est parfois douloureux tu sais. Mais vous m'avez ramené à la réalité. J'étais bien, du haut de mon pied d'estale, les gens me respectaient voir me craignaient et toutes les filles craquaient sur moi. Mais j'ai réalisé que je n'étais rien. Juste l'ombre d'un garçon, une bref image de personnalité. Vous vous êtes... entiers. Je voudrais être comme vous. Je me suis bien amusé, mais j'ai envie d'arrêter de jouer. Arrêter de faire des actes que je ne comprends pas parce qu'ils sont susceptibles de plaire aux autres. Mais c'est comme une spirale infernale, je ne peux plus en sortir. Les gens se sont fait une image de moi, et je ne pourrais plus la changer. Je suis coincé.

Elle ne savait pas quoi répondre. Elle le regardait, décontenancée par ses propos. Prise au dépourvu, elle posa sa main sur la sienne, et la serra légèrement. Il la regarda un peu étonné, alors elle lui sourit. Un immense sourire qui disait que tout irait bien. Alors il sourit aussi, parce qu'il la crut.

- Putain, je rêverais d'une cigarette. Déclara-t-il.

Elle rit légèrement puis retira sa main. Ils parlèrent beaucoup, de tout et de rien. Ils chantèrent à tue-tête, et dansèrent de manière saccadée et étrange étant donné qu'ils se trouvaient dans une voiture. Mais ils s'en moquaient. Ce soir-là, le monde leur appartenait.

Et ils conduisirent toute la nuit, car il n'existe pas de monde meilleur pour les adolescents amoureux et perdus.  m


Les yeux fermésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant