Pour une poignée de main

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Elle avait chaud, très chaud. Tant que Donovan ne lui lâcherait pas la main, elle continuerait de sentir des flammes chatouiller son cœur. Il avançait, tenant sa main dans la sienne, en silence, tirant par moment sur sa cigarette, comme si tout cela était normal. Sauf que pour Maya, ça ne l'était pas. Elle était loin d'être le genre de fille qui tient la main du plus beau garçon du lycée. Un garçon qui, malgré ses erreurs et une certaine cupidité, ne cessait de la charmer et de lui plaire. « On dirait un couple. » songea-t-elle. Elle se sentait euphorique, bien qu'une partie d'elle avait l'impression de jouer à faire semblant. Comme s'il y avait une tâche qui venait gâcher leur joli tableau.

- La nuit tombe vite en ce moment. Déclara-t-elle pour briser le silence.  j

- C'est vrai.

Elle ne pouvait s'empêcher de penser « Que dira Thomas ? ». Elle sentait qu'elle perdait le contrôle de la situation. Elle n'avait plus pied, et elle ne savait pas si elle volait ou si elle coulait. Elle s'arrêta, ils étaient arrivés.

- Merci de m'avoir raccompagnée. Dit-elle en souriant.

Il se rapprocha dangereusement d'elle, alors elle recula vers le mur.

- Tu n'es pas le genre de fille à qui ça arrive souvent n'est pas ? demanda-t-il avec son sourire moqueur.

Elle roula des yeux. Peu importe le moment, il s'arrangeait toujours pour être agaçant.

- Oh, c'est bon...

Elle retira vivement sa main de la sienne, vexée.

Il recula, toujours le même rictus coincé aux lèvres.

- Ce que je voulais dire, c'est que tu mérites que l'on s'intéresse à toi. Si les garçons te connaissaient comme je te connais, ils seraient tous dingues de toi.

Son sourire s'agrandit puis il fit demi-tour et partit sans même un au revoir. Elle s'engouffra chez elle, les joues en feu.



Thomas contempla le petit bout de papier dans sa main. Il était d'une légèreté pesante. « Je crois bien que je suis amoureux. » songea-t-il. Ça craignait. Vraiment.

Face au feu qui brûlait face à lui, il était incapable de jeter ce mot signé Donovan, et de faire une croix sur lui une bonne fois pour toute. Oui, il était dans de beaux draps. De un, Donovan était un crétin fini. De deux, il était loin d'être comme lui. Donovan aimait les filles, il n'y avait pas de doutes là-dessus. Il soupira et s'éloigna de la cheminée allumée. Il était impossible pour lui de brûler ce satané papier. Pourtant, il pesait sur lui comme une enclume. C'était symbolique, il représentait un amour impossible, une blessure, une cicatrice. Il fallait qu'il s'en débarrasse, sans pour autant le faire disparaître. Alors il s'approcha de la fenêtre de sa chambre et l'ouvrit. Le froid cogna son visage blessé. Il passa la main à travers la fenêtre, et avec hésitation, lâcha d'un coup le papier, qui s'envola au gré du vent.



- Quoi ? Vous vous êtes réconciliés ? s'exclama Thomas, ébahi.

Il se sentait à la fois trahi et rassuré. Gênée, Maya se balançait maladroitement d'une jambe à l'autre.

- C'est que... commença-t-elle, cherchant les bons mots. Il a vraiment envie de se racheter, et je ne sais pas, il m'a dit des choses, je crois que c'est un garçon gentil dans le fond.

Il la considéra, sourcils froncés et bouche pincée.

- Thomas, ne m'en veut pas, il tient beaucoup à toi tu sais.

Il ne savait pas quoi dire. A l'intérieur de lui, une lutte s'était établie entre son cerveau et ses sentiments. La sonnerie mit fin au combat. Il tourna les talons pour se rendre en cours.

- Thomas... dit Maya dans son dos, mal à l'aise.



Ils étaient adossés contre un mur de la cour.

- Thomas me fait la tête. Dit Maya, assez dégoûtée de sa réaction.

- C'est compréhensible. Répondit-il.

Elle se tourna vivement vers lui, étonnée de sa réponse.

- Quoi ? Mais je te rappelle que c'est à cause de toi qu'on en est là ! s'écria-t-elle, abasourdie par tant de culot.

- C'est toujours de ma faute. Soupira-t-il.

Elle le fixa, épatée par l'assurance incroyable qu'il dégageait. A sa place, elle ne saurait plus où se mettre. Il était égoïste, et elle fut tenté le temps d'une seconde de lui demander où était passé son cœur. Mais outre les apparences, il devait y avoir une raison à ce comportement. Elle décida de ne rien répondre afin d'éviter une dispute et regarda Thomas, qui discutait avec d'autres personnes. C'était dur de le voir rire avec quelqu'un d'autre qu'elle. C'était égoïste de sa part, mais elle pensait au fond d'elle, qu'il ne devrait y avoir qu'elle. Seulement elle. Et personne d'autre. Mais il est impossible de contrôler les sentiments d'une personne, ce serait comme demander à l'océan de se vider où au soleil de s'éteindre.



La nuit, c'était à ce moment-là que c'était le pire. Quand Solitude l'empêchait de sourire et que Culpabilité s'amusait avec un plaisir malsain de le ronger, qu'elle lui soufflait à l'oreille que faire semblant d'être quelqu'un d'autre était mal. Alors il se retournait dans son lit, encore et encore, avec des pensées qui empoisonnaient son sommeil. Puis Culpabilité lui disait que c'était perdu, que c'était trop tard, qu'il avait tout gâché, comme d'habitude. Alors qu'il se noyait dans ses remords, Espoir fit une apparition inattendue. De sa voix la plus douce, il lui murmura à l'oreille :

- Mais Maya et Thomas, ils ont l'air différents. Tu peux compter sur eux, tu peux changer. Te libérer des chaines que tu t'es toi-même imposé.

Donovan se redressa subitement. Il écarta d'un geste sa couverture et tendit la main. Il tâta sur sa table de nuit remplie de bric et de broc et finit par attraper son téléphone.

- Allo ? fit-il.

- Donovan ? demanda une voix endormie à l'autre bout du fil.

- On peut se voir ?


Les yeux fermésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant